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Full text of "L'art français sur le Rhin au 18e siècle"

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L'Art  Français  sur  le   Rhin 

AU  XVIIP   SIÈCLE 


Ouvrages  du  même  Auteur 


Cologne  (Les  Villes  d'art  célèbres).  —  Paris,  1908. 

Peter  Vischer  et  la  sculpture  franconienne  (Les  Maîtres  de 
VArt).  Paris,  1909. 

Les  Primitifs  allemands  (Les  Grands  Artistes).  —  Paris,  1910. 

Mathias  Grûnewald  et  le  retable  de  Colmar.  — -  Nancy-Stras- 
bourg, 1920. 


Saint-Pétersbourg  (^les  Villes  d'art  célèbres).  —  Paris,  1913. 
L'Art  russe.  —  2  volumes.  Paris,  1921-1922. 


Correspondance     de    Falconet   avec   Catherine    II.    —    Paris, 
Champion,  1921. 

Etienne-Maurice  Falconet.  —  2  volumes.  Paris,  1922. 


Louis    REAU 

Docteur  es  lettres 
Ancien  Directeur  de  l'Institut  Français  de  Tétersbourg 


L'Art  Français 

sur  le  Rhin 

AU  XVIir  SIÈCLE 


Ouvrage  illustré  de  12  similigravures 


PARIS 

LIBRAIRIE   ANCIENNE   HONORÉ   CHAMPION 

EDOUARD     CHAMPION 

5,  QUAI   MALAQUAI8  (VI*). 
1922 

Tous  droits  réservés 


TABLE   DES  MATIÈRES 


I.  —  L'art  français  sur  le  Rhin 

Prédominance  de  l'art  français  en  Rhénanie  au  moyen  âge  et  au  xvm» 
siècle»  —  Principaux  centres  d'art  français  classés  dans  un  ordre  topogra- 
phique :  Strasbourg,  Mannheim,  Mayence,  Coblence  et  Bonn, 

I.  —  Alsace. 

Résidences  des  cardinaux  de  Rohan  :  le  château  de  Saveme  et  le  palais 
épiscopal  de  Strasbourg  construits  sur  les  plans  de  l'architecte  Robert  de 
Cotte,  décorés  par  le  sculpteur  Robert  Le  Lorrain,  —  Les  hôtels  de  la  rue 
Brûlée.  —  Plan  d'embellissement  de  Strasbourg  par  Jacques-François  Blondel. 

Expansion  de  l'architecture  française  en  dehors  de  Strasbourg  :  l'église 
Notre-Dame  de  Guebwiller. 

II.  Électorat   Palatin. 

Salomon  de  Caus  dessine  au  pied  du  château  d'Heidelberg  l'Hortus  Pala- 
tinus  (1613-1620).  —  Nicolas  de  Pigage  achève  la  construction  du  nouveau 
palais  électoral  de  Mannheim,  trace  les  jardins  de  Schwetzingen,  construit 
près  de  Dusseldorf  le  petit  château  de  Benrath. 

Même  prédilection  pour  l'art  français  chez  les  ducs  de  Deux-Ponts  et  les 
princes  de  Salm.  —  Pierre  Patte  est  premier  architecte  du  duc  de  Deux- 
Ponts  ;  Jacques-Denis  Antoine  trace  pour  le  prince  de  Salm-Kirbourg  les  plans 
du  château  de  Kirn. 


III,  —  Électorat  de  Mayknce. 

Boffrand  dessine  les  pavillons  et  les  jardins  de  la  Favorite,  résidence  d'été 
des  électeurs  de  Mayence,  copie  de  Marly.  —  Robert  de  Cotte  corrige  les 
plans  de  l'hôtel  des  princes  de  Tour  et  Taxis  à  Francfort.  —  Le  Chapitre  de 
Mayence  consulte  en  1770  l'Académie  d'architecture  de  Paris  sur  la  réfection 
de  la  flèche  de  la  cathédrale.  —  Jean-Charles  Mangin  construit  à  Mayence 
l'hôtel  de  la  Grande  Prévôté  (1782-1786). 

IV.  —  Électorat  de  Trêves, 

Jean  Antoine  construit  pour  l'électeur  Jean-Philippe  de  Walderdorf  le 
château  de  Wittlich  (1762-1764).  —  Le  nouvel  électeur  Clément  Wenceslas, 
oncle  de  Louis  XVI,  confie  d'abord  à  Michel  d'Ixnard,  puis,  sur  la  recomman- 
dation de  l'Académie  royale  d'architecture,  â  Peyre  le  jeune,  la  construction 


VI  *         TABLE   DES  MATIÈRES 

du  palais  électoral  de  Coblence  (1779-1786).  —   Projets  de  Peyre  et  de  Mangin 
pour  Kârlich,  résidence  d'été  de  l'électeur. 
Près  de  Trêves,  Mangin  construit  en  1779  le  château  de  Mon  aise. 


V.  —  Électorat  db  Cologne, 

Correspondance  de  l'électeur  Joseph  Clément  avec  Robert  de  Cotte  (1704- 
1715).  _  Plans  de  R.  de  Cotte  pour  les  châteaux  de  Bonn,  Poppelsdorf  et 
Briihl.  —  Projets  de  décoration  d'Oppenord.  —  Michel  Leveilly  bâtit  à  Bonn 
l'hôtel  de  ville  (1737)  et  la  porte  Saint-Michel  (1751). 

Le  château  de  Briihl,  commencé  en  1725  sous  l'électeur  Clément  Auguste 
est  en  majeure  partie  une  création  do  l'art  français.  —  Le  pavillon  de 
Falkenlust  par  Cuvilliés. 

Le  contre-courant  :  les  artistes  rhénans  à  Paris.  —  Le  peintre  Antoine  de 
Peters,  le  sculpteur  Jean-Jacques  Flatters,  les  architectes  Gau  et  Hittorf. 


Ce  n'est  pas  seulement  Bonn,  mais  toute  la  Rhénanie  qui  est  au  xviii»  siècle 
une  province  de  l'art  français. 

Livrée  à  la  Prusse  en  1814,  la  Rhénanie  a  été  orientée  de  force  vers  Berlin. 
—  Nécessité  de  renouer  la  tradition  interrompue  d'une  collaboration  franco- 
rhénane. 


II.  —  Documents. 


I.  —  Alsace. 

1.  Palais  de  Saverne  et  de  Strasbourg. 

Documents  sur  Robert  de  Cotte  et  sur  Robert  Le  Lorrain. 

2.  Incendie  de  la  cathédrale  de  Strasbourg. 

3.  Plans  de  Blondel  pour  la  ville  de  Strasbourg. 

II,  —  Élkctorat  Palatin. 
Documents  sur  Nicolas  de  Pigage. 


III.  —  Électorat  de  Mayence. 

1.  Description"de  La  Favorite. 

2.  Hôtel  de  Tour  et  Taxis  à  Francfort. 

3.  Reconstruction  de  la  flèche  de  la  cathédrale  de  Mayênce. 

4.  Description  de  la  Grande  Prévôté  de  Mayence. 


TABLE   DES   MATIÈRES  VU 

IV.  —  Électorat  de  Trêves. 

1.  Palais  électoral  de  Coblence. 

2.  Château  de  Kârlich. 

3.  Pavillon  de  Thiburg,  près  de  Trêves. 


V.  —  Élbgtorat  de  Cologne. 

Correspondance  de  l'électeur  Joseph-Clément  et  de  Guillaume  Hauberat  avec 
Robert  de  Cotte. 


Annexes 


Bibliographie. 

Répertoire    des  artistes   français    ayant   travaillé   dans  ou    pour    les    Pays 

Rhénans. 
Répertoire  des  artistes  rhénans  formés  en  France. 
Répertoire  des  principaux  monuments  de  l'art  français  en  Rhénanie. 


TABLE    DES    ILLUSTRATIONS 


Planches  Pages 

1  Robert  de  Cotte.  Projet  de  décoration  pour  le  salon  du  château 

de    Saverne 10  bis 

2  Robert  de  Cotte  et  Massol.  Le  palais  Rohan  à   Strasbourg    .       14  bis 

3  Salomon  de  Caus.  Frontispice  de  l'Hortus  Palatinus  (1620)    .      22  bis 

4  Nicolas  de  Pigage.  Château  de  Benrath 24  6ts 

5  Robert   de  Cotte  et  Hauberat.    Hôtel  de    Tour    et  Taxis    à 

Francfort 30  bis 

6  Charles  Mangin,  Coupe  de  la  galerie  de  la  Grande  Prévôté 

de  Mayence 34  bis 

7  Michel  d'Ixnard.  Projet  pour  le  palais  électoral  de    Coblence 

(1777).  —  Peyre  le  jeune.   Le  palais  électoral  de  Coblence 
(1779-1786) i2bis 

8  Vivien.   Portrait   de  l'électeur   de  Cologne,  Joseph-Clément, 

gravé  par  B.  Audran 48  bis 

9  Robert  de  Cotte.  Projet  de  façade  du  palais  électoral  de  Bonn. 

—  R.  de  Cotte  et   Hauberat.   Château  de  Poppelsdorf      .      b2bis 

10        Grand  escalier  du  château   de    Briihl 54  bis 


L'Art  Français  sur  le  Rhin 

AU  XVIII-  SIÈCLE 


Le  Rhin  est  beaucoup  plus  français 
que  ne  le  pensent  les  Allemands. 

V.  Hugo  :  Le  Rhin. 

L'expansion  de  l'art  français  du  xviii*  siècle  en  Allemagne 
—  et  spécialement  en  Rhénanie  —  est  un  sujet  qui  aurait 
dû  tenter  depuis  longtemps  les  historiens.  On  s'explique  à 
la  rigueur  que  des  savants  prussiens  ou  prussianisés  aient 
fait  systématiquement  le  silence  sur  cette  pénétration  de 
l'art  français  en  pays  rhénan.  Mais  qu'aucun  érudit  français 
n'ait  encore  eu  l'idée  d'orienter  ses  recherches  de  ce  côté 
et  de  célébrer  le  prodigieux  rayonnement  de  notre  art 
national  par  delà  nos  frontières,  c'est  ce  qui  semblera 
plus  étonnant  et  presque  incompréhensible,  surtout  si 
l'on  songe  à  l'intérêt  actuel  autant  que  rétrospectif  d'une 
pareille  enquête. 

Dans  ses  belles  leçons  sut  Le  génie  du  Rhin,  professées 
à  l'université  de  Strasbourg,  Maurice  Barrés,  étudiant 
successivement  tous  les  contacts  de  la  France  avec  les 
pays  rhénans  pour  déduire  de  ce  passé  la  méthode  la  plus 
appropriée  à  une  future  coopération  franco-rhénane,  a  lumi- 
neusement expliqué  tout  ce  que  les  Rhénans  doivent  à  la 
France  dans  le  domaine  économique,  intellectuel  et  reli- 
gieux. Il  n'a  oublié  qu'une  chose  :  le  magnifique  apport  de 
l'art  français.  Et  cependant,  si  notre  puissance  d'expansion 
se  manifeste  quelque  part  avec  évidence;  c'est  bien  dans 


a  L  ART    FRANÇAIS    SUR   LE    RHIN 

le  domaine  artistique.  Autant  que  l'esprit  de  prosélytisme 
religieux  ou  que  renchevêtrement  des  intérêts  matériels, 
le  prestige  de  notre  art  a  puissamment  contribué  à  la 
pénétration  pacifique  de  la  France  sur  les  bords 
du  Rhin. 

C'est  cette  lacune  que  nous  voudrions  essayer  de 
combler.  Mais  une  pareille  entreprise  n'est  pas  sans 
risques.  En  démontrant  que  la  Rhénanie  était  auxvm*^  siècle 
une  colonie  de  l'art  français,  nous  nous  exposons  à  être 
accusé  outre-Rhin  —  et  peut-être  même  outre-Manche  —  de 
nourrir  des  arrière-pensées  impérialistes  et  de  vouloir 
servir  cauteleusement  une  politique  d'annexion  plus  ou 
moins  déguisée.  Pour  couper  court  à  de  si  ridicules 
interprétations  et  désarmer  à  l'avance  les  critiques  qui 
seraient  tentés  de  travestir  cette  étude  historique  en 
pamphlet  de  propagande,  nous  avons  pris  la  précaution 
de  nous  référer  toujours  de  préférence  au  témoignage 
d'écrivains  allemands  tels  que  Gurlitt,  Renard,  Dehio 
que  nul  ne  songera,  je  pense,  à  soupçonner  de  par- 
tialité en  faveur  de  la  France.  Bien  plus,  nous  nous 
sommes  astreint  à  reproduire  in  extenso  les  documents 
originaux  que  nous  avons  coUationnés  aux  Archives 
Nationales  et  au  Cabinet  des  Estampes  de  la  Bibliothèque 
Nationale. 

La  correspondance  des  électeurs  rhénans  a  servi  de 
base  à  notre  étude.  Aucun  terrain  n'est  plus  solide.  Il 
suffira  à  tout  lecteur  de  bonne  foi,  qu'il  soit  Allemand 
ou  Français,  de  confronter  nos  affirmations  avec  ces 
documents  pour  se  convaincre  que  nous  n'avons  ni 
sophistiqué  ni  sollicité  les  textes  et  que  nous  ne  forçons 
pas  la  note  pour  les  besoins  de  notre  cause.  Si  nous 
nous  permettons  de  conclure,  après  le  dépouillement  de 
ce  copieux  dossier  de  pièces  pour  la  plupart  inédites 
rassemblé  ici  pour  la  première  fois,  que  la  Rhénanie  a 
été  depuis   la    fin  du    règne   de  Loui»  XIV   jusqu'à      la 


AU   XVIIl^   SIÈCLE 


Révolution  une    province    de    l'art   français,    c'est    que 
nous    croyons    en    toute     sincérité     en    avoir   fourni    la 


preuve 


La  Rhénanie  —  qu'on  prenne  ce  mot  dans  son  sens 
large  :  la  vallée  du  Rhin  de  sa  source  à  son  embouchure, 
ou  dans  son  sens  étroit  qui  est  à  vrai  dire  le  plus  usuel  : 
portion  du  territoire  allemand  de  la  rive  gauche  du 
Rhin  comprise  entre  l'Alsace  et  la  Hollande  —  a  tou- 
jours été  particulièrement  perméable  à  la  civilisation 
occidentale.  Par  sa  situation  même,  elle  est  prédestinée 
à  servir  d'intermédiaire  entre  le  monde  latin  et  les 
Allemagnes,  entre  la  Romanie  et  la  Germanie. 

A  quel  pointée  pays  a  été  imprégné  de  culture  romaine, 
c'est  ce  dont  témoignent  éloquemment  les  monuments  de 
Trêves,  les  musées  d'antiquités  de  Mayence  et  de  Bonn  et 
jusqu'au  nom  des  villes  comme  Cologne  (Colonia  Agrip- 
pinensis)  et  Coblence  (Confluentes)  que  les  vieilles 
estampes  topographiques  du  xvi«  siècle  appellent  «  la  ville 
de  Confluence  où  la  rivière  de  Moselle  entre  dedans  le 
'Rhin  ))(!). 

A  partir  du  moyen  âge,  c'est  l'influence  française  qui 
prédomine.  Les  moines  de  Cluny  et  de  Citeaux  essaiment 
sur  les  rives  du  Rhin.  Les  architectes  de  l'Ile-de-France, 
delà  Bourgogne  et  de  la  Picardie  enseignent  aux  Germains 
attardés  la  supériorité  de  l'architecture  dite  gothique,  qui 
n'est,  en  réalité,  que  rarchitecture  française  (^opus  franci- 
genum)  :  la  charmante  église  polylobée  Notre-Dame  de 
Trêves  emprunte  son  plan  à  Saint- Yved  de  Braisne  ;  le 
chœur  de  la  cathédrale  de  Cologne  se  modèle  sur  celui 
d'Amiens.  La  sculpture  française  triomphe  également  sur 

(1)  L'équivalent  français  de  Coblentz  serait  Conllans. 


4  L  ART   FRANÇAIS   SUR   LE   RHIN 

le  Rhin  :  les  magnifiques  jubés  qui  décoraient  autrefois  la 
cathédrale  de  Mayence  étaient,  suivant  Thistorien  alle- 
mand  Dehio,   des  chefs-d'œuvre  de  l'école  de  Reims  (i). 

Au  xvi*'  siècle,  le  Français  Pierre  des  Mares  peint,  pour 
une  église  de  Cologne,  un  retable  de  saint  Maurice  (2). 

Dans  le  domaine  des  arts  précieux,  quelques-unes  des 
œuvres  les  plus  célèbres  dont  on  faisait  jadis  honneur  à 
l'orfèvrerie  et  à  l'émaillerie  rhénanes  ont  dû  être  restituées 
à  l'émaillerie  mosane,  donc  française  :  la  fameuse  châsse 
des  Bois  Mages^  la  merveille  du  trésor  de  la  cathédrale  de 
Cologne,  est  sortie  de  l'atelier  de  maître  Nicolas  de 
Verdun. 

Il  est  vrai  qu'au  xv®  siècle  Finfluence  française  semble 
s'effacer  momentanément  devant  l'école  des  Pays-Bas. 
Les  peintres  rhénans  s'inspirent  plus  ou  moins  servilement 
de  Rogier  van  der  Weyden  ou  de  Melchior  Broederlam  ; 
les  imagiers  subissent  l'ascendant  du  vigoureux  génie  de 
Claus  Sluter.  Mais  il  est  bon  de  ne  pas  oublier  que  Broe- 
derlam et  Sluter  étaient,  comme  Jan  van  Eyck,  au  service 
des  ducs  de  Bourgogne  et  œuvraient  à  Dijon,  ville  fran- 
çaise, et  que  le  peintre  que  nous  -nous  obstinons  à 
dénommer  Rogier  van  der  Weyden  s'appelait  de  son  vrai 
nom  Roger  de  la  Pasture  et  était  natif  de  Tournai,  vieille 
cité  de  langue  française. 

A  partir  du  xvii®  siècle,  la  France,  auréolée  par  le 
prestige  du  Grand  Roi,  reconquiert  toute  sa  puissance 
d'attraction  et  d'expansion.  Même  ses  fautes  les  plus 
lourdes,  comme  la  révocation  de  l'Édit  de  Nantes,  contri- 
buent  à  son   rayonnement.   Dans    l'Allemagne   rhénane, 

(1)  Dehio.  Handhuch  der  deutschen  Kunstdenhmàler  ;  IV,  p.  220  —  «  Die 
wenigen  Reste  verraten  dass  mit  den  beiden  Lettnern  herrliche  Kunstwerlce 
uns  verloren  gegangen  sind  und  die  Spur  der  Herkunft  des  Meisters  weist 
nicht  nur  nach  Frankreich  uberhaupt,  sondern  ganz  iiberzeugend  auf  die 
Schule  von  Reims.  » 

(2)  Ce  triptyque  a  passé  avec  la  collection  Boisserec  à  la  Pinacothèque  de 
Munich. 


AU  XVIIie  SIÈCLE  5 

restée  en  grande  partie  catholique,  les  huguenots  réfugiés 
n'ont  jamais  joué  qu'un  rôle  presque  négligeable.  En 
revanche  il  faut  tenir  compte  du  voisinage  de  l'Alsace, 
devenue  partie  intégrante  du  royaume  de  France  et  qui 
fut,  comme  nous  le  verrons,  un  merveilleux  agent  d'expan- 
sion française  en  Rhénanie. 

Les  souverains  allemands,  aussi  fastueux  que  besogneux, 
sont  presque  tous  aux  gages  de  la  cour  de  Versailles,  qu'ils 
s'efforcent  de  singer  en  proportion  de  leurs  moyens.  A 
partir  de  i65o,  on  peut  dire  que  la  capitale  politique  de  la 
Rhénanie  fut  bien  plutôt  Paris  que  Vienne  (i).  Les  princes 
de  la  rive  gauche  du  Rhin   s'intitulaient  eux-mêmes  :  les 
Allemands  de  France.  Les  Allemands  pullulaient  dans  le 
royaume.   Frédéric  II  constate  que  déjà  avant  son   règne 
«  toute  ^Allemagne  voyageait  en    France  »  et  qu'  «  un 
jeune  homme  passait  pour  un  imbécile  s'il  n'avait  séjourné 
quelque  temps  à  la    cour  de   Versailles  ».  Inversement, 
nombreux  étaient  les  Français  qui  cherchaient  et  faisaient 
fortune  outre-Rhin.  C'était  un  merveilleux  débouché  pour 
les  hommes  d'État  sans  emploi,  pour  les  artistes   sans 
commandes,  voire  même  pour  les  aventuriers  en  quête  de 
dupes.  La  suprême  élégance  pour  un  prince  allemand  était 
d'avoir  un  premier  ministre  français,  un  premier  architecte 
et  un  premier  peintre  français  et  naturellement  une  maî- 
tresse française. 

Uarl  de  cour  qui  se  développe  à  cette  époque  sous 
l'influence  toute-puissante  du  goût  français  se  distingue 
profondément  de  Vart  bourgeois  de  la  fin  du  moyen  âge 
et  de  la  Réforme,  non  seulement  parce  qu'il  s'adresse  à 
une  aristocratie  restreinte  plutôt  qu'au  peuple,  mais  parce 
qu'il  perd  tout  caractère  national  et  même  local.  L'art 
allemand  ancien  était  essentiellement  particulariste  et  les 
historiens  qui  étudient  la  peinture  rhénane  sont  amenés 

(l)  Reynaud,    Histoire  générale    de   Vinfluence  française  en    Allemagne. 
Paris.  1914. 


6  I.'aRT   français   sur   le  RHIN 

à  distinguer  une  école  du  haut  Rhin,  une  école  du 
Rhin  moyen,  une  école  du  bas  Rhin,  qui  ont  suivi 
des  orientations  très  difTérentes  et  présentent  des 
caractères  propres  A  partir  du  xvii''  siècle  au  contraire, 
ces  particularités  locales  tendent  à  disparaître.  L'art, 
comme  la  société  cosmopolite  à  laquelle  il  s'adresse, 
s'uniformise.  Un  idéal  commun  à  toute  l'Europe  civilisée 
s'impose  de  plus  en  plus  et,  de  môme  que  tous  les 
«  honnêtes  gens  »  parlent  et  pensent  en  français,  tous 
les  artistes  :  architectes,  sculpteurs  ou  peintres,  s'effor- 
cent de  créer  des  œuvres  «  à  la  française  ». 

Il  n'y  a  donc  pas  lieu  de  distinguer  entre  les  nombreux 
centres  d'art  qui  apparaissent  au  xviii^'  siècle  sur  les  bords 
du  Rhin.  L'empreinte  française  est  aussi  forte  à  Mannheim 
qu'à  Strasbourg,  à  Bonn  qu'à  Coblence.  C'est  partout  le 
même  style,  évoluant  comme  en  France  depuis  la  pompe 
baroque  jusqu'à  la  froide  sévérité  du  classicisme,  en 
passant  par  les  sémillants  caprices  du  rococo.  La  seule 
différence  qui  sépare  l'imitation  du  modèle  est  une  incoer- 
cible tendance  à  l'exagération,  à  la  surcharge,  au  faste 
ostentatoire  qui  décèle  toujours  le  goût  allemand. 

Néanmoins,  comme  l'ordre  chronologique,  le  plus  ration- 
nel en  apparence,  nous  obligerait  à  voyager  en  zigzag  de 
Bonn  à  Strasbourg,  de  Strasbourg  à  Bruhl,  de  Brûhl  à 
Coblence,  et  deviendrait  par  suite  une  source  de  confusion 
presque  inextricable,  nous  croyons  préférable,  pour  la 
clarté  de  notre  exposé,  d'adopter  un  ordre  topographique 
basé  sur  les  divisions  politiques  de  la  Rhénanie. 

Trop  allongée  pour  avoir  un  centre,  la  vallée  du  Rhin 
n'a  jamais  formé  une  unité  politique  ou  même  morale. 
Elle  a  toujours  été  sectionnée  entre  une  multitude  de 
souverainetés  constituant  des  Etats  indépendants  comme 
la  France,  la  Suisse,  la  Hollande,  ou  rattachées  par  un  lien 
plus  ou  moins  lâche  à  une  vaste  fédération  :  Saint  Empire 
Romain  Germanique,  Confédération  germanique,  Empire 


AU   XVIIie    SIECLE  7 

allemand.  Au  xviii*'  siècle,  les  pays  de  la  rive  gauche  du 
Rhin  sont  divisés  en  cinq  parties  :  V Alsace,  devenue 
depuis  Louis  XIV  une  province  française  et  quatre 
électorats  relevant  de  l'Empire  germanique,  Yélecloral 
palatin  et  les  trois  électorats  ecclésiastiques  de  Mayence, 
Trêves  et  Cologne.  Comme  Tart  de  cette  époque  est 
un  art  de  cour,  il  s'ensuit  que  toute  l'activité  artistique  de 
la  Rhénanie  se  concentre  dans  les  résidences  du  Prince 
évêque  de  Strasbourg  et  des  quatre  électeurs  rhénans  :  à 
Mannheim,  à  Mayence,  à  Coblence  et  à  Bonn.  Descen- 
dons le  cours  du  Rhin,  et  à  chacune  de  ces  étapes  nous 
verrons  apparaître  le  visage  de  la  France. 


1.    Alsace 


Sur  l'art  français  en  Alsace,  nous  pouvons  nous  borner 
ici  à  des  indications  très  brèves  :  car  ce  sujet  si  attachant 
sera  traité  prochainement  dans'  toute  son  ampleur  et 
avec  une  exceptionnelle  autorité  par  M.  S.  Rocheblave, 
professeur  d'histoire  de  l'art  à  l'université  de  Strasbourg  (i). 
Toutefois,  notre  étude  serait  incomplète  si  nous  n'en 
disions  quelques  motsj  puisque  aussi  bien  l'Alsace  est 
essentiellement  un  pays  rhénan  et  qu'elle  a  été  le  plus 
solide  des  points  d'appui  pour  notre  pénétration  artistique 
en  Rhénanie. 

L'art  français  a  conquis  l'Alsace  bien  avant  Louis  XIV. 
Supprimez  par  la  pensée  la  flèche  ajourée  de  grès  rose 
plantée  au  xv«  siècle  sur  Tune  des  tours  du  Munster  par  un 
architecte  de  Cologne  et  vous  aurez  une  cathédrale  de  pur 
style  français,  sœur  de  Notre-Dame  de  Paris  et  d'Amiens. 
Sainte-Foy  de  Sélestat  est  fille  de  Tabbaye  bénédictine  de 
Conques  en  Rouergue  et  la  célèbre  commanderie  des 
Antonites  d'Isenheim,  d'où  provient  l'émouvant  retable 
de  Mathias  Griinewald,  conservé  au  musée  de  Colmar, 
reconnaissait  comme  maison  mère  l'abbaye  française  de 
Saint- Antoine  de  Viennois  (2). 


(1)  M.  Rocheblave  a  déjà  tracé  une  première  esquisse  de  ce  sujet  dans  une 
communication  sur  YA7't  français  en  Alsace  et  les  artistes  alsaciens  à 
Paris  au  xyiii*  siècle  dont  il  a  donné  lecture  au  Congrès  international 
d'histoire  de  l'Art  tenu  à  Paris  en  octobre  1921  :  elle  sera  prochainement 
publiée  dans  les  Actes  du  Congrès. 

(2)  Louis  RÉAU.  Mathias  Gruneivald  et  le  retable  de  Colmar.  Paris  et 
Strasbourg.  Berger-Levrault.  1920. 


10  L  ART  FRANÇAIS   SUR  LE   RHIN 

Néanmoins,  on  peut  dire  que  la  «  francisation  »  de  l'art 
alsacien  ne  s'est  définitivement  accomplie  qu'au  xviii®  siècle, 
grâce  au  mécénat  des  quatre  cardinaux  de  la  famille  de 
Rohan  qui  se  succédèrent  sur  le  siège  épiscopal  de  Stras- 
bourg depuis  1704  jusqu'à  la  Révolution.  Le  rôle  de  cette 
dynastie  de  prélats  fastueux  est  comparable  à  celui  des 
électeurs  ecclésiastiques  de  Mayence,  de  Trêves  et  de 
Cologne.  Leurs  palais  de  Saverne  et  de  Strasbourg 
rivalisent  avec  les  somptueuses  résidences  que  les  princes 
de  l'Eglise  allemands  se  faisaient  élever  à  la  même  époque 
à  Bonn  et  à  Bruhl,  à  Bruchsal  et  à  Wurzbourg. 

Les  origines  du  château  de  Saverne  sont  antérieures  à 
l'intronisation  du  premier  des  cardinaux  de  Rohan  ;  elles 
remontent  à  son  prédécesseur  Egon  de  Furstenberg  (i). 
Mais  Armand-Gaston  de  Rohan-Soubise  y  fit  exécuter 
d'importants  agrandissements  et  embellissements,  sur  les 
plans  de  Robert  de  Cotte.  Élève,  beau-frère  et  successeur 
de  Jules  Hardouin-Mansard  dans  les  charges  de  premier 
architecte  du  Roi  et  de  directeur  de  l'Académie  royale 
d'architecture,  cet  artiste  a  joué  un  rôle  de  premier  ordre 
dans  l'expansion  de  l'architecture  française  en  Rhénanie. 
On  retrouve  son  nom  mêlé  à  l'histoire  de  toutes  les  gran- 
des constructions  entreprises  non  seulement  en  Rhénanie, 
mais  dans  TAllemagne  entière  entre  1700  et  1785.  Trop 
occupé  à  Paris  pour  se  déplacer  aisément,  il  donnait  des 
consultations  aux  bâtisseurs  dans  l'embarras,  envoyait 
ou  corrigeait  des  plans  et  faisait  conduire  l'exécution  par 
des  élèves  dociles,  formés  dans  son  bureau  et  nourris  de 
ses  leçons,  qui  lui  rendaient  compte  minutieusement  de 
la  marche  des  travaux. 

Il  est  assez  difficile  de  se  représenter  exactement  l'œuvre 


(1)  Le  cardinal  de  Furstenberg-  y  fit  travailler  le  célèbre  sculpteur  Coy- 
sevox.  Son  biographe  Fermel'huys  parle  avec  admiration  d'une  corniche  de 
stuc  qu'il  avait  composée  pour  le  grand  salon,  des  figures  d'Apollon  et  des 
neuf  Muses,  des  Termes  en  grès  rose  des  jardins.  Rien  n'a  survécu. 


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I.    ALSACE  II 

de  R.  de  Cotte  et  de  ses  collaborateurs  Carbonnet  et 
Le  Chevalier  au  château  de  Saverne,  car  tout  a  disparu 
dans  l'incendie  de  1779.  Toutefois  les  liasses  de  lettres  et 
les  portefeuilles  de  dessins  conservés  au  Cabinet  des 
Estampes  de  la  Bibliothèque  Nationale  —  véritable  trésor 
de  documents  précieux  qu'il  faudra  bien  se  décider  à 
publier  intégralement  le  jour  où  l'on  voudra  connaître 
l'histoire  de  la  formation  et  de  l'expansion  de  notre  archi- 
tecture classique  (0  —  nous  permettent  de  préciser  que  le 
grand  architecte  parisien  avait  dessiné  pour  le  cardinal  de 
Rohan  les  plans  d'un  Pavillon  des  Bains  et  de  nombreux 
projets  de  décoration  pour  les  appartements.  La  plupart 
de  ces  dessins  sont  annotés  et  ces  notes  destinées  au 
cardinal  constituent  une  petite  correspondance  assez 
curieuse  :  «  Dessein  du  salon.  Une  grande  partie  de  la 
menuiserie  est  faite.  Ce  côté  est  suivant  votre  dessein.  Ce 
côté  est  suivant  Texécution.  —  L'on  peut  exécuter  votre 
dessein.  Monsieur,  dans  cette  voussure  et  à  celle  de 
vis-à-vis.  —  Cela  est  dessiné  suivant  votre  dessein. 
Monsieur.  Il  n'y  a  dans  cette  voussure  que  les  trophées  de 
faits.  » 

La  décoration  plastique  était  due  en  grande  partie  à 
Robert  Le  Lorrain  (2',  le  sculpteur  attitré  de  la  maison  de 


(1)  Les  papiers  de  R.  deCotteont  été  inventoriés  par  M.  P.  Marcel.  Inven- 
taire des  papiers  manuscrits  du  cabinet  deR.  de  Cotte,  Pâtis.  Champion,  1906. 

Malheureusement  on  a  extrait  un  grand  nombre  de  dessins  des  porte- 
feuilles de  R.  de  Cotte  pour  les  éparpiller  dans  les  séries  topographiques,  ce 
qui  complique  fâcheusement  les  recherches.  Les  dessins  relatifs  au  château  de 
Saverne  se  trouvent  dans  la  Topographie  de  la  France.  V.  à  165.  Les  plus 
intéressants  représentent  le  salon  de  l'appartement  du  cardinal  de  Rohan,  le 
cabinet  du  cardinal  de  Rhoan  (sic),  le  salon  au  bout  de  la  chapelle  du  palais 
de  Saverne,  le  Projet  pour  les  Bains. 

(2)  La  «  Description  des  ouvrages  de  sculpture  que  feu  M.  Lelorrain, 
professeur  de  l'Académie  royale  de  peinture  et  de  sculpture,  a  fait  pendant 
plusieurs  années  au  château  de  Saverne,  tinies  en  1723  et  au  palais  épiscopal 
de  Strasbourg  en  1735,  1736,  1737»,  nous  est  conservée  en  deux  exemplaires  à 
la  Bibliothèque  de  l'Ecole  des  Beaux-Arts  de  Paris  et  à  Strasbourg,  aux 
Archives  départementales  du  Bas-Rhin. 


12  L  ART   FRANÇAIS    SUR   LE   RHIN 

Rohan,  qui  avait  déjà  décoré  les  deux  hôtels  jumeaux  de 
Rohan  et  de  Soubise,  construits  par  Tarchitecte  Delamaire 
dans  le  quartier  du  Marais.  Le  fougueux  haut-relief  des 
Chevaux  du  Soleil  qui  surmonte  encore  aujourd'hui  la 
porte  des  écuries  de  l'hôtel  Rohan,  de  même  que  les 
statues  conservées  au  palais  de  Strasbourg,  ne  peuvent 
que  faire  déplorer  la  destruction  des  sculptures  de  Saverne. 

C'est  dans  ce  magnifique  décor  conçu  et  réalisé  par  des 
artistes  parisiens  que  les  cardinaux  de  Rohan,  «  qui 
avaient,  dit  un  contemporain,  un  état  de  souverain  », 
recevaient  toute  la  province  et  tous  les  étrangers  de  dis- 
tinction. Où  l'Alsace,  où  l'Allemagne  auraient-elles  pu 
prendre  de  meilleures  leçons  de  goût  français  ? 

Malheureusement,  ce  petit  Versailles  alsacien  fut  complè- 
tement anéanti  en  1779  par  un  incendie.  Il  fut  reconstruit 
de  fond  en  comble  à  la  veille  de  la  Révolution  par  un 
architecte  de  grand  talent.  Salins  de  Montfort,  dont  la  vie 
et  l'œuvre  sont  fort  mal  connues  (i).  Dans  son  délabrement 
actuel,  ce  château  qu'on  a  transformé  en  caserne  et  dont 
on  a  indignement  massacré  le  parc  à  la  française  garde 
encore  fort  grand  air  avec  sa  majestueuse  façade  rj'thmée 
par  de  gigantesques  pilastres  et  son  imposant  péristyle  de 
colonnes  corinthiennes. 

Rien  que  Saverne  fût  le  séjour  préféré  des  archevêques, 
ils  ne  pouvaient  se  dispenser  d'avoir  une  résidcncfî  a 
Strasbourg.  Le  palais  épiscopal  qu'Armand-Gaston  de 
Rohan- Soubise  se  fit  construire  au  pied  de  la  cathédrale 
est  si  typiquement  français  que  les  historiens  allemnrids 
eux-mêmes  sont  obligés  d'en  faire  l'aveu.  Ce  n'est  pas  un 
château  à  l'allemande,  confesse  Dehio.  La  «  Résidence, 
écrit  Gurlitt  (2),  est  un  bâtiment  de  style  authentiqiicment 

(1)  On  sait  cependant  qu'il  avait  fait,  concurremment  avec  d'Irnartl,  un 
projet  pour  le  palais  électoral  de  Coblence  et  que  plus  tard,  vers  180J,  il 
construisit  à  Francfort  la  maison  Passavant-Gontard.  Cf  Dehio,  iv,  p.  97. 

(2)  Gurlitt.  Geschiohte  des  Barockstiles,  1888,  p.  254. 


I.   ALSACE  l3 

français  :  Die  Residenz  ist  ein  Bau  echt  franzôsischer 
Art.  »  En  réalité  et  pour  mieux  dire,  c'est  un  hôtel 
parisien  du  Marais  ou  du  faubourg  Saint-Germain  trans- 
porté sur  les  bords  de  l'Ill. 

Dehio  prétend  que  l'auteur  du  plan  est  probablement, 
mais  non  cerlainement  Robert  de  Cotte  (i).  S'il  avait  pris 
la  peine  de  consulter  les  papiers  de  l'architecte  à  la  Biblio- 
thèque Nationale,  il  aurait  pu  s'épargner  cette  incertitude. 
Les  lettres  de  Le  Chevalier  et  de  Massol,  que  nous  repro- 
duisons plus  loin,  ne  laissent  en  effet  place  à  aucun  doute. 
Le  Chevalier  écrit  à  de  Cotte  le  28  octobre  1780  : 
«  Son  Altesse  m'a  remis  vos  plans  pour  son  Palais  épis- 
copal,  lesquels  j'étudie  tous  les  jours  pour  lors  de  l'exécu- 
tion être  en  état  de  les  faire  construire  aussy  parfaitement 
qu'ils  le  méritent  »  et  Massol,  qui  fut  chargé  de  diriger  la 
construction  dès  1781,  (et  non  à  partir  de  1786,  comme  le 
croit  Dehio),  confirme  la  version  de  son  prédécesseur  en 
rendant  compte  à  de  Cotte  de  la  marche  des  travaux.  Il  est 
donc  absolument  démontré  que  ce  sont  les  projets  de  R.  de 
Cotte  qui  furent  adoptés  et  qu'à  défaut  d'un  certain  Gour- 
lade,  ancien  pensionnaire  de  l'Académie  de  France  à  Rome, 
qui  avait  été  primitivement  choisi  par  le  cardinal  de  Rohan 
pour  diriger  la  construction  de  son  palais  de  Strasbourg  (2)^ 
c'est  Le  Chevalier  et  ensuite  Massol(3)qui  furent  les  agents 
d'exécution. 

Le  plan  est  d'une  clarté  magistrale.  Sur  la  place  de  la 
cathédrale  s'ouvre  un  noble  portail  encadré  de  colonnes 
jumelées  aux  fûts  bagués  qui  donne  accès  dans  la  cour 
d'honneur,  au  fond  de  laquelle  se  dresse,  entre  les  deux 
ailes  réservées  aux  écuries  et  aux  cuisines,  le  principal  corps 


(1)  Dehio.  Handbuch.  IV,  p.  407. 

(2)  Lettre  de  Wleughels  du  13  novembre  1727.  Correspondance  des  Directeurs 
de  l'Académie  de  France  à  Rome.  VII,  p.  130. 

(3)  Le  Musée  des  Arts  Décoratifs  de  Strasbourg   possède  une  élévation  de 
l'entrée  du  Palais  Rohan  signée  Massol. 


t4  l'art   français    sur  le   RHlN 

de  logis.  Cette  façade  sur  cour  garde  un  air  d'intimité.  La 
façade  en  bordure  de  l'Ill  a  au  contraire  un  caractère 
monumental;  la  belle  ordonnance  de  son  avant-corps 
central,  orné  d'un  ordre  de  quatre  demi-colonnes  et 
couronné  d'un  fronton  qui  se  détache  entre  deux  pavillons 
d'angle,  est  rehaussée  par  un  soubassement  imposé  par 
la  déclivité  du  terrain  entre  la  cathédrale  et  la  rivière  :  de 
cette  nécessité,  l'architecte  a  su  tirer  un  très  heureux  parti. 

La  décoration  sculpturale,  exécutée  par  Robert  Le  Lorrain 
de  1735  à  1737,  est  d'une  sobriété  pleine  de  distinction  :  les 
figures  allégoriques  de  la  Religion  et  de  la  Clémence  sur- 
montent l'entablement  du  portail  ;  les  cintres  des  grandes 
fenêtres  sont  ornés  de  clefs  sculptées  en  forme  de  mascarons. 

Le  grand  appartement  du  cardinal  occupait  tout  le  rez- 
de-chaussée  du  principal  corps  de  logis  ;  il  comprenait  la 
salle  du  synode,  la  salle  des  évêques,  la  chambre  du  dais, 
la  salle  d'assemblée,  la  bibliothèque  avec  de  charmantes 
armoires  à  livres,  la  chapelle.  Malheureusement  ce  bel 
ensemble  décoratif  est  dans  un  état  de  délabrement  navrant: 
les  plafonds  s'effritent;  le  mobilier  a  été  dispersé  (i).  Ces 
salles  d'apparat,  dont  la  restauration  s'impose,  servent 
présentement  de  magasin  et  de  resserre  au  musée  installé 
au  premier  étage. 

On  retrouve,  avec  des  proportions  naturellement  plus 
modestes, le  même  art  des  distributions,  le  même  raffine- 
ment décoratif  dans  les  charmants  hôtels  en  grès  rose  — 
parure  exquise  du  vieux  Strasbourg  —  construits  pour  le 
doyen  et  les  chanoines  du  grand  chapitre  entre  la  rue 
Brûlée  et  la  promenade  du  Broglie.  La  disposition  de 
ces    hôtels     strasbourgeois     rappelle    celle    des     hôtels 


(1)  Quelques  débris  de  ce  mobilier  ont  échoué  dans  des  collections  parti- 
culières. M.  Edouard  Kann  possède  à  Paris,  dans  son  bel  hôtel  de  l'avenue 
d*léna,une  bibliothèque  en  acajou,  garnie  de  bronzes  ciselés  et  dorés,  provenant 
du  palais  Rohan  de  Strasbourg.  Cf.  le  Catalogue  de  la  collection  R.  Kann.  Objets 
d'art,  t.  II. 


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I.   ALSACE  1$ 

parisiens  du  faubourg  Saint-Honoré  avec  leurs  jardins  en 
bordure  des  Champs-Eiysées. 

L'histoire  de  ces  hôtels  Louis  XV  est  loin  d'être  com- 
plètement éclaircie.  Nous  savons  par  la  correspondance 
de  Robert  de  Cotte  avec  le  prince  Frédéric  de  la  Tour 
d'Auvergne,  doyen  du  chapitre  de  Strasbourg,  que  le 
grand  architecte  parisien  fut  chargé  de  passer  un  marché 
pour  trois  cheminées  de  marbre  du  doyenné  et  qu'il  fut 
consulté  pour  le  tracé  du  jardin.  Nous  savons  d'autre  part 
qu'en  1728  le  comte  de  Hanau  demanda  à  R.  de  Cotte  des 
plans  pour  un  hôtel  qu'il  se  proposait  de  faire  bâtir  à 
Strasbourg.  Le  Chevalier,  élève  de  de  Cotte,  travailla 
également  pour  le  comte  de  Hanau  et  le  prince  de  Birken- 
feld.  On  admet  généralement  queVhôtel  des  landgraves  de 
Barmstadt,  affecté  aujourd'hui  à  l'hôtel  de  ville,  a  été  bâti 
par  Massol  en  1781,  à  l'époque  où  il  dirigeait  les  travaux 
du  palais  épiscopal.  Quant  à  Vhôtel  du  duc  de  Deux-Ponts 
(résidence  actuelle  du  gouverneur  militaire),  qui  est 
peut-être  le  plus  bel  hôtel  de  la  rue  Brûlée  et  dont  le  grand 
vestibule  inondé  de  lumière,  sur  lequel  s'embranchent  deux 
escaliers,  est  une  pure  merveille,  on  ne  sait  à  qui  l'attri- 
buer. On  serait  tenté  de  songer  à  Pierre  Patte  qui  était 
l'architecte  attitré  de  la  petite  cour  bipontine  et  qui  décora 
rhôtel  de  Deux-Ponts  à  Paris.  Mais  Patte  (i),  écrivain 
fécond  et  fort  infatué  de  son  mérite,  ne  fait  aucune  allu- 
sion à  cette  œuvre  qui  lui  aurait  fait  le  plus  grand  honneur 
et  nous  savons,  par  ailleurs,  que  l'hôtel  en  question, 
construit  pour  un  chanoine  du  chapitre,  ne  fut  acheté 
que  plus  tard  par  le  duc  de  Deux-Ponts. 

(1)  Patte,  plas  connu  comme  écrivain  que  comme  architecte,  est  l'auteur  de 
la  Description  des  monuments  à  la  gloire  de  Louis  XF  et  le  continuateur  du 
Cours  d'Architeeture  de  J.-F.  Blondel.  Ce  célèbre  ouvrage  est  illustré  de 
nombreux  dessins  de  Patte  gravés  par  Ransoniiette.  La  planche  LU  (t.  V)  : 
Décoration  d'une  chambre  à  alcôve  exécutée  à  l'hôtel  de  Deux-Ponts,  est,  écrit 
Patte,  «  l'élévation  d'une  alcôve  de  notre  composition  et  que  nous  avons  fait 
exécuter  à  Paris  à  l'hôtel  de  Deux-Ponts  ». 


l6  l'art   français    sur   le   RHIN 

Quoi  qu'il  en  soit,  qu'ils  aient  été  construits  par  Massol, 
Le  Chevalier  ou  Patte,  les  hôtels  de  la  rue  Brûlée  méritent 
d'être  considérés  comme  de  parfaits  exemplaires  de  l'art 
de  Robert  de  Cotte  et  de  Jacques-François  Blondel,  dont 
les  architectes  strasbourgeois  du  temps  de  Louis  XV  ont 
fidèlement  traduit  les  idées  et  propagé  renseignement. 

La  cathédrale  de  Strasbourg  n'a  heureusement  pas 
souffert  de  ces  remaniements  de  style  baroque  ou  rococo 
qui  ont  défiguré,  au  xviii^  siècle,  tant  de  nos  cathédrales 
gothiques.  Toutefois,  le  Chapitre  demanda  à  R.  de  Cotte 
un  plan  d'allongement  du  chœur  que  le  prince  de  La  Tour 
d'Auvergne,  archevêque  de  Vienne,  se  proposait  de  faire 
exécuter  à  ses  frais,  du  consentement  des  chanoines:  Le 
plan  de  R.  de  Cotte,  rectifié  sur  place  par  son  élève  Le 
Chevalier,  ne  fut  pas  exécuté,  et  le  chœur  roman,  que  le 
Chapitre  jugeait  trop  exigu,  fut  respecté. 

En  1759,  la  foudre  tomba  sur  la  cathédrale  et  mit  le  feu 
aux  combles;  la  voûte  du  chœur  s'écroula  et  écrasa  le 
maître-autel.  L'architecte  de  la  Guêpière,  qui  était  depuis 
1752  au  service  du  duc  de  Wurtemberg,  sollicita  la  faveur 
d'être  chargé  des  travaux  de  réfection. 

On  consulta  comme  toujours  l'Académie  Royale  d'Ar- 
chitecture qui  fut  chargée  d'examiner  les  mémoires  relatifs 
aux  réparations.  Son  rapport  fut  enregistré  le  10  mars  1760. 
L'année  suivante  la  Compagnie  fut  sollicitée  de  donner  son 
avis  sur  la  construction  d'un  dôme  avec  lanterne  et  flèche 
en  pierre;  elle  estima  à  l'unanimité  qu'il  y  aurait  danger  à 
élever  au-dessus  de  l'ancienne  coupole  une  deuxième 
voûte  en  forme  de  dôme.  Cette  proposition  n'eut  pas 
de  suite  (^). 

Jacques-François  Blondel  est  certainement,  après  Robert 
de  Cotte,  l'architecte  qui,  par  lui-même  ou  par  ses  élèves, 
a  exercé  l'influence  la  plus  forte  sur  le  développement  de 

(1)  Procès-verbaux  de  l'Académie  d'Architecture,  Vil,  p.  33,  72. 


I.   ALSACE  17 

l'architecture  française  à  Strasbourg.  11  avait  déjà  été 
chargé  en  1764  par  le  maréchal  d'Estrées,  de  «  procurer 
plus  d'ensemble  »  aux  édifices  de  la  ville  de  Metz.  En  1767, 
sous  le  ministère  du  duc  de  Ghoiseul,  il  fut  désigné  pour 
tracer  tout  un  plan  d'alignement  et  d'embellissement  de 
Strasbourg  (1),  dont  les  rues  étroites  et  tortueuses,  compri- 
mées dans  une  enceinte  fortifiée,  ne  répondaient  plus  aux 
exigences  de  la  nouvelle  esthétique  urbaine.  Le  plan  définitif, 
où  Blondel  s'était  efforcé,  non  sans  peine,  «  de  concilier  les 
idées  de  grandeur  puisées  à  Versailles  avec  celles  d'économie 
qui  lui  furent  recommandées  à  Strasbourg  »,  fut  approuvé 
par  le  Roi  en  1768.  Deux  places  étaient  ménagées  au  centre 
de  la  ville  :  \ix place  d'Armes  (place  Kleber),  dont  il  proposait 
de  masquer  l'irrégularité  par  des  plantations  d'arbres  ; 
la  place  Royale  (place  Gutenberg),  où  la  statue  de 
Louis  XV  se  serait  dressée  devant  la  façade  du  Sénat 
et  en  vue  du  portail  de  la  cathédrale  ou,  pour  parler 
comme  Blondel,  «  en  face  du  temple  deThémis  et  vis-à-vis 
de  celui  de  la  Religion  ».  Tous  les  carrefours  devaient 
être  élargis,  les  rues  régularisées  de  façon  à  faciliter  le 
défilé  des  troupes  de  la  [garnison  sans  nuire  à  la  circu- 
lation des  habitants.  A  vrai  dire,  de  ce  beau  plan 
presque  rien  ne  fut  exécuté  et  la  façade  de  l'Aubette,  sur 
la  place  Kleber,  est  à  peu  près  le  seul  vestige  qui  subsiste 
de  cette  tentative  de  «  Blondelisation  »  de  Strasbourg,  qui 
aurait  précédé  de  cent  ans  1'  «  Hausmannisation  »  de 
Paris  (2). 

Strasbourg,  ville  de  guerre  située  en  avant-poste  à  la 
frontière  du  royaume,  à  la  porte  de  l'Allemagne,  était  trop 

(1)  Blondel.  Cours  d'architecture,  t.  IV.  Paris.  1773, 

PoLACZEK.  Zeitschrift  fiir  die  Geschichte  des  Oberrheins,  1914. 

Brinckmann.  Stadtbaukunst  des  XVIIl*^  Jahrhunderts.   Berlin.    1914. 

(2)  Les  plans  que  Blondel  avait  élaborés  pour  Metz  ont  été  au  contraire  en 
partie  exécutés.  On  peut  imaginer  ce  qu'il  aurait  fait  de  Strasbourg  en  voyant  à 
Metz  la  place  contiguë  à  la  cathédrale,  dont  il  avait  rhabillé  le  portail  en  style 
classique. 


l8  L*AKÏ   FRANÇAIS   SUR   LE    UHIN 

étroitement  enserrée  dans  ses  murailles  pour  se  prêter  aux 
expériences  de  Blondel.  A  défaut  de  grands  ensembles 
d'architecture  comme  les  places  Royales  créées  par  Héré 
à  Nancy,  par  les  Gabriel  à  Bordeaux  et  à  Paris,  elle 
dut  se  contenter  de  quelques  exemplaires  clairsemés 
de  Tart  des  grands  architectes  parisiens,  qui  ne  portè- 
rent aucune  atteinte  fâcheuse  au  pittoresque  médiéval  de 
la  vieille  cité.  Sous  le  règne  de  Louis  XVI,  Michel 
d'Ixnard,  disgracié  par  l'électeur  de  Trêves,  se  réfugie 
à  Strasbourg^  où  il  construit  la  Tribu  des  marchands  sur 
la  grande  rue  (1780)  et  où  il  publie  en  1791  son  Recueil 
d'architecture.  C'est  également  lui  qui  construit  à  Colmar 
le  théâtre  et  la  bibliothèque  du  collège  royal,  où  il  inaugure 
«  un  nouvel  ordre  d'architecture  tenant  de  l'ionique  et  du 
dorique  ». 

L'architecture  française  ne  reste  pas  en  effet  confinée  à 
Strasbourg:  elle  se  répand  dans  toute  la  province.  Dans 
le  Bas-Rhin,  Massol  dessine  les  plans  du  château  de 
Reichshoffen.  A  Guebwiller  c'est  à  l'architecte  bisontin 
Beuque  que  le  chapitre  de  l'abbaye  de  Murbach,  lequel 
relevait  d'ailleurs  du  siège  archiépiscopal  de  Besançon  (i), 
demande  les  plans  de  la  nouvelle  église  Notre-Dame. 
L'Académie  royale  d'architecture  de  Paris  fut  invitée  à 
examiner,  dans  sa  séance  du  16  août  1769,  les  plans, 
coupes,  profils  et  élévations  de  cette  église  de  Gueb- 
willer (2).  C'est  une  basilique  à  colonnes  dont  la  façade 
avec  ses  deux  ordres  superposés  rappelle^Sainte-Madeleine 
de  Besançon.   L'historien  allemand  F.-X.  Kraus  la  consi- 


(1)  Les  limites  des  diocèses  ne  concordaient  pas  toujours  avec  les  frontières 
des  provinces  ou  des  États  :  au  point  de  vue  ecclésiastique,  Verdun  dépendait 
de  Trêves,  Colmar  de  Besançon,  De  là  une  interpénétration  très  favorable  à 
la   ditfusion  de  l'art  français. 

(2)  Procès-verbaux  de  l'Académie  d'architecture.  Bibliothèque  de  l'Institut 
Les  archives  de  Strasbourg  possèdent  des  copies  de  ces  plans,  dont  les 
originaux  appartiennent  à  la  fabrique  de  l'église  Notre-Dame  de  Gueb- 
willer. 


i.  —   ALSAtJB  Î9 

dère  comme  une  des  meilleures  œuvres  d'architecture  de 
style  rococo  W. 

Sous  l'influence  de  ces  Français  de  l'intérieur  se  forme 
une  école  d'architecture  alsacienne  d'esprit  et  de  style 
purement  français.  Ses  meilleurs  représentants,  à  la  fin  du 
XVIII®  siècle,  sont  Samuel  Werner,  auquel  on  doit  les  nobles 
façades  du  quai  Saint-Thomas,  et  Jean-Baptiste  Kleber, 
plus  connu  comme  général  que  comme  architecte,  mais 
qui  n'en  fut  pas  moins,  comme  l'a  montré  son  descendant, 
M.  Danis,  un  des  bons  élèves  de  Chalgrin.  Les  archives  du 
Haut-Rhin  conservent  ses  intéressants  projets  de  l'hôtel 
de  ville  de  Bel  fort  et  de  r  hôpital  de  Thann. 

Ainsi  l'Alsace,  convertie  sous  Louis  XIV  en  province  du 
royaume  de  France,  devient  sous  le  règne  de  Louis  XV 
une  province  de  l'art  français.  C'est  en  vain  qu'on  cher- 
cherait le  moindre  élément  germanique  dans  le  palais 
Rohan  ou  dans  les  hôtels  de  la  rue  Brûlée  :  parfaits  modèles 
du  goût  français  et  même  parisien  acclimaté  sur  les  bords 
de  rill  par  les  élèves  de  R.  de  Cotte  et  de  J.-F.  Blondel. 


(1)  Kraus.  —  Kunst  imd  Altertum  in  Elsass-Lothringen.  Strasbourg,  1884, 
II,  p.  108. 


11.     Electorat  Palatin 


On  dit  souvent  que  l'expansion  de  l'art  français  moderne 
en  Allemagne  ne  date  que  de  la  révocation  de  l'Edit  de 
Nantes.  11  est  certain  que  l'exode  des  huguenots,  désas- 
treux pour  nos  industries,  a  été  pour  la  diffusion  de  notre 
art  un  adjuvant  précieux.  Mais  nos  artistes  étaient  déjà 
fort  appréciés  en  Rhénanie  du  temps  de  Louis  XIII.  La 
preuve  en  est  que  l'électeur  palatin  Frédéric,  qui  fut  l'es- 
pace d'un  hiver  roi  de  Bohême,  s'adressa  dès  i6i3  au 
célèbre  architecte-ingénieur  Salomon  de  Caus  pour  tracer 
les  jardins  de  son  château  d'Heidelberg. 

Salomon  de  Caus  (i),  Normand  originaire  du  pays  de 
Caux,  s'était  d'abord  expatrié  en  Angleterre,  où  il  jouis- 
sait de  la  faveur  du  prince  de  Galles,  Henri,  fds  de  Jac- 
ques P'".  Ce  prince  étant  mort,  il  suivit  à  Heidelberg  sa  sœur 
Elisabeth,  qui  avait  épousé,  en  161 3,  l'électeur  palatin. 

C'est  pendant  son  séjour  à  Heidelberg  qu'il  publia  son 
célèbre  traité  :  Les  Raisons  des  forces  mouvantes,  tant 
utiles  que  plaisantes,  auxquelles  sont  adjoints  plusieurs 
desseings  de  grotes  et  fontaines.  Francfort,  i6i5.  Le  pre- 
mier livre  est  dédié  au  roi  de  France,  dont  il  se  reconnaît 
le  sujet,  et  sa  qualité  de  Français  est  d'ailleurs  attestée  par 
le  privilège  du  roy,  qui  le  qualifie  de  «  maistre  ingénieur 
estant  de  présent  au  service  de  nostre  cher  et  bien-aimé 
cousin  le  prince  électeur  Palatin  ». 

L'électeur  le  chargea  de  créer  au  pied  de  son  château 

(1)  DussiBUX.  —  Les  artistes  français  à  Vétranger,  p.  193. 


22  L  ART    FRANÇAIS    SUR    LE   RHIN 

d'Heidelberg  un  jardin  en  terrasse  «  orné  de  toutes  les  rare- 
tés que  Ton  y  pourrait  faire  ».^  Salomon  de  Caus  avait 
presque  terminé,  en  novembre  1619,  lorsque  la  guerre  de 
Trente  Ans  vint  apporter  un  «  retardement  aux  ouvrages 
dudit  jardin  ».  Chassé  de  son  royaume  et  de  son  électorat, 
le  prince  détrôné  dut  renoncer  à  jouir  des  merveilles  pré- 
parées pour  sa  délectation  et  se  réfugier  à  la  Haye.  Cette 
catastrophe  tragique  n'empêcha  pas  Salomon  de  Caus  de 
«  mettre  les  desseings  dudit  jardin  en  lumière,  tant  de  ce 
qui  était  achevé  comme  de  ce  qui  restait  encore  à  faire  »,  et 
en  1620,  avant  de  rentrer  en  France,  il  publia,  à  Francfort, 
en  un  volume  in-folio,  le  recueil  des  dessins  du  jardin  d'Hei- 
delberg,  sous  le  titre  d'Hortus  Palalinus  (i). 

Ce  précieux  recueil  d'estampes,  d'un  intérêt  capital  pour 
l'histoire  de  l'ai'chitecture  de  jardins,  est  tout  ce  qui  nous 
reste  de  cette  étonnante  création  du  génial  fontainier,  dont 
la  ville  d'Heidelberg  s'enorgueillissait  autant  que  de  son 
château  et  de  son  gigantesque  tonneau  [dolium  enormae 
magniiiidinis).  On  y  admirait  «  un  parterre  de  broderie  où 
sont  huit  muses  alentour  et  une  au  milieu  dite  Uranie 
laquelle  montre  l'heure  avec  une  vergette  »,  une  orangerie 
de  pierre  avec  des  colonnes  en  forme  de  troncs  d'arbre, 
une  grande  grotte  avec  des  colonnes  à  bossages  surmon- 
tées de  figures  d'animaux,  un  vivier  où  est  une  figure  de 
dix-huit  pieds  représentant  le  Bhin  et  une  fontaine  rustique 
de  Narcisse  se  mirant  dans  l'eau.  A  en  juger  d'après  les 
gravures,  ces  «  curiosités  »  témoignaient  souvent  de  plus 
d'ingéniosité  que  de  bon  goût.  Toujours  est-il  que  le 
jardin  palatin  d'Heidelberg  réalisa,  avant  le  parc  royal  de 
Vers-ailles,  le  type  idéal  du  jardin  français. 

La  guerre  du  Palatinat  fut  fatale  au  château  d'Heidel- 
berg, qui  devint  une  ruine  fort  poétique,  mais  inhabitable. 

(1)  Le  titre  complet  de  l'ouvrage  est  :  Hortus  Palatinus  a  FrédetHco,  Rege 
Boemiœ,  Electori  Palatino,  Heidelhergae  exstructus.  Salomone  de  Caus 
Architecto  1620.  Francofurti  apud  Joh.  T/ieod.  de  Bry. 


Frontispice  de  l'Horlus  Palatinus  de  Salomon   de  Caus. 


11.       -     ÉLECTORAT    PALATIN  23 

A  la  fin  du  xvii^  siècle  les  électeurs  palatins  transférèrent 
leur  résidence  à  Mannheim,  au  confluent  du  Neckar  et  du 
Rhin.  Le  nouveau  palais  électoral,  destiné  à  remplacer 
celui  d'Heidelberg,  fut  presque  entièrement  construit  par 
des  Français.  On  peut  voir  au  Cabinet  des  Estampes  de  la 
Bibliothèque  Nationale  (i)  une  «  veue  du  Palais  de  Mon- 
sieur rÉlecteur  Palatin  pour  bâtir  à  Manheim  du  dessein 
du  s^  Marot.  »  Ce  premier  projet  de  Daniel  Marot  ne  fut 
pas  exécuté. 

Le  château  actuel,  de  dimensions  colossales,  commencé 
par  Jean-Clément  Froimont  et  Guillaume  Hauberat,  fut 
achevé  par  le  Lorrain  Nicolas  de  Pigage,  élève  de  l'Aca- 
démie d'architecture  de  Paris. 

Ce  Pigage,  presque  inconnu  en  France,  joua  un  rôle  de 
premier  plan  à  la  cour  de  l'électeur  palatin  Charles  Théo- 
dore, où  il  arriva  en  1749,  et  fut  nommé  en  lyoS  directeur 
général  des  bâtiments  et  jardins  de  Son  Altesse  Électorale. 

C'est  lui  qui  traça  les  fameux  jardins  de  Schweizingen  (2), 
résidence  d'été  de  l'électeur,  située  à  mi-chemin  entre  Hei- 
delberg  et  Mannheim,  l'ancienne  et  la  nouvelle  capitale. 
L'ordonnance  du  parc  rappelle  celle  des  jardins  de 
Louis  XIV  :  deux  masses  de  verdure  formant  coulisses 
encadrent  une  large  allée  centrale  prolongée  par  un  grand 
canal.  Des  transformations  dans  le  goût  anglais  ou  anglo- 
chinois  furent  faites,  comme  à  Versailles,  à  partir  de  1775, 
mais  sans  altérer  les  grandes  lignes  du  tracé  à  la 
Lenôtre. 

(1)  Topographie  de  l'Allemagne,  Vc.  307. 

(2)  Les  jardins  de  Schwetzingen  ont  été  popularisés  par  la  gravure  et  par 
de  nombreuses  descriptions, 

Kuntz  a  gravé,  d'après  Pigage,  six  vues  des  jardins  de  Schwetzingen  et 
Lerouge  leur  a  consacré  un  des  cahiers  de  ses  Jardins  anglo-chinois  à  la 
mode. 

Parmi  les  descriptions  récentes  on  consultera  Sillib,  Schloss  und  Garten  in 
Schwetzingen,  Heidelberg,  1907.  et  l'excellent  article  de  M.  Pierre  du  Colom- 
bier, Une  œuvre  d'art  française  en  Allemagne  :  les  jardins  de  Schwetzingen^ 
«  La  Renaissance  »,  août  1922. 


\ 

24  l'art  français   sur   le   RHIN 

A  défaut  d'un  nouveau  château  qui  resta  à  l'état  de 
projet,  Pigage  embellit  le  parc  d'une  multitude  de  «  fabri- 
ques »  :  une  charmante  maison  de  bains  (1769),  dont  le 
salon  ovale  est  une  merveille  de  goût;  à  côté  un  berceau 
de  treillage  qui  s'arrondit  autour  d'un  bassin  dans  lequel 
des  oiseaux  lancent  des  jets  d'eau  :  cette  fantaisie  est  un 
souvenir  du  parc  de  la  Malgrange,  près  de  Nancy,  et  ce  n'est 
pas  la  seule  trace  de  l'influence  de  la  cour  de  Lorraine  sur 
les  cours  rhénanes  (i).  Non  loin  de  là  se  dressent  le  temple 
d'Apollon  (1774)'  le  temple  de  Minerve,  le  temple  de  la 
Botanique,  l'inévitable  mosquée  qui  témoigne  du  goût  de 
cette  époque  pour  les  turqueries.  La  salle  de  théâtre,  où 
l'électeur  Charles-Théodore  lit  jouer  Zaïre  devant  Voltaire, 
fait  particulièrement  honneur  au  goût  de  Pigage  par  son 
ornementation  discrète  et  sa  délicate  harmonie  de  cou- 
leurs tendres. 

Pigage  exerça  également  son  activité  dans  la  région  de 
Dûsseldorf,  seconde  résidence  des  électeurs  palatins,  qui 
étaient  en  même  temps  ducs  de  Berg.  Il  publia  en  1778 
un  luxueux  catalogue,  enrichi  de  365  petites  estampes 
gravées  par  le  Bâlois  Mechel,  de  la  galerie  électorale  de 
tableaux  de  Dûsseldorf  (2)  :  «  ouvrage  que  j'ai  composé, 
écrit-il,  par  goût  particulier  pour  le  bel  art  de  la  peinture 
qui  a  tant  de  liaison  avec  celui  de  l'architecture  que  je 
professe.  » 

Son  chef-d'œuvre  le  plus  parfait  est  sans  doute  le  déli- 
cieux petit  château  de  Benrath,  près  de  Dûsseldorf,  dont 
les    façades,  d'une  simplicité  raffinée,  annoncent  déjà  la 


(1)  Les  fontaines  en  plomb  des  jardins  de  Schwetzingen  représentant  Arion 
monté  sur  son  dauphin,  des  groupes  d'enfants,  un  sanglier  attaqué  par  des 
chiens  qu'on  attribue  généralement  à  Bouchnrdon,  mais  qui  sont  plus  proba- 
blement de  Gruibal,  proviennent  des  bosquets  de  Lunéville  :  on  sait  qu'elles 
furent  achetées  par  l'électeur  palatin,  en  1766,  après  la  mort  du  roi  Sta- 
nislas. 

(2)  Une  seconde  édition  plus  modeste  de  ce  catalogue,  sans  les  estampes,  a 
paru  à  Bruxelles  en  1781. 


w 


II.   ÉLECTORAT    PALATIN  25 

renaissance  du  classicisme.  De  Taveu  de  Thistorien  alle- 
mand Gurlitt,  ce  pavillon,  qui  rappelle  par  ses  proportions 
menues  V Amalienburg  des  électeurs  de  Bavière  et  le  Sans- 
Souci  du  roi  de  Prusse,  est  de  pur  style  français.  C'est  le 
goût  de  l'Académie  de  Paris,  écrit-il  en  propres  termes, 
qui  se  manifeste  ici  dans  toute  sa  pureté.  «  Es  isi  der 
Geschmack  der  Pariser  Akademie,  der  sich  hier  in  voiler 
Reinheit  geltend  macht.  » 

A  Benrath  comme  à  Mannheim  et  à  Schwetzingen, 
Nicolas  de  Pigage  trouva  un  collaborateur  de  premier 
ordre  dans  la  personne  d'un  Flamand  francisé  :  Pierre- 
Antoine  Verschaffelt,  qui,  après  s'être  formé  à  Paris  dans 
l'atelier  de  Bouchardon,  puis  à  Bome,  où  il  fit  quelques 
quelques  beaux  bustes,  fut  appelé  en  1700  à  la  cour  de 
l'électeur  palatin  (i).  Il  avait  alors  une  quarantaine  d'an- 
nées et  était  en  pleine  possession  de  son  talent.  Il  com- 
mença par  décorer  la  façade  et  les  autels  de  la  nouvelle 
église  des  Jésuites.  Au  palais  Bretzenheim  ses  gracieux 
bas-reliefs  d'enfants  symbolisant  les  quatre  saisons  rap- 
pellent les  bas-reliefs  analogues  de  la  fontaine  de  Grenelle 
sculptés  par  son  maître  Bouchardon.  Architecte  en  même 
temps  que  sculpteur,  il  construisit  dans  le  goût  de  Pigage 
l'arsenal  de  Mannheim.  Ses  œuvres  les  plus  remarquables 
sont  les  statues  des  jardins  de  Schwetzingen  et  les  frontons 
et  dessus  de  portes  du  château  de  Benrath. 

La  peinture  française  n'était  pas  moins  en  faveur  à  la 
cour  de  Mannheim  que  l'architecture  et  la  sculpture.  Le 
peintre  favori  de  l'électeur  Charles  Théodore  est  l'excellent 
portraitiste  Paul  Goudreaux  (2)  et  en  1767  il  charge  son 
ministre  plénipotentiaire  à  Paris  le  baron  de  Sickingen  de 
commander  à  Joseph  Vernet  trois  tableaux  pour  sa  galerie. 

Les    ducs  de    Deux-Ponts  (Zweibrûcken) ,    alliés    à  la 

(1)  Beringer.  Peter  Anton  von  Verschaffelt.  Strasbourg,  1Q02. 

(2)  GoLDscHMiDT.  P.  Goudreaux.  Munchner  Jahrbuch  der  hildenden  Kunst- 
1911. 


26  l'art    français    sur   le    RHIN 

famille  des  électeurs  palatins,  avaient  presque  plus  d'atta- 
ches en  France  qu'en  Allemagne.  Chrétien  IV,  prince 
palatin,  duc  de  Deux-Ponts  (1735-1773),  avait  épousé 
morganatiquement  une  danseuse  de  l'Opéra.  Son  frère 
le  prince  Frédéric  [était  lieutenant-général  au  service 
de  la  France.  Aussi  les  voit-on  tout  naturellement  s'entou- 
rer d'artistes  français.  Le  premier  architecte  de  la  cour 
bipontine,  Pierre  Patte,  construisit  deux  corps  de  bâti- 
ment du  palais  ducal  et  le  palais  de  Saresbourg,  imité 
du  Grand  Trianon.  Au  Salon  de  1781  le  sculpteur  Monnot 
exposait  deux  figures  en  marbre  de  grandeur  naturelle  : 
r Amour  et  Psyché,  «  destinées  à  orner  le  lit  de  S.  A.  S. 
Mgr  le  Prince  de  Deux-Ponts»  .  Le  charmant  ornemaniste 
Dugourc,  beau-frère  de  l'architecte  Bellanger,  se  vante 
dans  ses  Mémoires  d'  «  avoir  conduit  l'ameublement  du 
duc  des  Deux  Ponts  i^)  ».  Enfin  il  est  à  noter  que  presque 
tous  les  tableaux  de  maîtres  français  de  la  Pinacothèque  de 
Munich  proviennent  de  l'ancienne  galerie  de  Deux-Ponts. 
Comme  les  principicules  bipontins,  les  princes  de  Salm- 
Kirburg  avaient  un  pied  en  France  et  l'autre  en  Allema- 
gne. Ils  étaient  d'origine  vosgienne.  Si  Kirburg  est  en 
Allemagne  sur  la  Nahe,  leur  fief  patronymique  de  Salm.  se 
trouvait  en  France,  près  de  Senones.  Le  prince  Frédéric, 
qui  avait  passé  sa  jeunesse  à  Paris  et  qui  devait  y  mourir 
sur  l'échafaud  en  1794?  y  fit  construire  par  Rousseau  le 
charmant  hôtel  de  Salm,  devenu  le  Palais  de  la  Légion 
d'honneur  (2).  Pour  son  château  de  Kirburg,  près  de  Kreuz- 
nach,  il  s'adressa  à  Jacques-Dehis  Antoine,  l'architecte 
de  la  Monnaie.  Le  Cabinet  des  Estampes  a  recueilli  toute 
une  série  de  plans  très  détaillés  de  cette  résidence  prin- 
cière  intitulés  :  Plans  du  château  de  Kirn  pour  Son  Altesse 
Sérénissime  Mgr  le  Prince  de  Salm-Kirbourg  par  Antoine, 


(1)  Davillier.  Le  Cabinet  du  duc  d'Aumont.  Paris,  1870 

(2)  T BiKio>i .  Le  palais  de  la  Légion  d'honneur.  Versailles,  1883. 


II.   —   ÉLEGTORAT    PALATIN  2^ 

architecte  du  Boy  et  de  r Académie  royale  d'architecture 
à  Paris  CO.  Une  grande  cour  d'honneur  avec  des  rampes 
en  hémicycle  encadre  la  façade  principale  du  château, 
dont  la  salle  à  manger  centrale  est  surmontée  d'une 
coupole.  Du  côté  du  parterre,  des  statues  couronnent  un 
élégant  portique  de  colonnes  ioniques  annelées.  Le  cazin 
qui  devait  être  construit  dans  les  jardins  présente  quatre 
façades  différentes. 


(1)  Cab.Est.  Topographie.  Prusse,  province  du  Rhin.  Régence  de  Cohlentz 
ir,  Vc.  250. 


111.    Electorat  de  Mayence 


Les  trois  électeurs  ecclésiastiques  qui  se  succédaient 
le  long  de  la  «  rue  des  Prêtres  »  (Pfaffengasse)  n'étaient 
pas  moins  férus  d'art  français  que  l'électeur  palatin. 

L'électeur  de  Mayence  Lothar  Franz  von  Schonborn 
(1675-1728),  dont  Mignard  nous  a  laissé  le  portrait  (i), 
était  un  fervent  admirateur  de  Louis  XIV.  Gomme  les 
moyens  lui  manquaient  pour  remplacer  son  massif  palais 
en  grès  rose  par  un  petit  Versailles,  il  se  contenta  d'une 
imitation  de  Marly  qu'il  baptisa  La  Favorite.  Ce  château 
de  plaisance  passe  pour  avoir  été  construit  par  Maximilien 
von  Welsch,  le  meilleur  architecte  rhénan  de  cette  époque, 
mais  sous  l'inspiration  directe  de  l'architecte  français  Bof- 
frand,  qui  fut  également  consulté  par  les  Schonborn  pour 
la  résidence  épiscopale  de  Wurzbourg.  Boffrand  aurait 
corrigé  le  plan  d'ensemble,  dessiné  les  pavillons  et  les 
fontaines  des  terrasses.  C'est  sans  doute  lui  qui  avait  eu 
l'idée  du  salon  de  porcelaine,  une  des  merveilles  de  la 
Favorite,  inspirée  évidemment  par  le  Trianon  de  porce- 
laine i^). 

La  situation  de  La  Favorite  et  de  ses  jardins  en  ter- 
rasses, tout  bruissants  de  fontaines.,  était  admirable.  La 
résidence  d'été  de  l'électeur  dominait  en  effet  le  confluent 


(1)  Musée  de  Cologne,  n^  582. 

(2)  M.  Danis,  directeur  des  Beaux-Arts  d'Alsace-Lorraine,  est  l'auteur  d'une 
remarquable  restitution  du  Trianon  de  porcelaine  qui  figurait  à  l'exposition 
d'architecture  de  Strasbourg. 


3o  L'ARt   FRANÇAIS   SUR  LE    RïllN 

du  Rhin  et  du  Mein.  «  La  situation  de  ce  jardin,  écrit 
Lerouge  dans  son  septième  cahier  des  jardins  anglo- 
chinois^  peut  se  comparer  à  celle  de  Saint-Gloud  ou  de 
Saint-Germain.  Mais  il  a  un  avantage  particulier  :  outre 
qu'il  est  situé  le  long  du  Rhin,  qui  n'en  est  séparé  que  par 
un  quay  de  six  toises,  il  se  trouve  encore  vis-à-vis  de 
l'embouchure  du  Mein,  ce  qui  augmente  l'agrément  des 
promenades  qui  sont  distribuées  en  amphithéâtre.  » 

Il  ne  subsiste  malheureusement  plus  rien  de  ce  Marly 
rhénan,  qui  fut  victime  du  bombardement  de  1793.  Nous 
ne  pouvons  plus  nous  le  représenter  que  d'après  les  gra- 
vures de  Kleiner  et  de  Lerouge.  Le  château  de  pur  style 
français  construit  à  Biebrich,  sur  la  rive  droite  du  Rhin 
par  le  duc  de  Nassau,  peut  en  donner  quelque  idée. 

Par  contre  nous  pouvons  voir  encore  aujourd'hui  non  loin 
de  Mayence,  dans  l'ancienne  ville  libre  de  Francfort-sur-le- 
Mein,  un  spécimen  fort  bien  conservé  de  l'architecture 
française  de  ce  temps  :  c'est  Vhôtel  des  princes  de  Tour  et 
Taxis ^  récemment  transformé  en  musée (i).  Un  mémoire  très 
détaillé  de  R.  de  Cotte,  daté  du  7  septembre  1727,  nous 
apprend  que  c'est  le  premier  architecte  du  roi  de  France  qui 
fut  chargé  de  reviser  et  de  remanicT  les  plans  primitifs  et 
nous  permet  de  saisir  sur  un  exemple  précis  ce  souci  de  com- 
modité, de  confort,  cet  art  raffiné  des  distributions  qui  est 
la  caractéristique  de  l'architecture  française  du  xviii®  siècle. 
R.  de  Cotte  propose  de  placer  le  grand  appartement  au 
rez-de-chaussée  :  disposition  qui  sera  reprise  au  palais 
Rohan  de  Strasbourg;  un  péristyle  de  colonnes  et  des 
galeries  en  arcades  à  droite  et  à  gauche  de  la  cour  d'hon- 


(1)  LuTHMER.  Dekorationen  aus  detn  Palais  Thurn  und  Taxis  zu  Frank- 
furt  a.  M.  1890. 

(2)  Les  plans  de  R.  de  Cotte  pour  l'hôtel  de  Tour  et  Taxis  sont  conservés  au 
Cabinet  des  Estampes.  Topographie.  Villes  libres.  Dans  les  papiers  de  de 
Cotte,  portefeuille  17,  on  trouvera  le  «  Plan  au  crayon  du  rez-de-chaussée  d'un 
palais  au  prince  de  La  Toui*  Taxis  en  la  ville  de  Francfort  ». 


Robert    de    Cotte  et  Hauberat.  —  Hôtel  de  Tour  et  Taxis,  à  Francfort. 


m.   ÉLECTORAT   DE   MAYENCïi  3l 

neur  permettront  de  cheminer  à  couvert  dans  toute  la 
maison.  Il  prend  bien  garde  que  le  salon,  «  qui  est  la  pièce 
honorable  où  se  doit  assembler  la  compagnie  »,  ne  serve 
pas  de  passage,  u  La  chambre  à  coucher  aura  ses  commo- 
dités, des  petits  cabinets  et  des  garderobes  convenables 
avec  une  antichambre  qui  a  son  entrée  séparée  afin  que 
le  prince  et  la  princesse  puissent  se  retirer  quelquefois  de 
la  compagnie  pour  donner  des  ordres.  J'ay  cru  devoir 
placer  la  chapelle  au  rez-de-chaussée  avec  une  tribune 
pour  la  commodité  du  premier  étage  ;  tous  les  gens  de  la 
maison  pourront  entendre  la  messe  commodément  au  rez- 
de-chaussée  même  de  la  salle.  »  Il  ne  craint  pas  d'entrer 
dans  les  plus  humbles  détails  :  si  l'on  met  des  poêles  dans 
le  salon,  on  pourra  charger  le  bois  par  derrière  sans  passer 
dans  les  appartements.  «  Si  cette  idée  convient,  écrit-il 
pour  conclure,  on  peut  la  communiquer  à  l'architecte  qui 
a  fait  les  premiers  desseins  pour  lui  donner  l'occasion  de 
mieux  penser  encore.  » 

Le  prince  de  la  Tour  et  Taxis  répond  le  20  octobre  à  R.  de 
Cotte  qu'il  a  trouvé  son  dessein  «  parfaitement  beau  »  et  que 
ce  plan  «  trouvera  sans  conteste  l'approbation  générale   ». 

Par  qui  fut-il  exécuté?  Les  historiens  allemands  Dohme 
et  Gurlitt  attribuent  la  construction  de  l'hôtel  francfortois, 
aussi  parisien  d'aspect  que  le  palais  Rohan  de  Strasbourg, 
à  un  certain  deîT  Opéra.  Sous  ce  masque  italien  il 
faut  reconnaître  le  Français  Guillaume  Hauberat,  dont  le 
nom  apparaît  souvent  dans  les  documents  d'archives  de 
Dûsseldorf  et  de  Bonn  sous  la  forme  estropiée  Obra  ou 
Obéra.  Cet  excellent  élève  de  R.  de  Cotte  avait  dirigé  de 
1716  à  17231a  construction  des  châteaux  de  Bonn  et  de 
Poppelsdorf  :  comme  la  mort  de  l'électeur  de  Cologne 
Joseph-Clément  le  laissait  sans  emploi,  son  maître,  tirant 
parti  de  l'expérience  qu'il  avait  acquise  en  Allemagne,  le 
fit  agréer  par  le  prince  de  Tour  et  Taxis  pour  diriger  les 
travaux   de  son  hôtel  de  Francfort.  Cette  famille  princière 


32  l'art  français   sur   le  RHIN 

conserve  dans  ses  archives  de  Ratisbonne  des  lettres 
écrites  de  Francfort  par  Hauberat  entre  1780  et  1742. 
Il  serait  intéressant  de  comparer  le  palais  Tour  et  Taxis 
de  Francfort  et  le  palais  Rohan  de  Strasbourg,  exécutés 
tous  les  deux  à  la  même  date  sur  les  plans  de  Robert  de 
Cotte  :  l'un  par  Hauberat,  l'autre  par  Massol. 

L'influence  française  persiste  à  Mayence  dans  la  seconde 
moitié  du  xviii''  siècle  :  la  preuve  la  plus  démonstrative 
de  son  prestige  est  l'histoire  des  réfections  de  la  cathé- 
drale de  Mayence  après  le  terrible  incendie  du  12  mai 
1767  (1).  Frappée  par  la  foudre,  la  flèche  colossale  en 
charpente  s'était  écroulée.  Le  Chapitre  hésitait  à  la 
reconstruire  en  pierre  malgré  les  assurances  de  François- 
Ignace-Michel  Neumann  le  jeune,  fils  du  célèbre  archi- 
tecte de  la  résidence  de  Wurzbourg,  qui  se  faisait  fort 
de  réédifier  le  clocher  sur  des  fondations  d'une  solidité 
à  toute  épreuve.  Neumann  était  un  architecte  de  grand 
mérite  qui  s'était  formé  en  France  :  non  content  de 
travailler  à  Paris,  où  il  s'était  lié  avce  l'académicien 
Le  Roy,  connu  par  son  livre  sur  Les  monuments  de  Vanti- 
quiié,  il  avait  voyagé  en  province  et  étudié  avec  grand 
soin  la  cathédrale  de  Rouen  (die  gothische  Metropolitan- 
kirche)  pour  laquelle  il  professait  une  grande  admiration. 
Malgré  les  garanties  qu'il  offrait,  le  Chapitre  de  Mayence 
n'osait  s'aventurer  à  sa  suite.  Il  consulta  l'Alsacien  Samuel 
Werner,  architecte  de  la  ville  de  Strasbourg  (2),  qui,  ne  se 
fiant  pas  à  ses  propres  lumières,  proposa  de  rédiger  un 
mémoire  et  de  l'envoyer  à  l'Académie  d'architecture  de 
Paris  pour  avoir  le  sentiment  de  cette  illustre  Compagnie 
(um  von  diesem  ansehnlichen  Collegio  dessen  Gutachten 
und  Meinung  dar liber  zu  begehren). 

(1)  P.  Schneider.  Der  Dom  zu  Mainz.  Berlin,  1886. 

(2;  L'architecte  municipal  Samuel  Werner,  mort  en  1775,  dessina  l'Arc  de 
Triomphe  élevé  à  Strasbourg  à  l'occasion  de  l'entrée  de  la  Dauphine  Marie- 
Antoinette. 


m.   ÉLECTORAT   DE  MAYENCE  33 

Dans  sa  séance  du  18  juillet  1770,  le  Chapitre  approuva 
cette  proposition  et  pria  Neumann  d'exécuter  lui-même 
une  copie  de  son  plan  pour  le  soumettre,  avec  tous  les 
éclaircissements  nécessaires,  à  l'aréopage  parisien. 

L'Académie,  officiellement  saisie  de  l'affaire  par  le 
marquis  de  Marigny,  directeur  des  bâtiments,  nomma 
immédiatement  une  commission  composée  de  cinq  mem- 
bres qui  fut  chargée  de  rédiger  un  rapport.  Ce  rapport, 
déposé  le  10  décembre  1770  (i),  conclut  que,  la  solidité 
des  fondations  étant  douteuse  et  Temploi  de  tirants 
en  fer  n'excluant  pas  le  danger  de  tassements  inégaux, 
il  serait  plus  prudent  de  reconstruire  le  clocher  en 
charpente. 

Ces  conclusions  timorées  ne  faisaient  pas  l'affaire  de 
Neumann,  qui  répliqua  le  12  février  1771  par  une  volumi- 
neuse dissertation  en  un  français  assez  raboteux  intitulée 
Remarques  et  oppositions.  Il  déclarait  que  les  rapporteurs 
avaient  mal  lu  son  exposé,  qu'ils  n'apportaient  aucune 
preuve  à  l'appui  de  leurs  objections  et  ne  tenaient  pas 
compte  notamment  de  ce  que  le  tuf  rhénan  était  beaucoup 
plus  résistant,  malgré  sa  porosité,  que  les  matériaux  de 
même  nature  employés  en  France  ;  il  invoquait  l'exemple 
de  la  flèche  de  la  cathédrale  de  Rouen,  beaucoup  plus  haute 
que  celle  projetée  pour  Mayence,  et,  pour  finir,  il  se  por- 
tait personnellement  garant  de  la  solidité  de  son  clocher. 
«  Quand  la  tour  sera  achevée,  je  demande  la  faveur  de  me 
poster  avec  huit  canons  chargés  à  blanc  sur  la  voûte  de 
l'octogone  et  de  mettre  toutes  les  cloches  en  branle  :  je 
mettrai  moi-même  le  feu  aux  pièces  pour  ainsi  proclamer 
aux  quatre  points  cardinaux  et  jusqu'à  la  frontière  de 
France  par  le  son  des  cloches  et  le  tonnerre  des  canons  la 
solidité   et  la   parfaite    exécution   de   mon  projet  qu'on  a 


(1)  Procès-verbaux  de  l'Académie  d'architecture.  Bibliothèque  de  l'Institut. 
Les  documents  que  nous  reproduisons  plus  loin  sont  encore  inédits. 


34  l'art  français  sur  le  rhiK 

décrié  comme  téméraire,  inexécutable  et  en  contradiction 
avec  les  réelles  de  l'architecture  ». 

Impressionné  par  cet  audacieux  défi,  le  Gliapitrc  fit  con- 
fiance à  Neumann  le  jeune  et  trois  ans  après,  en  1774?  la 
construction  de  la  nouvelle  tour  en  pierre,  où  l'ornementa- 
tion de  style  baroque  se  marie  assez  heureusement  aux 
formes  gothiques,  était  achevée.  Il  faut  reconnaître  en 
toute  franchise  que,  malgré  les  craintes  formulées 
par  l'Académie  d'architecture  de  Paris,  elle  a  résisté 
victorieusement  au  bombardement  de  1798  et  qu'elle 
domine  encore  aujourd'hui  la  masse  gigantesque  de  la 
cathédrale  (i). 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  fait  que  l'Académie  royale  d'archi- 
tecture ait  été  consultée  prouve  le  cas  qu'on  faisait  en 
Rhénanie  de  son  autorité  (2). 

A  la  fin  du  xviii^  siècle  c'est  l'architecte  français  Jean- 
Charles  Mangin  (1721-1807)  <3)  qui  introduit  à  Mayence  le 
style  classique.  On  sait  peu  de  chose  sur  sa  formation  :  il 
est  probable  qu'il  fut  à  Paris  l'élève  d'Ange-Jacques  Ga- 
briel dont  il  nous  apparaît  comme  un  des  meilleurs  disci- 
ples. A  peine  avait-il  achevé  le  joli  château  de  Mon  aise 
près  de  Trêves  qu'il  fut  appelé  à  Mayence  par  le  comte 
Damien  Frédéric  von  der  Leyen  qui  venait  d'être  nommé 
grand  prévôt  de  l'archevêché  et  projetait  de  reconstruire 
de  fond  en  comble  Yhôtel  de  la  grande  Prévôté  (Dom- 
propstei),  bien  qu'il    fût  presque  neuf  et  eût  été  réédifié 


(1)  C'est  également  à  Neamana  le  jeune  qu'est  due  la  reconstruction  du  dôme 
de  Spire.  Son  projet  fut  préféré  à  celui  de  Nicolas  de  Pigage. 

(2)  Dehio  ne  dit  pas  un  mot  de  cette  consultation  dans  son  historique,  très 
complet  par  ailleurs,  de  la  cathédrale  de  Mayence.  Ilandhuch  der  deutschen 
Kunstdenkmàler,  p.  225. 

(3)  F.  Dorst.  Charles  Mangin  und  seine  Bauten  in  den  Trierer  und  Main- 
zer  Landen.  Mainzer  Zeitschrift,  1918.  Cet  excellent  article  nous  a  été  si- 
gnalé par  M.  Griiniher,  directeur  du  musée  de  Coblence,  que  nous  tenons  à 
remercier  ici  de  son  obligeance.  Nous  avons  depuis  complété  celte  étude  sur 
divers  points.  Cf.  L.  Réau.  Vn  grand  architecte  français  en  Rhénanie  : 
Jean-Charles  Mangin.  L'Architecture,  1922. 


Cl 

3 
O 


u 


III.   ÉXEGTORAT   DK  MAYENCK  35 

vers  1740  par  un  de  ses  prédécesseurs  «  dans  le  nouveau 
style  français.  » 

Deux  médiocres  gravures  de  Contgen  et  du  chevalier  de 
Nicéville  et  la  «  coupe  de  la  gallerie  de  la  grande  Prévôté 
de  Maience  »  exécutée  par  Mangin  lui-même  en  1790  nous 
permettent  de  reconstituer  l'aspect  intérieur  et  extérieur 
de  cet  édifice  qui  fut  malheureusement  incendié 'par  les 
Prussiens  et  les  Autrichiens  coalisés  lors  du  bombarde- 
ment de  1798.  Le  corps  de  logis  principal,  flanqué 
de  deux  ailes  basses,  était  décoré  de  six  colonnes  corin- 
thiennes de  plus  de  10  mètres  de  hauteur  portant  un 
entablement  couronné  de  six  statues  allégoriques  qui 
symbolisaient  les  arts.  Les  grandes  baies  du  rez-de- 
chaussée  étaient  cintrées  tandis  que  celles  de  l'étage 
étaient  rectangulaires.  A  l'intérieur  la  galerie  ou  salle 
des  fêtes  émerveillait  les  visiteurs  par  ses  proportions 
grandioses  :  27  m.  52  de  long  sur  8  m.  95  de  large 
qu'amplifiaient  encore  deux  absides  creusées  dans  les 
petits  côtés  du  rectangle.  Sa  large  voûte  en  berceau  était 
portée  par  trente-six  colonnes.  De  magnifiques  statues- 
lampadaires  étaient  régulièrement  disposées  dans  les 
entrecolonnements. 

L'admiration  des  contemporains  avive  nos  regrets  de 
la  disparition  de  ce  chef-d'œuvre  si  malencontreusement 
détruit  quelques  années  à  peine  après  son  achèvement. 
Après  Lang,  dont  nous  reproduisons  en  appendice  l'inté- 
ressante description,  Vogt  écrit  dans  ses  Ansichten 
des  Rheins  :  «  Le  plus  bel  édifice  de  la  ville,  la  grande 
Prévôté  fut  pendant  le  bombardement  la  proie  des  flam- 
mes. Le  comte  von  der  Leyen  l'avait  fait  construire  à 
ses  frais  d'après  les  dessins  et  sous  la  direction  de  l'excel- 
lent architecte  Mangin.  La  seule  chose  qui  manquait  à 
ce  palais  était  un  entourage  approprié  :  autrement 
c'était  à  tout  point  de  vue  un  chef-d'œuvre  d'art  gracieux 
et  noble.  » 


36  l'art  français  sur  le  rhin 

Plus  éloquent  encore  est  le  témoignage  du  grand  Gœthe 
qui  raconte  avec  émotion  dans  sa  description  du  siège  de 
Mayence  :  «  Par  un  sentiment  de  vieille  affection,  je  courus 
au  Doyenné  (^)  qui  m'avait  laissé  le  souvenir  d'un  petit 
Paradis  architectural  :  le  portique  était  encore  debout 
avec  ses  colonnes  et  son  fronton  :  mais  bientôt  je  foulai 
les  décombres  des  belles  voûtes  effondrées  :  ça  et  là  on 
voyait  encore  quelques  restes  de  l'ancienne  splendeur. 
Ainsi  cette  demeure  idéale  (dièse  Musterwohnung)  était 
détruite  à  jamais.  » 

Les  ruines  continuèrent  à  s'effriter  pendant  une  dizaine 
d'années.  En  i8o4  Napoléon  P*"  décréta  que  les  six  colon- 
nes de  la  Prévôté  seraient  utilisées  pour  former  le  portique 
du  nouveau  théâtre.  Mais  la  guerre  arrêta  les  travaux  et 
il  ne  reste  plus  aujourd'hui  de  cet  éphémère  chef-d'œuvre 
que  quelques  débris  de  sculptures  dans  la  cour  du  château 
électoral. 

La  fatalité  s'est  acharnée  contre  tous  les  édifices  conçus 
ou  construits  par  Mangin.  Le  projet  qu'il  avait  formé  pour 
l'achèvement  de  la  tour  de  l'église  de  Saint-Ignace  ne  fut 
pas  exécuté.  La  belle  maison  de  son  protecteur  le  conseil- 
ler Guiollett  sur  la  place  de  la  cathédrale,  le  petit  château 
du  Gartenfeld  en  forme  de  temple  grec,  le  château  de 
Wôrrstadt  :  tout  a  disparu,  soit  pendant  le  bombardement, 
soit  par  suite  de  démolitions. 

En  1793,  il  dut  s'enfuir  de  Mayence  où  il  avait  acquis 
droit  de  cité  et  s'était  construit  une  maison  ;  sur  les  récla- 
mations de  ses  créanciers,  ses  biens  furent  mis  sous 
scellés  et  vendus.  Il  passa  les  dernières  années  de  sa  vie 
à  Nantes  où  il  mourut  le  4  février  1807  à  l'âge  de  quatre- 
vingt-sept  ans.  Il  laissait  un  Recueil  de  modèles  d'archi- 
tecture dont  on  a  malheureusement  perdu  la  trace  (2). 

(1)  Gœthe  confond  évidemment  avec  la  Prévôté. 

(2)  L'hôtel  de  ville  de  New-York  a  été  construit  en  1803  sur    ses  dessins. 
Cf.  Greber.  L'architecture  aux  États-Unis.  Paris,  1920. 


m.  ELECTORAT   DE    MAYENCE  3^ 

Son  œuvre  fut  continuée  o  Mayence  sous  Napoléon  P'' 
par  Eustache  de  Saint-Far  qui  élabora  un  projet  gran- 
diose d'aménagement  de  la  vieille  ville,  resté  d'ailleurs 
à  Tétat  de  projet,  et  les  plans  du  nouveau  Théâtre  qui 
occupe  à  peu  près  remplacement  de  la  Prévôté  de 
Mangin  (i). 

(1)  Saint-Far  travailla  également  en  Alsace.  Le  musée  du  Louvre  possède 
ses  plans  du  palais  du  Conseil  souverain  d'Alsace  à  Colmar. 


IV.    Electorat  de  Trêves 


Les  monuments  d'architecture  française  que  nous  ren- 
controns sur  le  territoire  de  l'ancien  electorat  de  Trêves 
appartiennent  presque  tous  à  la  fin  du  xviii'^  siècle.  Si  nous 
suivions  un  ordre  chronologique,  il  nous  faudrait  parler 
auparavant  de  l'électorat  de  Cologne  :  car  le  palais 
électoral  de  Bonn  appartient  au  début  du  règne  de 
Louis  XV  alors  que  le  palais  électoral  de  Coblence  est 
de  pur  style  Louis  XVL 

L'électorat  de  Trêves  entretenait  de  longue  date  les 
relations  les  plus  étroites  et  les  plus  amicales  avec  le 
royaume  de  France.  Nous  avons  déjà  noté  cette  inter- 
pénétration des  limites  religieuses  et  politiques  qui  faci- 
litait sous  l'ancien  régime  les  rapports  d'État  à  État 
et  effaçait  presque  la  notion  de  frontière.  Il  ne  faut 
pas  oublier  que  le  domaine  spirituel  des  archevêques  de 
Trêves  s'étendait  en  France  sur  les  évêchés  de  Metz,  de 
Toul,  de  Verdun  (les  trois  évêchés),  de  Nancy  et  de 
Saint-Dié.  L'université  'de  Trêves  avait  été  réformée  sur 
le  modèle  de  l'université  de  Paris  (i).  L'assimilation  de  ce 
pays  avait  fait  de  tels  progrès  que  le  ministre  de  France 
pouvait  écrire  en  1760  au  duc  de  Choiseul  :  «  A  mesure 
que  les  occasions  se  présenteront,  vous  apercevrez,  Mon- 
seigneur, que  l'électoral  de  Trêves  diffère  peu  de  sentiments 
d'une  province  de  France  la  plus  affectionnée  au  roi.  » 

L^influence  française  est  déjà  prépondérante  sous  le  règne 
de   l'électeur   Jean-Philippe    de  Walderdorf   (1756-1768). 

(1)  Jean  de    Pange.  «  Un  grand   Rhénan  :  Nicolas  de  Hontheim.  U Alsace 
rançaise.     15  juillet  1922. 


4o  l'art    français   sur  le   RHIN 

C'est  à  Jean  Antoine,  architecte  et  arpenteur  de  la  géné- 
ralité de  Metz,  que  ce  prince  demanda  les  plans  de  son 
château  de  Wittlich,  charmant  rendez-vous  de  chasse,  qui 
fut  bâti  de  1761  à  1764  et  reçut  le  nom  de  Philippsfreude  : 
la  Révolution  n'en  a  malheureusement  rien  laissé  subsis- 
ter (^).  Cet  architecte  messin,  qu'il  ne  faut  pas  confondre 
avec  son  confrère  et  homonyme  parisien  Jacques-Denis- 
Antoine,  l'architecte  de  la  Monnaie,  publia-  à  Trêves,  en 
1768,  un  important  ouvrage  intitulé  :  Traité  d'architecture 
ou  proportions  des  trois  ordres  grecs  sur  un  module  de 
douze  parties.  On  y  voit,  à  côté  de  plans  destinés  à  être 
exécutés  en  France  :  projets  d'une  grandiose  place  Royale 
à  Metz,  du  palais  épiscopal  de  Toul,  plusieurs  dessins  très 
curieux  qui  se  rapportent  à  l'Allemagne  :  notamment  un 
essai  de  reconstitution  de  la  Porta  Nigra  et  un  «  grand 
escalier  projeté  pour  l'abbaye  de  Saint-Mathias  de  Trêves 
qui  est  pris  dans  une  partie  d'oval  ».  Jean- Antoine  a 
exercé  une  grande  influence  sur  l'architecte  trévirois 
Joli.  Seiz. 

Cette  intimité  entre  la  France  et  Trêves  allait  se  resserrer 
encore  à  partir  de  1768,  grâce  à  l'avènement  d'un  prince 
de  la  maison  de  Saxe,  fils  cadet  du  roi  de  Pologne 
Frédéric-Auguste  III,  Clément- Wenceslas.  Le  nouvel 
électeur  était  frère  de  Marie-Josèphe  de  Saxe  et  par 
conséquent  oncle  du  dauphin,  le  futur  roi  Louis  XVI. 
Il  était  tout  acquis  à  la  France.  Le  comte  de  Vergennes, 
accrédité  auprès  de  sa  cour,  mandait  à  Versailles  le 
20  novembre  i774qu'  a  uni  au  roi  par  les  liens  du  sang,  il 
se  jette  entre  les  bras  de  Sa  Majesté  et  les  complaisan- 
ces qu'il  témoigne  être  prêt  à  lui  marquer  n'auront  d'autres 
bornes  que  celles  que  l'amitié  et  le  propre  jugement  de 
S.  M.  voudront  y  mettre  (2)». 

(1)  LoHMEYER,  Johannes  Seiz.  Heidolberg:  1914. 

(2)  Arch  des  Aff.  Et.  Trêves.  —  Cf.  Ch.  Schmidt.  Les  sources  de  Vhistoire 
des  territoires    hénans  de  1792  d  1814.  Paris,  1921. 


IV. 


ÉLECTORAT   DE  TRÊVES  4^ 


Avec  de  pareils  sentiments  on  ne  s'étonnera  pas  que 
lorsque  l'électeur  résolut  de  se  faire  construire  un  nou- 
veau palais  à  Coblence,  qui  était  sa  résidence  habituelle,  il 
se  soit  adressé  à  un  architecte  français.  L'ancien  château 
électoral  se  trouvait  sur  la  rive  droite  du  Rhin,  au  pied 
de  la  forteresse  d'Ehrenbreitstein  :  en  hiver  lorsque  le 
fleuve  charriait  des  glaces  les  communications  entre  le 
château  et  la  ville  devenaient  très  difficiles  ;  de  plus  les 
bâtiments  étaient  délabrés  et  nécessitaient  des  répara- 
tions continuelles.  Ces  considérations  décidèrent  l'élec- 
teur à  faire  bâtir  un  nouveau  palais  sur  la  rive  gauche  du 
Rhin,  du  côté  de  la  ville. 

A  Joh.  Seiz,  l'architecte  du  palais  électoral  de  Trêves, 
et  à  Salins  de  Montfort  qui  s'était  mis  également  sur 
les  rangs,  il  préféra  Michel  d'Ixnard,  originaire  de 
Nîmes,  qui  avait  été  patronné  à  Strasbourg  par  le 
cardinal  de  Rohan  et  qui  s'était  fait  avantageusement 
connaître  en  Allemagne  par  sa  reconstruction  de  Tabbaye 
bénédictine  de  Saint-Biaise  dans  la  Forêt  Noire  (1768)  (i). 
Les  travaux  étaient  déjà  assez  avancés  lorsque  l'élec- 
teur s'aperçut  que  les  projets  trop  ambitieux  et  trop 
onéreux  de  d'Ixnard  outrepassaient  considérablement  ses 
revenus.  C'est  alors  que  par  l'intermédiaire  du  comte 
d'Angiviller,  directeur  des  bâtiments  du  roi,  il  demanda 
à  l'Académie  d'architecture  de  Paris  de  bien  vouloir  re- 
viser des  plans  adoptés  avec  trop  de  précipitation. 

Les  commissaires  désignés  parla  Compagniejugèrent  sé- 
vèrement les  plans  de  d'Ixnard.  Dans  leur  rapport  du  16  août 
1779  (2),  ils  déclarèrent  que  la  distribution  était  vicieuse, 
que  la  proportion  de  l'entrée  principale  sur  la  place  était 


(1)  Le  Recueil  d'architecture  publié  par'd'Ixnard  à  Strasbourg  en  1791  est 
dédié  à  Son  Altesse  Révérendissime  Monseigneur  Martin  de  Gerbert,  prince 
du  Saint  Empire  Romain,  abbé  du  monastère  et  congrégation  des  Bénédictins  à 
Saint-Biaise  dans  les  Forêts  Noires  [sic). 

(2)  11  a  été  publié  par  Lohmeyer,  dans  son  livre  sur  /.  Seiz^  1914. 


42  l'art   FRAKÇAIS    sur    le    RHIN 

lourde  et  écrasée  et  qu'en  général  le  «  genre  d'architecture 
employé  dans  ce  monument  laissait  à  désirer  plus  de 
pureté  et  plus  de  noblesse  dans  le  style  ». 

Pour  corriger  ces  erreurs,  l'Académie  délégua  un  de 
ses  membres  les  plus  distingués  Antoine-François  Peyre 
(1729-1828),  appelé  communément  Peyre  le  jeune  pour 
le  distinguer  de  son  frère  aîné  Marie-Joseph,  également 
architecte,  qui  construisit  avec  de  Wailly  le  théâtre 
de  rOdéon.  Aussitôt  arrivé  à  Coblence  le  7  novembre 
1779,  Peyre  s'employa  activement  à  comprimer  les 
devis.  En  supprimant  des  ailes  inutiles,  en  diminuant 
la  hauteur  des  combles  et  en  remaniant  la  distribution, 
il  réussit  à  économiser  la  moitié  des  dépenses  prévues. 
L'électeur,  enchanté  de  ce  résultat,  se  prit  pour  Peyre 
d'un  véritable  engouement,  le  nomma  à  la  place  du 
pauvre  d'Ixnard  son  architecte  en  titre  et  le  fît  venir  régu- 
lièrement tous  les  ans  pour  diriger  les  travaux. 

Le  nouveau  palais  électoral,  nommé  Clemensburg,  du 
nom  de  son  fondateur,  ne  fut  terminé  qu'en  1786,  peu  de 
temps  avant  la  Révolution.  L'électeur  y  reçut  les  émigrés 
français  réfugiés  à  Coblence.  Le  prince  de  Condé  note 
dans  son  journal  d'émigration  :  «  C'est  un  château  su- 
perbe, dans  le  grand  genre  et  meublé  avec  le  dernier 
goût.  » 

Les  deux  façades,  du  côté  de  la  ville  et  du  côté  du  Rhin, 
animées  simplement  par  des  avant-corps  ornés  de  colon- 
nes, sont,  quoi  qu'en  dise  Quatremère  deOuincy  (i),  d'une 
simplicité  un  peu  froide.  Le  plan  primitif  de  d'Ixnard, 
abandonné  pour  des  raisons  d'économie,  avait  certaine- 
ment plus  de  grandeur.  Le  principal  mérite  du  palais 
construit  par  Peyre  le  jeune  pour  l'oncle  de  Louis  XVI 
est  l'harmonieuse  unité  de  la  décoration  intérieure.  «  On 


(1)  Quatremère  de  Quincy.  Notice  historique  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de 
M.  Peyre.  1823. 


Michel_~D'IxNARD.[—  Projet  pour  le  Palais  ÉlecloraPde  Coblence  {1777)- 


U 


Peyre   le  jeune.  —  Le  Palais  Électoral  de  Coblence  ('1779-1786). 


IV.    ÉLECTORAT   DE  TREVES  4^ 

remarqua,  écrivent  Percier  et  Fontaine  (^)  qui  furent  char- 
gés de  restaurer  cet  édifice  sous  Napoléon  I",  que  la  sculp- 
ture et  la  peinture  s'alliaient  d'une  manière  remarquable 
dans  une  harmonie  rare,  dans  un  accord  parfait,  sans 
nuire  à  l'architecture.  » 

Nous  connaissons  le  nom  de  quelques-uns  des  colla- 
borateurs de  Peyre.  L'architecte  M angin  fournit  de  nom- 
breux dessins  de  meubles  et  d^ornements  en  stuc.  Le 
sculpteur  Lecomte  exposait  au  Salon  de  1789  un  dessin 
représentant  la  Religion  et  les  Vertus  théologales,  com- 
posé pour  le  devant  de  la  chaire  de  la  chapelle  de 
S.  A.  S.  l'électeur  de  Trêves.  Le  plafond  de  la  salle 
d'audience  qui  symbolise  la  Justice  punissant  le  vice  fut 
composé  par  Lagrenée  jeune.  La  salle  du  trône  était 
ornée  de  tableaux  de  maîtres  français  :  le  Bélisaire  de 
David,  la  Clémence  d'Auguste  envers  Cinna  par  Vincent, 
la  Continence  de  Scipion  par  Ménageot.  En  somme  l'art 
français  y  régnait  en  maître  et  les  émigrés  réfugiés  à 
Coblence  pouvaient  caresser  l'illusion  d'être  encore  à 
Versailles. 

Cet  édifice,  auquel  les  historiens  de  l'art  du  xviii*^  siècle 
n'ont  pas  prêté  jusqu'à  présent  une  attention  suffisante  i^\ 
présente,  indépendamment  de  ses  mérites  intrinsèques,  un 
grand  intérêt  historique.  C'est  non  seulement  l'œuvre  la 
plus  importante  de  Peyre  le  jeune,  qui  n'a  rien  construit 
de  comparable  en  France,  et  l'un  des  spécimens  les  plus 
caractéristiques  du  style  Louis  XVI  à  l'étranger;  mais 
c'est  le  premier  édifice  de  stgle  classique  qui  ait  été 
élevé  sur  les   bords  du   Rhin  et  à  ce  titre  on  ne  saurait 


(1)  Percier  et  Fontaine.  Résidences  de  souverains.  Paris,  1833. 

(2)  Signalons  cependant  les  recherches  du    D'    Lohmeyer,    directeur    du 
Musée    Palatin    de    Heidelberg,    un    des    meilleurs     connaisseurs    de    l'ar 
allemand    du  xviii*   siècle  et    la    monographie  en    cours  de  préparation  de 
M.  Ernst  Hager  dont  nous  n'avons  pu  malheureusement    prendre    connais- 
sance. 


44  l'art   français   sur   le    RHIN 

exagérer  son  importance  dans  l'histoire  de  l'architecture 
allemande. 

L'activité  de  Peyre  ne  se  borna  pas  à  la  construction  du 
château  électoral  de  Coblence.  Nous  savons  par  ses  Œuvres 
d'architecture  publiées  à  Paris  en  1818  qu'il  dressa  encore 
pour  l'électeur  de  Trêves  les  plans  d'un  pavillon  destiné 
aux  jardins  de  Kûrlich  sur  les  bords  du  Rhin.  11  exposa  au 
Salon  de  1795  le  plan,  la  coupe  et  l'élévation  en  perspec- 
tive de  ce  cazin  qui  avait  été  projeté  en  1788  et  dont  les 
circonstances  empêchèrent  l'exécution.  Au  centre  du  pa- 
villon devait  se  trouver  une  volière  et  «  comme  l'usage  en 
Allemagne  est  de  faire  de  la  musique  dans  les  maisons  de 
plaisance  des  princes  et  des  grands  seigneurs  pendant 
l'heure  des  repas,  il  y  aurait  eu  autour  de  la  volière  quatre 
tribunes  pour  les  musiciens.  Les  sons  de  la  musique  en- 
tendus distinctement  de  toutes  les  pièces  du  pavillon  se 
seraient  mêlés  au  chant  mélodieux  des  oiseaux  ». 

Mangin  qui  avait  collaboré  à  la  décoration  intérieure  du 
château  de  Coblence  dessina  également  pour  le  parc  du 
château  de  Kàrlich  un  petit  temple  rond  orné  de  quatre 
portiques  dont  le  plan  signé  et  daté  (4  mars  1787)  a  été 
retrouvé  par  M.  Lohmeyer  aux  archives  de  Coblence. 

Près  de  Trêves,  à  Thiburg  sur  la  Moselle,  Peyre  dessina 
encore  pour  le  baron  de  Kerpen,  chanoine  du  chapitre, 
une  ferme  et  un  petit  pavillon  tandis  que  Mangin  construi- 
sait en  1779  pour  le  comte  Philippe  de  Walderdorf  le 
charmant  château  de  Mon  aisei^) àoni  la  façade,  ornée  de 
quatre  colonnes  ioniques,  est  d'une  simplicité  distinguée. 
Comme  il  arrive  toujours,  l'exemple  donné  par  le  souve- 
rain fut  suivi  par  ses  courtisans  et  l'influence  française  se 
répandit  de  Coblence  dans  tout  l'électorat. 

(1)  Ce  ravissant  château,  inhabité  et  abandonné  depuis  de  longues  années, 
semble  malheureusement  voué  à  une  ruine  prochaine.  Cette  perte  serait 
d'autant  plus  regrettable  que  c'est  le  seul  ouvrage  de  Mangin  conservé  en 
Allemagne. 


IV.  ÉLECïORAT   DE   TRÊVES  ^5 

Entre  l'électoral  de  Trêves  et  l'électorat  de  Cologne,  la 
petite  principauté  de  Wiq,d  constitue  au  xvm^  siècle  un 
centre  particulièrement  actif  de  culture  française.  La  colo- 
nie de  Frères  Moraves  (Herrnhuter)  établie  à  Neuwied 
comprenait  un  assez  grand  nombre  de  Français.  L'un  de 
ces  Frères  Moraves,  le  célèbre  ébéniste  David  Rœntgen, 
fit  consacrer  sa  réputation  à  Paris  où  il  prit  le  titre  d'ébé- 
niste-mécanicien de  la  reine' Marie-Antoinette. 

La  Société  typographique  de  Neuwied  imprimait  quan- 
tité de  gazettes  et  d'ouvrages  en  langue  française.  C'est  de 
ses  presses  que  sortit  notamment  en  1789  le  Monument 
du  costume,  ce  charmant  tableau  de  la  société  française  à 
la  fin  de  l'Ancien  Régime,  dont  le  texte  dû  à  Restif  de  la 
Bretonne  est' commenté  par  les  spirituelles  estampes  de 
Moreau  le  jeune. 


V.    Electorat  de  Cologne 


Depuis  le  moyen  âge,  Cologne,  métropole  historique  et 
religieuse  de  la  Rhénanie,  a  toujours  eu  mission  de  trans- 
mettre à  l'Allemagne  les  influences  civilisatrices  de  l'Occi- 
dent, représenté  essentiellement  par  la  France  et  les  Pays- 
Bas.  A  partir  de  la  fin  du  xvii*'  siècle,  l'influence  française, 
refoulant  l'influence  hollandaise,  s'impose  sans  conteste. 
Cologne  est  à  cette  époque  en  décadence  et  ne  compte 
plus  au  point  de  vue  artistique.  Mais  l'art  français  s'im- 
plante dans  la  ville  \oîsine  de  Bonn,  résidence  favorite 
des  électeurs  et  rayonne  de  là  dans  toute  la  basse  Rhénanie. 

C'est  à  l'électeur  Joseph-Clément  (1688-1728)  et  à  son 
neveu  et  successeur  l'électeur  Clément-Auguste  (1728- 
1761),  tous  les  deux  cadets  de  la  maison  de  Bavière,  que 
l'art  français  du  xviii''  siècle  est  particulièrement  redevable 
de  cette  conquête  (i). 

Joseph-Clément  de  Bavière  avait  pourtant  été  élu  en 
1688  contre  le  candidat  français  :  Guillaume  Egon  de 
Furstenberg,  évêque  de  Strasbourg.  Mais  il  ne  tarda  pas  à 
se  rapprocher  de  Louis  XIV  pour  obtenir  des  subsides.  En 
1701,  lorsque  éclata  la  longue  guerre  de  succession  d'Espa- 
gne, il  prit  ouvertement  parti  pour  la  France  et  lui  laissa 
même  enrôler  des  troupes  sur  son  territoire  à  l'insu  de  ses 
États.  Cette  fidélité  devait  lui  coûter  cher.   Ses  châteaux 


(1;  Le  meilleur  travail  publié  sur  l'art  français  dans  l'électorat  de  Cologne 
est  une  dissertation  de  doctorat  de  Renard  :  «  Die  Bauten  der  Kurfursten 
Joseph-Clemens  und  Clemens-August  von  Kôln»,  qui  a  paru  dans  le  Bonner 
Jahrbuch  en   1896. 


48  l'art   français   sur    le   RHIN 

de  Bonn  et  de  Brûhl  furent  bombardés  et  à  moitié  détruits. 
En  1702  il  fut  chassé  de  son  électorat  parla  coalition  et 
dut  se  réfugier  dans  le  nord  de  la  France,  à  Lille  et  à  Va- 
lenciennes.  Son  exil  dura  douze  ans  :  il  ne  fut  restauré 
qu'en  1714?  à  la  faveur  du  traité  de  Rastadt. 

Ébloui  par  les  magnificences  de  la  cour  de  Louis  XIV,  il 
se  consolait  de  sa  déchéance  momentanée  en  esquissant 
des  projets  grandioses  de  transformation  de  sa  résidence 
de  Bonn,  où  il  espérait  bien  rentrer  un  jour  avec  l'aide  de 
son  puissant  allié.  Dès  1704  il  s'abouchait  avec  le  célèbre 
architecte  Robert  de  Cotte,  beau-frère  et  successeur  de 
Jules  Hardouin  Mansard,  et  jusqu'en  1720  il  échangea  avec 
lui  une  correspondance  très  active  qui  est  conservée  au 
Cabinet  des  Estampes  de  la  Bibliothèque  Nationale  (i). 

Cette  correspondance  se  divise  en  deux  parties  :  la  pre- 
mière comprend  les  lettres  d'exil  (1704-1715)  qui  se  pres- 
sent surtout  à  partir  de  1712  quand  la  paix  est  en  vue  et 
que  l'exilé  espère  rentrer  dans  ses  Etats  ;  la  seconde  se 
compose  des  lettres  datées  de  Bonn,  après  la  restauration 
de  l'électeur. 

Nul  mieux  que  R.  de  Cotte,  intendant  des  bâtiments  et 
premier  architecte  de  Sa  Majesté  très  chrétienne,  n'était 
capable  de  donner  à  ce  principicule  allemand  la  flatteuse 
illusion  d'être  un  petit  Louis  XIV.  Aussi  ne  tarit-il  pas 
d'éloges  sur  le  génie  du  grand  homme  qui  consent,  malgré 
ses  multiples  occupations,  à  l'éclairer  de  ses  lumières. 
«  Vous  avez  si  bien  donné  dans  ma  pensée,  lui  mande-t-il 
le  11  juillet  i7i4;»  qu'il  n'y  a  rien  à  dire  et  j'en  suis  content 
au  delà  de  tout  ce  qu'on  saurait  s'imaginer...  Je  vous  prie 
très  instamment  de  continuer  à  m'assister  jusqu'à  la  fin  de 
vos  bons  conseils  et  avec  un  tel  secours  j'espère  de  faire 
sans  contredit  un  des  plus  beaux  palais  qui  soient  en  Alle- 
magne. » 

(1)  Nous  en  publions  en  appendice  de  nombreux  extraits. 


Vivien.  —  Porfra// de  l'Électeur  de  Cologne  Joseph-^Clémenl.  gravé   par  B.  Audran. 


V.    ÉLECTORAT   DE   COLOGNE  49 

De  Cotte  était  beaucoup  trop  absorbé  par  ses  fonctions 
de  premier  architecte  du  roi  et  de  directeur  de  l'Académie 
d'architecture  pour  venir  conduire  sur  place  les  bâtiments 
de  l'électeur  de  Cologne.  Il  ne  semble  pas  qu'il  soit  jamais 
venu  à  Bonn.  Mais  il  y  délègue  ses  lieutenants  :  Benoît 
de  Portier,  puis  Guillaume  Hauberat  qui  travaillent  sur  ses 
plans  et  ne  font  rien  sans  le  consulter.  En  outre  c'est  lui 
qui  se  charge  de  recruter  à  Paris  toute  la  main-d'œuvre 
nécessaire,  d'engager  menuisiers,  doreurs,  serruriers.  Bref, 
il  est  à  distance  le  véritable  maître  de  l'œuvre. 

Afm  de  faciliter  sa  besogne,  l'électeur  décide,  en  1716, 
que  toutes  les  mesures  lui  seront  envoyées  désormais,  non 
plus  en  pieds  du  Rhin,  mais  en  toises  de  France.  «  Pour 
éviter  tout  embarras,  j'ay  ordonné  à  tous  les  ouvriers  qui 
travaillent  à  mes  bâtimens  de  ne  se  servir  dorénavant  dans 
tous  leurs  ouvrages  que  du  pied  de  France  et  pour  cet 
effet  j'ay  fait  attacher  à  la  porte  de  mon  palais  une  vergq 
de  fer  longue  d'une  toise  pour  qu'ils  se  règlent  là-dessus.  » 

La  grande  ambition  de  l'électeur,  son  rêve  ou,  si  Ton 
préfère,  sa  marotte  était  d'imiter  de  son  mieux  au  bord  du 
Rhin,  dans  ses  résidences  de  Bonn  et  de  Bruhl,  les  mer- 
veilles qu'il  avait  admirées  à  la  cour  de  France.  «  Je  souhai- 
terais fort,  insiste-t-il,  que  ma  gallerie  eût  la  même  lar- 
geur que  celle  des  Thuilleries  où  sont  les  plans  des  villes 
et  forteresses  conquises  par  Sa  Majesté  très  chrétienne.  » 
Quant  à  ses  appartements  intimes,  il  tient  à  ce  qu'ils  soient 
décorés  «  comme  étaient  les  appartements  de  feu  M.  le 
Dauphin  à  Meudon  ». 

Malheureusement  les  ressources  de  l'électeur  n'étaient 
pas  toujours  à  la  hauteur  de  ses  ambitions.  On  aurait  pu  dire 
de  lui  ce  que  le  comte  de  Moustier  disait  de  l'électeur  de 
Trêves,  Clément-Wenceslas  :  qu'il  était  un  très  haut,  mais 
pas  un  très  puissant  seigneur.  Dans  sa  correspondance,  il 
se  plaint  amèrement,  à  maintes  reprises,  de  la  mauvaise 
volonté  de  ses  chanoines,  de  la  lésinerie  de  ses  sujets  qui 

4 


%0  L^ART  FRANÇAIS   SUR   LE   RHi:« 

lui  marchandent  les  crédits  nécessaires.  Il  s«  voit  obligé,  à 
son  corps  défendant,  de  rogner  les  projets  trop  fastueux  de 
R.  de  Clotte.  «  Je  vous  prie,  Monsieur,  lui  recommande-t-il, 
d'avoir  eïi  totit  ceci  plus  d'égards  au  b^on  golit  et  à  la  com- 
modité qu'à  la  magnificence  qui  accompagne  tout  ce  que 
vous  ordonnez  pour  S.  M.  T.  C.  laquelle  doit  avoir 
ïivec  justice  des  palais  qui  correspondent  à  sa  grandeur 
et  à  sa  puissance  ;  mais  il  faut  que  mes  bâtiments 
cadrent  à  mes  moyens  qui  ne  sont  rien  en  comp^araison 
des  siens.  » 

Pour  faire  des  économies  il  commande  à  Paris  des 
modèles  en  se  réservant  de  les  faire  co^^ier  sur  place  à 
meilleur  compte.  11  se  contentera  par  exemple  de  deman- 
der à  Vernansal  une  esquisse  de  plafond  qu'il  fera  peindre 
par  un  barbouilleur  à  ses  gages.  De  Gotte  lui  avait  con- 
seillé de  faire  exécuter  les  ornements  en  argent  de  sa  salle 
d'audience  par  l'orfèvre  du  roi  Ballin.  «  Je  suis  persuadé, 
lui  répond  le  besogneux  électeur,  qu'il  ne  sort  de  ses  mains 
que  des  ouvi^ages  accomplis.  Mais  les  façons  chez  lui 
moulent  si  haut  qu'elles  excèdent  souvent  le  prix  de  la 
matière.  Aussi  je  suis  résolu  de  faire  exécuter  ces  orne- 
mens  en  Allemagne  où  l'on  travaille  fort  bien  et  à  beau- 
coup "meilleur  marché,  pourvu  que  l'on  fournisse  de  bons 
modèles  aux  ouvriers.  » 

Son  secret  désir  aurait  cté  de  faire  solder  par  la  cour  de 
France  les  mémoires  de  ses  fournisseurs  parisiens.  C'est 
ce  qu'il  n'eut  pas  honte  de  faire  demander  au  duc  d'Antin, 
directeur  des  bàtiments;,  par  rintermédiaire  de  R.  de  Cotte, 
«  mes  finances,  explique-t-il  pour  excuser  sa  mendicité, 
étant  iprésentem eut  effroyablement  dérangées  par  il-opiniô- 
treté  et  les  mauvaises  intentions  de  mes  Etats,  en  haine  de 
mon  alliance  avec  le  feu  roi  très  chrétien  ».  «Ma  passion 
pour  bâtir  est  toujours  égale,  gémissait-il  ;  mais  les  moyens 
me  manquent  pour  la  satisfaire.  »  Ges  sollicitations  plus  ou 
moins  indirectes  n'eurent  pas  l'effet  désiré  et  le  pauvre 


V.   ÉLECTOll^T  DE   COLOGNE  5l 

électeur  dut  se  résigner,  bon  gré  niai  gré,  à  payer  ses 
fournisseurs  sur  sa  propre  cassette. 

Si  l'on  ajoute  à  ces  perpétuels  embarras  d'argent  le 
tempérament  indécis  et  brouillon  de  Joseph  Clément  dont 
les  velléités  se  contrariaient  ssjis  cesse  et  qui  faisait  con- 
stamment modifier  les  plans  en  cours  d'exécution,  on  ne 
s'étoimera  pas  que  plusieurs  des  bâtiments  dessinés  par 
R.  de  Cotte  soient  restés  sur  le  papier.  De  ,tous  les  plans 
conçus  pour  les  quatre  résidences  de  l'électeur  :  JBonn^ 
Poppelsdorf,  Godesberg  et  Briihl,  bien  peu  ont  été  intégra- 
lement exécutés. 

Le  château  de  Bonn  avait  été  commencé  par  l'Italien 
Enrico  Zuccali  :  de  sorte  que  R.  de  Cotte  n^avait  pas  les 
mains  entièrement  libres.  Il  était  en  outre  paralysé  par  les 
irrésolutions  de  l'électeur,  qui  ne  savait  même  pas  s'il 
-devait  conserver  l'ancien  palais  en  le  remaniant  ou  en  faire 
construire  un  nouveau.  Il  aurait  Lien  voulu  que  sa  rési- 
dence fut  en  bordure  du  Rhin  :  mais  il  redoutait  les  inon- 
dations du  fleuve  et  surtout  il  craignait  d'être  salué  un 
beau  jour  à  grands  coups  de  canon  par  son  voisin  l'élec- 
teur palatin,  qui  résidait  à  Diisseldorf  sur  la  rive  droite. 
Finalement  il  se  décida  à  conserver  l'ancien  emplacement  : 
cependant^  pour  jouir  de  la  vue  du  Rhin  et  pour  recevoir 
plus  commodément  ses  hôtes  arrivant  par  eau,  il  ima- 
gina de  greffer  sur  son  château  une  aile  interminable 
s'allongeant  comme  un  disgracieux  tentacule  vers  le 
fleuve. 

Avec  un  pareil  développement  en  largeur,  tout  à  fait 
démesuré,  l'aspect  extérieur  du  château  ne  pouvait  être 
très  satisfaisant.  Par  contre  la  décoration  intérieure  des 
chambres  de  parade  et  des  appartements  intimes  devait 
être  une  merveille.  L'ensemble  et  les  détails  avaient  été 
étudiés  avec  le  plus  grand  soin  par  R.  de  Cotte,  dont  on 
peut  admirer  les  dessins  au  Cabinet  des  estampes.  L'enfi- 
lade des  pièces  d'apparçit  se  composait  de  la  salle  des 


52  L  ART   FRANÇAIS   SUR    LE    RHIN 

Gardes,  de  la  salle  des  Electeurs,  de  la  salle  d'audience, 
tendue  de  six  tapisseries  de  haute  lisse,  où  se  dressait  sous 
un  dais  le  trône  de  l'électeur,  de  la  chambre  du  conseil 
décorée  aux  couleurs  de  Bavière  :  bleu  et  blanc,  du 
cabinet  des  glaces  et  de  la  grande  galerie.  De  là  on 
pénétrait  dans  les  appartements  intimes  du  Buen-retiro^ 
que  l'électeur  avait  prescrit  de  décorer  dans  le  goût 
des  appartements  du  dauphin  à  Meudon  avec  des  «  gro- 
tesques »  de  Claude  Audran,  des  panneaux  de  glace  et  des 
laques  chinois. 

Toute  cette  décoration  fut  malheureusement  anéantie 
dès  la  fin  du  xviii^  siècle  dans  l'incendie  de  1777.  Le  châ- 
teau restauré  fut  affecté,  en  1818,  par  le  gouvernement 
prussien  à  l'université  :  ce  qui  acheva  sa  ruine  (^).  Si  l'on 
excepte  quelques  plafonds  miraculeusement  préservés,  il 
ne  reste  plus  rien  aujourd'hui  du  charmant  décor  si 
amoureusement  concerté  par  Joseph  Clément  et  R.  de 
Cotte. 

Le  petit  château  de  Poppelsdorf,  relié  à  celui  de  Bonn 
par  une  belle  avenue  d'arbres,  a  moins  souffert  bien  qu'il 
ait  été  dévolu  également  à  l'université,  qui  y  a  installé  des 
musées  et  des  laboratoires  d'histoire  naturelle.  Son  plan, 
très  exceptionnel,  a  peut-être  été  emprunté  par  de  Cotte  à 
la  Villa  Rotonda  de  Palladio  :  les  bâtiments  se  groupent 
autour  d'une  cour  ronde  entourée  d'arcades  au-dessus 
desquelles  règne  une  terrasse  (2).  La  décoration  très  gra- 
cieuse des  appartements  ainsi  que  delà  chapelle,  affectée  à 
la  confrérie  des  fleuristes,  se  distingue  par  des  motifs 
rustiques  ou  lloraux.  Une  des  principales  curiosités  de 
ce  château  de  plaisance  est  la  fameuse  salle  de  coquillages 
(Muschelsaal)y  véritable  tour  de  force  du  Bordelais  Pierre 


(1)  L'université  occupait  auparavant  le  couvent  des  Jésuites. 

(2)  Les  plans  de  R.  de  Cotte  relatifs  à  Poppelsdorf  sont  conservés  au  Cabinet 
des  Estampes.  Topographie.  Province  du  Rhin.  Vc.  254. 


n 


IftltlirLrrrTftFfrÉitïrfrrrfrfrrf  r  r 

mmnmrnrmr    : 


Robert  de  Cotte.  —  Projet  de  façade  du  Palais  Électoral  de  Bonn 


Robert  de  Cotte  et  Hauberat.  —  Château  de  Poppelsdorl. 


V.   ÉLECTORAT   DE   COLOGNE  53 

Laporterie,  qui    consacra   à   ce  travail  de  patience   sept 
années  de  sa  vie  (i). 

Le  château  de  Briihl,  vieux  manoir  féodal  situé  à  mi- 
chemin  entre  Cologne  et  Bonn,  qui  servit  pendant  plusieurs 
mois  d'asile  au  cardinal  Mazarin,  avait  été  bombardé  et 
à  moitié  détruit  en  1689.  Joseph-Clément  songea  à 
le  remettre  en  état  et  demanda  des  plans  à  R.  de  Cotte. 
Dans  une  lettre  très  curieuse  datée  du  4  niai  lyib,  il  expose 
ses  propres  idées  et  stipule  1"  :  que  le  nouveau  château 
devra  avoir  l'apparence  d'une  maison  ouverte,  pour  éviter, 
en  cas  de  guerre,  un  second  bombardement  ;  2°  qu'on  utili- 
sera, autant  que  possible,  les  anciennes  fondations  qui  sont 
encore  fort  bonnes,  en  se  contentant  de  masquer  ces  ves- 
tiges archaïques  par  des  constructions  neuves.  Dans  ce 
programme  nous  retrouvons  les  mêmes  préoccupations  de 
sécurité  et  d'économie  qui  avaient  guidé  l'électeur  pour 
son  château  de  Bonn.  Le  château  de  Briihl  ne  devait  d'ail- 
leurs être  construit  qu'après  sa  mort. 

R.  de  Cotte  et  ses  lieutenants  Benoît  de  Portier  et  Hau- 
berat  ne  sont  pas,  tant  s'en  faut,  les  seuls  artistes  français 
que  Joseph-Clément  emploie  pour  la  construction  et  la 
décoration  de  ses  bâtiments.  Parmi  les  talents  qu^il  mit  à 
contribution,  il  faut  citer  surtout  le  grand  architecte-déco- 
rateur Gilles-Marie  Oppenord,  directeur  général  des  bâti- 
ments et  jardins  de  Mgr  le  duc  d'Orléans,  régent  du 
royaume,  dont  il  avait  certainement  admiré  l'ingéniosité  et 
le  goût  au  Palais-Royal.  Dans  le  recueil  des  OEiivres  d' Op- 
penord^ gravé  par  Huquier  (2),  on  trouve  quatre  projets 
conçus  pour  le  palais  de  Bonn,  qui  se  rapportent  à  la  déco- 


(1)  Les  principales  œuvres  de  Laporterie  en  Allemagne  sont  outre  la  grotte 
de  Poppelsdorf,  la  chapelle  de  Falkenlust  près  de  BrUlil,  la  grotte  de  Neuwied 
et  la  grotte  du  château  de  Wilhelmstal  près  Cassel.  Voir  sa  biographie  dans 
les  Materialien  ziir  Statistik  des  niederrheinischen  und  tcestfàîischen 
Kreises,  1781. 

(2)  Il  a  été  publié  en  photographie  par  l'éditeur  Rouveyre.  Paris,  1888. 


54  l'Art  français  sur  le  rhin 

ration  de  la  salle  des  Gardes,  à  une  grotte  dans  un  jardin, 
à  un  grand  salon  à  Titalienne.  Dans  la  correspondance  d'IIau- 
berat  avec  R.  de  Cotte,  il  est  question  de  plusieurs  dessins 
exécutés  par  Oppenord  pour  la  décoration  du  cabinet  des 
glaces.  Enfin  E.  Renard  a  retrouvé  aux  archives  de  Dûs- 
seldorf  le  devis  détaillé  d'un  corps  de  logis  portatifs  sorte 
de  maison  roulante  en  bois  comportant  une  chambre  à 
coucher,  une  salle  à  manger  et  même  une  chapelle, 
qu'Oppenord  était  chargé  de  faire  exécuter  à  Paris  par  les 
meilleurs  artistes  afin  de  permettre  à  l'électeur  vieilli 
et  valétudinaire  de  voyager  sans  fatigue. 

Autour  de  ces  deux  chefs  de  file,  on  relève  dans  la  cor- 
respondance et  dans  les  comptes  de  l'électeur  les  noms  de 
quantité  d'artistes  et  d'artisans  français  :  les  uns  déracinés 
comme  l'architecte  Michel  Leveilly  qui  construisit  à  Bonn 
V hôtel  de  ville  (l)  (1787),  et  la  porte  Saint-Michel  ou  porte 
de  Coblence  (1751),  le  sculpteur  Rousseau,  les  peintres 
Vivien  et  Laroque  —  les  autres  exécutant  à  Paris  les 
commandes  de  l'électeur,  tels  que  les  peintres  Audran, 
Desportes  et  Vernansal,  le  célèbre  orfèvre  Thomas  Germain 
qui  cisela,  en  1720,  pour  rarchevêque  de  Cologne,  un 
magnifique  calice  en  or  enrichi  de  plusieurs  médaillons 
représentant  des  scènes  de  la  Passion  (2),  le  médailleur 
Jean  Duvivier,  de  Liège,  qui  exécuta  un  très  beau  portrait- 
médaillon  du  prélat,  ^son  premier  mécène  (3). 


(1)  Le  projet  de  la  façade  de  cet  édifice  par  Leveilly  est  conservé  au 
Rathaus  de  Bonn.  Leveilly  a  également  construit  à  Bonn  la  Vigne  du  Seigneur 
(Vinea  Domini),  maison  de  plaisance  de  l'électeur,  située  dans  un  clos  de 
vignes  au  bord  du  Rhin,  et  des  hôtels  particuliers  comme  l'hôtel  Metternich, 
aujourd'hui  disparu. 

(2)  Gr.  Bapst.  Les  Germain,  p.  39. 

(3j  Joseph  Clément  était,  en  même  temps  qu'archevêque  de  Cologne,  év  êque 
de  Liège;  ce  qui  explique  ses  relations  avec  le  grand  médailleur  liégeois. 


ÉLECTORAT  1>E  COLOGNE  55 


A  la  mort  de  Joseph-Clément,  en  1728,  tout  le  chantier 
français  de  Bonn  se  dispersa.  Mais  il  ne  tarda  pas  à  se 
reconstituer  sous  le  nouvel  électeur  Clément-Auguste, 
frèi'e  cadet  de  l'empereur  Charles-Alhert  de  Bavière,  qui 
continua  les  traditions  de  faste  de  son  oncle. 

Le  château  de  Brûhl  (Augustusburg),  auquel  il  a  atta- 
ché son  nom,  est  avec  le  palais  électoral  de  Coblence  le 
chef-d'œuvre  de  l'architecture  française  du  xviii^'  siècle  sur 
les  bords  du  Rhin.  Commencé  eniyaSet  achevé  seulement 
en  1770,  il  est  assurément  beaucoup  moins  homogène  ; 
mais  en  revanche  on  peut  y  étudier  mieux  que  partout  ail- 
leurs révolution  du  rococo  depuis  le  style  Régence  où  il 
est  en  germe  jusqu'à  la  renaissance  du  classicisme. 

La  merveille  de  Briihl  est  l'escalier  monumental,  dont  on 
peut  critiquer  certains  détails  :  l'abus  des  stucages  à  l'ita- 
lienne, le  plafond  trop  bariolé,  mais  qui  n'en  est  pas  moins, 
par  l'ampleur  de  la  conception^  le  magnifique  rythme  ascen- 
sionnel, l'égal  des  escaliers  grandioses  de  Wûrzbourg  et  de 
Bruchsal. L'architecture  duxviii^  siècle  atteintici  son  apogée. 

Les  historiens  d'art  allemands  se  sont  naturellement 
efforcés  de  revendiquer  la  meilleure  part  de  oe  chef-d'œu- 
vre pour  deux  architectes  d'outre-Rhin  :  le  Westphalien 
Johann-Conrad  Schlaun  et  le  Franconien  Johann-Balthasar 
Neumann.  Mais  leur  argumentation  est  si  pauvre  et  si  fra- 
gile qu'elle  ne  résiste  pas  à  l'examen.  A  l'encontre  de 
Gurlitt,  Renard  avoue  loyalement  que  Neumann,  qui  n'ap- 
paraît à  la  cour  de  l'électeur  de  Cologne  que  vers  1740,  a 
joué  un  rôle  de  conseiller  plutôt  que  de  créateur  et  que  sa 
participation  aux  travaux  de  Brûhl  est  fort  douteuse.  Son 
nom  ne  figure  dans  aucune  pièce  d'archives.  Lui-même 
ne  mentionne  parmi  ses  œuvres  rhénanes  que  la  Scala 
Santa  de  Kreuzberg,  près  Bonn,  et  l'autel  de  l'église 
des  Franciscains  à  Bruhl.  Il  fait  quelque  part  allusion  à 


66  l'art  français  sur  le  rhin 

une  grande  idée  (haubt  idée).  Mais  cette  grande  idée  con- 
cerne-t-elle  l'escalier  de  Brûhl  ?  C'est  une  pure  hypothèse. 
En  somme,  du  fait  que  Neumann  a  conçu  les  escaliers  de 
Wurzbourg  et  de  Bruchsal,  on  induit  qu'il  doit  être  aussi 
pour  quelque  chose  dans  le  chef-d'œuvre  de  Briihl.  On 
avouera  que  le  raisonnement  est  faible  et  que  le  moindre 
document  ferait  bien  mieux  notre  affaire. 

A  cette  hypothèse  nous  pouvons  opposer  tout  un  fais- 
ceau de  documents  irréfutables  qui  démontrent  que  le 
château  de  Brûhl  appartient  non  pas  à  l'architecture  alle- 
mande, mais  à  l'architecture  française  en  Allemagne. 

1°  Dans  une  lettre  du  4  niai  171 5,  que  nous  avons  déjà 
signalée,  l'électeur  Joseph-Clément  demande  à  R.  de  Cotte 
un  plan  de  reconstruction  du  château  de  Brûhl.  L'existence 
de  ce  plan  initial  n'est  donc  pas  douteuse  et  tout  porte  à 
croire  qu'il  a  servi  de  base  pour  la  construction  com- 
mencée dix   ans  plus  tard,    en   1725. 

2°  Les  travaux  de  construction  furent  dirigés  successive- 
ment par  deux  architectes  français  :  Michel  Leveilly  et 
Etienne  Dupuis. 

3°  Presque  toutes  les  décorations  intérieures  furent  exé- 
cutées sur  les  dessins  ou  de  la  main  d'artistes  tels  que 
Cuvilliès,  Radoux,  Roussaux  dont  le  nom  n'a  assurément 
rien  de  germanique. 

5°  Le  parc  fut  dessiné  par  Girard,  élève  de  Lenôtre,  qui 
avait  travaillé  aussi  en  Bavière,  à  Nymphenbourg  et  à 
Schleissheim.  Le  jardin  du  château  de  Brûhl,  écrit 
TAllemand  Renard,  est  une  oeuvre  remarquable  de  l'ar- 
chitecture française  de  jardin:  Der  Brûhler  Schlossgarten 
ist  ein  vorzûgliches  Werk  der  franzôsischen  Garten- 
baukunst. 

Tous  ces  documents,  tous  ces  témoignages  nous  auto- 
risent à  conclure  que  le  château  de  Brûhl,  chef-d'œuvre 
deTarchitecture  rococo  en  Rhénanie,  est  en  majeure  partie 
une  création  du  génie  français.  C'est  d'ailleurs  également 


Grand  escalier  du  Château  de  Briihl 


Photo  Ollivier. 


V.   ÉLECTORAT    DE   COLOGNE  5^ 

la  conclusion  de  Renard,  que  nous  reproduisons  d'autant 
plus  volontiers  qu'elle  ne  peut  être  suspecte  de  partialité 
en  notre  faveur  :  «  Bonn  et  Bensberg(i)  ayant  été  détruits 
ou  complètement  transformés,  Brûhl  reste  le  monument  le 
plus  important  de  l'art  du  xviii^  siècle  dans  la  province 
rhénane,  l'expression  du  faste  des  électeurs  de  Cologne  et 
de  leur  prédilection  pour  les  modèles  français.  » 

Les  fabriques  semées  autrefois  dans  le  parc  renforçaient 
encore  cette  impression.  Le  kiosque  chinois  appelé  Sans 
Gêne  et  le  belvédère  en  colimaçon  [Schneckenhaus)  ont 
disparu  et  ne  nous  sont  plus  connus  que  par  les  estampes 
de  Metz  et  Mettel.  Mais  le  pavillon  de  chasse  deFalkenlust 
subsiste  et  on  ne  saurait  rêver  architecture  plus  purement 
française.  C'est  une  fantaisie  exquise  de  Cuvilliés,  archi- 
tecte favori  de  l'électeur  de  Bavière,  frère  de  l'électeur  de 
Cologne  (2).  Construit  entre  1780  et  1787,  il  est  admira- 
blement conservé.  Un  salon  forme  avant-corps  sur  le 
jardin.  Dans  le  vestibule,  les  bas-reliefs  qui  décorent  les 
dessus  de  portes  et  les  groupes  de  putti  jouant  avec  des 
faucons  (3)  sont  du  sculpteur  français  Le  Clerc.  Dans  le 
trumeau  d'une  cheminée  s'encadre  la  figure  de  l'électeur 
Clément-Auguste  en  négligé,  vêtu  d'une  robe  de  chambre 
de  soie  bleu  et  blanc,  couleurs  de  la  Bavière,  et  tenant  à 
la  main  une  tasse  de  chocolat  fumant  :  cet  excellent 
portrait  est  signé  Vivien  (4).    Deux  charmants  cabinets  : 

(1)  Bensberg  est  un  château  bâti  par  l'Electeur  Palatin  Jean-Guillaume 
dans  le  duché  de  Berg,  à  quelques  lieues  de  Cologne. 

(2)  Le  pavillon  de  Falkenlust  est  reproduit  dans  l'œuvre  de  Cuvilliés  gravé 
par  les  soins  de  son  fils  en  1770.  Plan  général  de  Falquenloust,  bâtie  par 
S.  A.  S.  E.  de  Cologne  dans  le  parc  de  Bruell,  surnommé  Augustenbourg, 
exécuté  sur  les  desseins  de  Cuvilliés  père  et  mis  au  jour  par  son  fils  en   1770. 

(3)  Falkenlust  était  consacré  à  la  chasse  au  faucon. 

(4)  «  Ce  tableau  est  des  plus  beaux  que  j'aie  vus,  écrit  avec  une  admiration 
naïve  l'auteur  d'un  Voyage  sur  le  Rhin  :  il  égale  à  mon  avis  ceux  de  Van 
Dyck  et  de  Rigaud;  fraîcheur  de  coloris,  expression,  vérité,  vigueur  du 
pinceau,  tout  y  est  léuni;  la  fumée  qui  sort  de  la  tasse  est  parfaitement 
rendue  ;  le  prince  semble  respirer  ;  il  ne  manque  â  ce  portrait  que  la 
parole...  >» 


58  l'art   français  sur  le  rhin 

l'un  décoré  de  laques  à  la  chinoise,  l'autre  de  glaces  avec 
des  consoles  supportant  des  porcelaines,  sont  dûs  à  un 
décorateur  parisien.  Dans  ce  pavillon  presque  intact 
qu'affectionnait  l'électeur,  plus  passionné  de  chasse  que 
de  dévotion^  il  n'y  a  rien  qui  ne  soit  français.  Dans  le 
bois  contigu  à  ce  petit  château^  on  voyait  une  chapelle  en 
coquillages,  de  forme  ronde,  dédiée  à  sainte  Marie  TEgyp- 
tienne  :  c'était  un  ouvrage  du  Français  Laporterie,  l'au- 
teur de  la  Grotte  de  Poppelsdorf. 

Clément-Auguste  avait  plusieurs  autres  rendez-vous  de 
chasse  :  en  Westphalie,  le  pavillon  de  Clemenswerth,  bâti 
par  Schlaun,  mais  dont  la  décoration  intérieure  fut  dirigée 
par  Michel  Leveilly;  près  de  Bonn,  le  vaste  château 
d'Herzogsf rende,  construit  aux  frais  de  l'électeur,  dans  le 
style  des  maisons  de  plaisance  de  J.-F.  Blondel,  par  Johann 
Heinrich  Roth  qui  avait  fait,  en  1751,  un  voyage  d'études 
à  Paris. 

Ainsi  nous  rencontrons  partout  des  traces  de  la  prédi- 
lection de  l'électeur  Clément-Auguste  pour  l'art  français. 
En  veut-on  d'autres  exemples?  Lorsqu'en  1742  il  voulut 
paraître  avec  toute  la  pompe  d'un  prince  de  l'Eglise  au 
couronnement  de  son  frère  Charles-Albert  de  Bavière,  qui 
venait  d'être  élu  empereur  par  la  Diète,  c'est  à  Lyon  qu'il 
fît  tisser  la  célèbre  Chapelle  Clémentine,  composée  de  cinq 
chapes  brodées  aux  armes  des  cinq  évêchés  dont  il  était 
titulaire  (1).  Il  fonde  une  manufacture  de  tapis  sur  le 
modèle  de  la  Savonnerie,  à  la  tête  de  laquelle  il  place 
le  tapissier  français  Duvarlet.  En  1749  c'est  à  l'orfèvre 
parisien  Roettiers  qu'il  commande  un  magnifique  surtout 
en  argent  représentant  une  chasse  au  cerf,  entouré  de 
quatre  flambeaux  en  forme  de  chênes  '2).  Ses  collections, 
qui  furent  dispersées  à  Paris  après  sa  mort,  le  10  décembre 

(1)  Cette  «  chapelle  »  fait  aujourd'hui  partie  du  trésor  de  la  cathédrale  de 
Cologne. 
(?)  Duc  DE  LuYNES.  Mémoires,  juillet  n49,  IX,  p.  14?, 


V.    ÉLECTORAT    DE    COLOGNE  % 

1764,  contenafent  un  grand  nombre  de  sculptures  et  de 
peintures  de  l'école  française  parmi  lesquelles  on  remar- 
quait huit  tableaux  de  chiens,  gibiers  et  équipages  de 
chasse  de  son  peintre  favori  Desportes. 

Cette  hégémonie  de  rartîfrançais  se  prolonge  dans  l'élec- 
torat  de  Cologne  jusqu'à  la  Révolution  et  même  au  delà. 
En  1767,  le  chapitre  de  Saint-Géréonl^)  commande  à  un 
tapissier  d'Aubusson  :  Jean  Fourié,  une  tenture  de  l'/T/s/oiVe 
de  Joseph  qui  orne  encore  aujourd'hui  le  chœur  de  la 
vieille  église.  Ce  même  Fourié  avait  exécuté  précédem- 
ment, en  1765,  des  tapisseries  pour  l'hôtel  d'un  patricien 
colonais,  le  baron  Geyr  von  Schweppenburg  :  elles  sont 
conservées  aujourd'hui  au  musée  d'art  industriel  {Kunst- 
gewerbemuseum)  de  Cologne.  C'est  la  preuve  que  les  tapis- 
series d^Aubusson   étaient  très  recherchées  en  Allemagne. 

En  1786,  sous  le  dernier  des  électeurs  de  Cologne,  Maxi- 
milien,  Tarchitecte  Peyre,  recommandé  sans  doute  par 
l'électeur  de  Trêves,  est  chargé  de  composer  un  projet  pour 
la  chapelle  du  château  de  Bonn. 

Ce  qui  est  intéressant  à  noter,  c'est  qu'un  contre-courant 
tend  à  s'établir.  En  échange  de  nos  artistes,  Cologne  nous 
envoie  les  siens  :  le  charmant  peintre  et  dessinateur  An- 
toine de  Peters,  un  des  meilleurs  élèves  de  Greuze  (2)  ;  plus 
tard  les  architectes  Gau  et  Hittorf  qui  se  firent  l'un  et 
l'autre  naturaliser  Français  (3).  Peu  de  Parisiens  se  dou- 
tent que  nous  devons  à  ces  deux  architectes  rhénans  Sainte- 
Clotilde  et  Saint-Vincent  de  Paul,  la  gare  du  Nord  et  l'ar- 
rangement actuel  de  la  place  de  la  Concorde. 

Le    sculpteur  Jean-Jacques    Flatters  (4),    né    à    Crefeld 

(1)  RATaoENs.  Die    Kunstdenkmâler    der  Stadt  Kôln.   Diisseldorf,     1911, 
t.  VII  des  Kunstdenkmâler  der  Rheinprovinz,  p.  70. 

(2)  FoRTLAGE.  Anton  de  Peters. E'm  Côlner  Maler  des  xviiite-  Jahrhunderts» 
Strasbourg,  1910. 

(3)  Merlo.  Kôlnische  Kunstler,  2*  éd.  Dusseldorf,  1895. 

(4)  R.  EscHOLiER.    Un  sculpteur   rhénan  jpére  d'un   héros     français.    (Le 
Figaro,  10  sept.  192?.) 


60  l'art    français   sur    le     RHIN 

en  1784,  fut,  grâce  à  la  protection  de  Napoléon,  admis 
en  1806  dans  l'atelier  de  Houdon  et  se  fixa  à  Paris, 
où  il  mourut  en  i845;  c'est  le  père  du  colonel  Flatters 
qui  devait  tomber  glorieusement  au  service  de  la 
France. 

De  tous  ces  faits,  comment  ne  pas  conclure  avec  l'his- 
torien allemand  Renard,  dont  nous  avons  déjà  si  souvent 
évoqué  le  témoignage,  que  l'électorat  de  Cologne  a  été, 
pendant  plus  d'un  siècle,  une  province  de  l'art  français  ? 
Bonn,  confessc-t-il  en  propres  termes,  était  alors  une  colo- 
nie d'artistes  français  :  Bonn  war  damais  eine  Kolonie 
franzôsischer  Kunsiler . 


* 
*      * 


Ne  faut-il  pas  élargir  et  généraliser  cette  conclusion 
partielle?  Ce  qui  est  vrai  de  Bonn  peut  s'appliquer  pareil- 
lement à  Coblence,  à  Mayence,  à  Mannheim.  Ce  n'est  pas 
seulement  l'électorat  de  Cologne,  c'est  toute  la  Rhénanie 
qui  a  été,  au  xviii*^  siècle,  une  colonie  de  l'art  français. 

Ne  craignons  pas  de  répéter  cette  vérité  trop  méconnue, 
d'abord  parce  que  c'est  la  vérité  historique  et  ensuite  parce 
qu'elle  est  tout  à  l'honneur  delà  France.  Depuis  Louis  XIV 
jusqu'à  Napoléon,  la  capitale  artistique  de  la  Rhénanie  n'est 
ni  Berlin,  ni  Munich,  mais  Paris.  C'est  vers  Paris  et  Ver- 
sailles que  regardent  tous  ces  petits  princes  rhénans  que  la 
Révolution  allait  balayer  ;  c'est  à  l'Académie  royale  d'ar- 
chitecture qu'ils  demandent  conseil  dans  les  cas  difficiles 
et  il  est  rare  qu'ils  ne  s'inclinent  pas  devant  ses  arrêts  ; 
c'est  à  des  artistes  et  à  des  artisans  français  qu'ils  confient 
le  soin  de  construire  et  de  décorer  leurs  résidences. 

Les  voyageurs  qui  descendent  le  Rhin  ne  sont  guère 
sensibles  qu'à  la  poésie  romantique  qui  se  dégage  des 
«  dômes  »  et  des  «  burgs  »  en  ruines  :  ils  ne  se  rendent  pas 


V.    ÉLECTORÀT  DE   COLOGNE  6l 

compte  que  ce  pittoresque  médiéval  n'est  pas  toujours  de 
très  bon  aloi,  que  les  imposantes  cathédrales  de  Worms, 
de  Spire,  de  Cologne  sont  en  grande  partie  modernes  et 
que  beaucoup  de  repaires  de  burgravés  sont  moins  véné- 
rables qu'ils  n'en  ont  l'air.  S'ils  savaient  se  dégager  des 
admirations  traditionnelles,  qui  sont  parfois  convention- 
nelles, ils  découvriraient  avec  surprise  que  ce  Rhin 
légendaire  est  jalonné  de  monuments  souvent  gran- 
dioses ou  charmants  de  l'art  français  du  xviii*'  siècle. 
Robert  de  Cotte,  Boffrand,  Jacques-François  Blondel, 
Peyre  et  leurs  élèves  ont  égrené  le  long  du  fleuve  des 
répliques  de  Versailles,  de  Marly  et  de  Trianon.  A 
Strasbourg,  le  palais  Rohan  se  tapit  au  pied  de  la  cathé- 
drale en  grès  rose.  A  sa  suite  défilent  les  palais  électoraux 
de  Mannheim,  de  Coblence,  et  de  Bonn,  Brûhl  et  son  escalier 
rococo,  Benrath  et  son  ordonnance  de  pur  style  Louis  XVI, 
tout  un  siècle  d'architecture  française.  Victor  Hugo  avait 
encore  plus  raison  qu'il  ne  le  pensait  lorsqu'il  écrivait  en 
1842  :  Le  Rhin  est  beaucoup  plus  français  que  ne  le 
pensent  les  Allemands. 

L'art  français  ne  s'arrête  pas  d'ailleurs  à  la  barrière  du 
Rhin.  Les  cours  de  Stuttgart  et  de  Munich,  de  Cassel  et  de 
Berlin  sont  aussi  francisées  que  les  cours  rhénanes  de 
Mannheim,  deMayence,  de  Coblence  ou  de  Bonn.  Le  pavil- 
lon à'Amalienburg,  près  de  Munich,  le  Sans-Souci  de 
Frédéric  II  témoignent  de  l'étendue  de  ses  conquêtes.  Et 
plus  loin  encore  la  Pologne,  la  Russie  rendent  hommage  à 
la  supériorité  du  goût  français.  Au  point  de  vue  intellec- 
tuel et  artistique,  l'Europe  tout  entière  n'était  à  cette 
époque  qu'une  plus  grande  France. 

Certains  historiens  allemands,  désireux  de  réduire  la 
portée  de  ce  grand  fait  de  l'histoire  de  la  civilisation,  décla- 
rent que  cet  art  de  cour,  patronné  par  des  souverains  qui 
avaient  perdu  tout  sentiment  national,  n'a  exercé  qu'une 
action    superficielle   et  passagère  :  l'art  français  est  une 


62  l'art   français   sur  le   RHIN 

plante  étrangère  artificiellement  acclimatée  qui  n'aurait  pas 
su  pi-eiidre  racine  sur  les  rives  du  Rhin.  Si  l'Allemagne 
avait  connu  à  côté  de  cet  art  de  cour  importé  de  l'Occident 
un  art  national,  cette  objection  pourrait  avoir  quelque 
valeur.  Mais  où  est  cet  art  populaire  ?  La  vérité  est  que 
l'Allemagne  du  xviii"^  siècle  n'a  pas  comiu  d'autre  art  que 
l'art  français  et  que  cet  idéal  a  pénétré  très  profondément 
dans  la  nation,  l'arcliitecture  bourgeoise  imitant,  comme 
toujours,  l'architecture  princière.  Les  palais  électoraux 
construits  par  des  Français  sur  les  bords  du  Rhin  ont  servi 
de  modèles  aux  maisons  des  simples  bourgeois  comme  aux 
châteaux  et  aux  hôtels  des  grands  seigneurs.  Il  est  permis 
de  déplorer  cette  éclipse  de  l'art  allemamd.  Mais  il  n'est 
pas  possible  à  un  observateur  de  bonne  foi  de  contester 
ce  fait  surabondamment  démojitré. 

D'autre  part,  cette  iniluence  française  n'a  pas  été  si 
éphémère  qu'on  veut ibi en  le  prétendre.  Elle  ne  s'arrête  pas 
à  la  Révolution.  Bien  loin  de  là  :  vingt  ans  de  domination 
française  sous  la  Révolution  et  l'Empire  n'ont  fait  que  con- 
solider cette  pénétration.  Le  grand  poète  Henri  Heine,  né 
à  Dûsseldorf  sous  le  régime  français,  a  exprimé  plus 
d'une  fois  le  culte  des  Rhénans  pour  Napoléon.  Quand 
l'empereur  revint  de  l'île  d'Elbe,  les  cocardes  tricolores 
surgirent  par  milliers  à  Spire,  à  Mayence,  à  Trêves,  à  Aix- 
la-Chapelle.  «  Beaucoup  de  gens,  proteste  Stein  avec 
indignation,  montrent  une  joie  indécente.  »  Un  fonction- 
naire prussien  avouera  plus  tard  :  «  Il  n'y  a  plus  ici  un 
homme  qui  ne  remerciât  Dieu  à  genoux  si  le  pays  retour- 
nait sous  la  domination  française.  » 

Le  fatal  traité  de  i8i4  qui  livra  la  Rhénanie  à  la  Prusse 
a  faussé  pour  un  temps  l'histoire  de  ce  pays.  La  P;russe  a 
travaillé  à  détacher  la  Rhénanie  de  la  France,  à  l'orienter 
de  force  vers  Berlin.  Ce  n'est  pas  sans  peine  qu'elle  est 
parvenue  à  ses  fins.  Il  lui  a  fallu,  de  l'aveu  de  Guillaume  1*^% 
soixante-dix  ans  pour  effacer  les  souvenirs  de  vingt  ans  de 


V.   ÉLECTORAT    DE   COLOGNE  63 

domination  française  et  les  Rhénans  qui  n'ont  pas  oublié 
leur  passé  se  nomment  encore  aujourd'hui  Musspreussen, 
c'est-à-dire  Prussiens  malgré  eux. 

Il  s'agit  de  savoir  maintenant  si  cent  ans  de  domination 
prussienne  prévaudront  contre  des  siècles  de  culture  latine. 
Le  traité  de  Versailles  n'a  malheureusement  pas  annulé  les 
désastreux  effets  du  traitéde  Paris.  Mais  si  les  alliés  n'ont  pas 
su  expulser  la  Prusse  à  tout  jamais  du  territoire  de  la  rive 
gauche  du  Rhin,  il  nous  appartient  au  moins  de  raviver 
après  la  victoire  le  souvenir  de  cette  intime  collaboration 
entre  la  France  et  la  Rhénanie,  qui  est  dans  la  vraie  tradi- 
tion de  ce  pays.  L'exposition  d'art  français  organisée  en 
1921,  à  Wiesbaden,  et  pour  laquelle  la  grande-duchesse  de 
Luxembourg  avait  gracieusement  prêté  son  palais  de  Bie- 
brich,  est  l'heureux  prélude  de  cette  politique  de  rappro- 
chement intellectuel  et  artistique  qui  ne  peut  être  que 
féconde.  Il  importe  de  persévérer  dans  cette  voie  et  de 
démontrer  à  la  Rhénanie,  trop  longtemps  condamnée  à 
servir  de  glacis  à  la  forteresse  prussienne,  qu'il  serait  à  la 
fois  plus  noble,  plus  avantageux  et  plus  conforme  à  sa 
mission  historique  de  redevenir  un  trait  d'union  entre  deux 
grandes  civilisations. 


DOCUMENTS 


I.  Alsace 


I.  Palais  de  Saverne  et  de  Strasbourg 

1.   —    DOCUMENTS  SUR    ROBERT   DE  COTTE 
Wleaghels  au  duc  d'Antini^l 

Rome,  13  novembre  1727. 

M.  le  Cardinal  de  Rohan  ayant  choisi  le  sieur  de  Gourlade,  fils  de  son 
maître  d'hôtel,  qui  est  pensionnaire  du  Roy,  pour  conduire  le  palais 
qu'il  va  faire  construire  à  Strasbourg  sur  les  desseins  de  M.  de  Cotte, 
il  m'a  prié  de  demander  son  congé  à  Votre  Grandeur. 


Le  cardinal  de  Rohan  à  R.  de  Cotte. 


A  Versailles,  le  23  juillet  1728. 

Vous  trouverez  cy-joints,  M.,  des  plans  que  M.  Carbonnet  m'a  adressés 
pour  vous  remettre  avec  une  lettre  de  lui  qui  les  accompagne;  il  s'agit 
de  masquer  ce  grand  vilain  mur  près  mon  cabinet  nouveau  qui  était 
caché  cy-devant  par  la  glacière.  Je  ne  vous  suggéreray  rien,  je  n'ap- 
puieray  point  sur  le  plan  de  M.  Carbonnet;  je  m'abandonne  à  vos 
lumières  avec  la  confiance  d'un  homme  qui  vous  est,  M.,  bien  vérita- 
blement attaché. 


(1)  Correspondance  des  directeurs  de  l'Académie  de  France  à  Rome,  VII, 
p.  130. 


66  l'art  français  sur  le  rhin 


Le  cardinal  de  Rohan  à  R.  de  Cotte. 


Saverne,  ce  l"  octobre  (1730). 

Quand  j'ay  voulu  examiner,  mon  cher  Monsieur,  le  plan  que  vous 
avez  eu  la  bonté  de  faire  pour  le  pavillon  des  bains  à  la  place  de  la 
grille  auprès  de  la  glacière,  il  m'a  paru  que  l'avance  où  est  la  cage  de 
l'escalier  et  qui  prend  sur  l'allée  qui  est  en  face  de  mon  cabinet 
produirait  un  effet  peu  agréable  et  que  dans  l'espace  de  dix  toises  que 
donne  la  largeur  de  l'allée  et  de  la  terrasse  en  y  ajoutant  si  on  voulait 
quelques  pieds  de  chaque  côté,  on  pourrait  exécuter  ce  que  nous  avions 
projette.  J'ay  engagé  le  S'  Chevalier,  venu  en  ce  pays-cy  muny  de 
votre  recommandation,  à  entrer  dans  mon  objet  en  suivant  votre  plan 
ou  pour  mieux  dire  les  idées  que  nous  avions  eues  en  formant  ce  plan. 
Il  a  déféré  à  mes  désirs  sur  ce  que  je  lui  ay  dit  que  mon  intention 
était  de  vous  renvoyer  le  tout.  M.  Carbonnet  de  son  côté,  dès  que  votre 
nom  a  été  mis  en  jeu,  n'a  rien  trouvé  de  difficile. 

Je  vous  envoyé  donc  led.  plan.  Vous  avez  conservé  copie  du  vôtre. 
Je  vous  supplie  d'examiner  le  nouveau,  de  voir  si  les  proportions  y  sont 
gardées,  si  le  perron  est  bien,  etc.  La  distribution  me  plait  assez,  à 
une  chose  près  qui  est  de  mettre  les  eaux  à  droite  à  cause  du  réservoir 
et  par  conséquent  Tescalier  à  gauche.  M.  Carbonnet  joint  au  projet  du 
S""  Chevalier  le  plan  du  lieu  coté.  Quand  vous  aurez  donné  votre  coup 
d'oeil,  je  seray  plein  de  confiance. 

Saverne  devient  magnifique.  Le  salon  faisant  façade  à  ceux  qui 
arrivent  de  Strasbourg  fait  un  bel  ornement.  Il  m'a  paru  un  peu  lourd. 
Les  pilastres  ont  trois  pieds  selon  votre  premier  plan  ;  ils  n'en  ont  que 
deux  et  demy  selon  un  autre  plan  qui  vous  a  été  envoyé  par  M.  Car- 
bonnet et  que  vous  luy  avez  renvoyé  avec  approbation,  dit-il,  à  la 
balustrade  près.  Les  d.  pilastres  sont  cotés  trois  pieds  :  c'est  chose  faite. 
Je  ne  vous  en  parle  qu'excité  par  un  peu  de  curiosité. 

Mandez-nous  comment  vous  vous  portez,  M.,  et  conservez  un  peu 
d'amitié  pour  qui  peut  vous  dire  avec  vérité  qu'il  en  a  beaucoup  pour 
vous. 


(1)  Cf.  les  Souvenirs  du  marquis  de  Valfons.  Paris,  1860.  «  Je  soupais  sou- 
vent chez  M.  le  cardinal  de  Rohan  qui  avait  un  étal  de  souverain  et  où  toute 
la  province  se  rassemblait.  » 


DOCUMENTS  67 


Copie  des  tableaux  faits  pour  Son  Éminence 
Monseigneur  le  Cardinal  de  Rouen  (sic)  (i) 

Le  premier  tableau  en  ovale  d'après  La  Fosse  représente  Hercule 
entre  la  Vertu  et  la  Volupté. 

Le  second  d'après  Coypel  représente  Psiché  et  l'Amour  qui  fuit. 

Le  troisième  représente  Alceste  qui  est  reconnue  par  son  mary  au 
sortir  des  Enfers,  d'après  Coypel. 

Le  quatrième  représente  Psiché  tenant  une  lampe  qui  vient  voir 
l'Amour  endormy  (2). 

Tous  ces  tableaux  sont  en  ovale. 


Le  Prince  Frédéric  de  La    Tour  d' Auvergne  (3) 
à  B,  de  Cotte 


Strasbourg,  0  avril  4728. 

J'ay  reçu,  M.,  la  lettre  que  vous  m'avez  fait  l'amitié  de  m'écrire  avec 
le  plan  pour  nos  tribunes;  je  ne  sçaurais  trop  vous  témoigner  ma 
reconnaissance  de  toutes  les  bontés  que  vous  avez.  Nous  exécuterons 
incessamment  les  deux  tribunes.  Pour  ce  qui  est  de  l'allongement  du 
chœur,  cela  ne  sera  pas  sitôt  fait. 

M.  le  Maréchal  du  Bourg  m'a  chargé  de  vous  faire  mille  et  mille 
compliments.  Il  a  voulu  voir  les  plans  que  vous  m'avez  envoyés  et 
comme  vous  savez  que  sa  folie  est  d'être  architecte,  il  prétend  que 
vous  avez  trop  échancré  la  partie  du  chœur  qui  s'allonge  vers  la  nef  et 
qu'ainsy  cela  ne  donnera  guère  plus  de  place  pour  les  jours  de  céré- 
monies où  le  chœur  est  rempli.  Je  luy  ay  fait  voir  son  ignorance  en  luy 
faisant  remarquer  :  l»  que  sa  forme  en  était  plus  gracieuse  et  qu'outre 


(1)  Cette  orthographe  fantaisiste  est  conforme  à  la  prononciation  da  temps. 
On  disait  Rouan  pour  Rohan,  Nouailles  pour  Noailles. 

(2)  Ce  quatrième  tableau  était  également  d'après  Coypel. 

(3)  Le  prince  Henry  Oswald  de  La  Tour  d'Auvergne,  archevêque  de  Vienne, 
était  grand  doyen  du  chapitre  de  Strasbourg.  C'est  ce  prélat  qui,  devenu 
cardinal,  commanda  en  1740  à  Michel- Ange  Slodtz  le  magnifique  tombeau  de 
son  prédécesseur  au  siège  de  Vienne,  l'archevêque  de  Montmorin. 


68  l'art    français    sur   le   RHIN 

cela  elle  était  nécessaire  pour  laisser  le  passage  à  la  descente  qui  va  à 
une  chapelle  sous  le  chœur  où  on  va  le  vendredy  saint. 

J'envoyay,  M.,  il  y  a  huit  ou  dix  jours  à  un  nommé  M.  du  Maupin  les 
mesures  justes  et  exactes  des  trois  cheminées  de  marbre  pour  mettre 
dans  le  Doyenné  et  il  a  dû  vous  les  porter  comme  nous  en  étions 
convenus  et  vous  prier  en  même  tems  de  vouloir  bien  les  ordonner  et 
en  faire  les  marchés.  Je  lui  marquay  que  dans  le  moment  que  je  sçau- 
rais  ce  qu'il  faut,  j'enverrais  l'argent  pour  les  payer  :  c'est  de  l'argent 
du  Chapitre  et  il  est  tout  prêt. 

Je  vous  renouvelle  encore,  M.,  mes  remerciemens  de  toutes  les 
peines  que  nous  vous  donnons  et  de  toutes  vos  bontés  que  je  n'ou- 
blieray  de  ma  vie.  Le  Chapitre  etmoy  seraient  trop  heureux  de  trouver 
les  occasions  de  vous  en  témoigner  la  vive  reconnaissance  que  nous  en 
avons.  Je  vous  prie  d'en  être  bien  persuadé  et  de  croire  que  vous  n'avez 
point  de  serviteur  qui  vous  soit  plus  attaché  quemoy  et  qui  vous  honore, 
M.,  plus  parfaitement  que  je  fais. 

Le  Prince  Frédéric  d'Auvergne. 


Marché  pour  trois  cheminées   au  doyenné  de  Strasbourg 

Jay  (sic)  soussigné  Antoine  Gisquay,  maître  marbrier  demeurant  rue 
de  Verneuil  à  Paris,  promets  à  Monseigneur  le  prince  Frédéric  faire  et 
parfaire  pour  Son  Altesse  les  trois  cheminées  de  marbre  pour  son  hôtel 
de  Strasbourg  suivant  les  desseins  de  Monsieur  de  Cotte,  Intendant  et 
premier  architecte  des  Bâtimens  du  Roy. 

Sçavoir  la  cheminée  du  Sallon  de  marbre  de  Serencolin  de  4  pi.  1/2 
dans  œuvre  et  de  3  pi.  8  po.  sur  la  tablette  ornée  d'architecture  avec 
des  consoles  sur  les  angles  et  tablette  chantournée  avec  le  foyer  tout 
d'une  pièce  appliqué  sur  une  pierre  de  liais  pour  la  somme  de  quatre 
cent  cinquante  francs,  cy 450  1. 

Plus  un  chambranle  de  marbre  de  griotte  pour  la  cheminée  de  la 
chambre  à  coucher  de  3  pi.  1/2  dans  œuvre.  4  pi.  4  po.  hors  œuvre  et 
3  pi.  4  po.  sur  la  tablette  ornée  [d'architecture  et  sculpture,  la  tablette 
chantournée  et  le  foyer  tout  d'une  pièce  appliqué  sur  une  pierre  de 
hais  pour  la  somme  de  trois  cent  cinquante  livres,  cy    .     .     .        350  l. 

Plus  la  cheminée  du  cabinet  de  marbre  de  vert  de  Campan,  de  3  pi.  4  /2 
dans  œuvre,  4  pi.  4  po.  hors  œuvre,  3  pi.  4  po.  sur  la  tablette  ornée 
d'architecture  et  sculpture,  la  tablette  chantournée  et  le  foyer  d'une 


DOCUMENTS  69 

seule  pièce  appliqué  sur  une  pierre  de  liais  pour  la  somme  de  trois  cent 
cinquante  livres. 

Toutes  lesquelles  sommes  se  montent  ensemble  à  onze  cent  cin- 
quante livres,  cy 1.150  1. 

Lesquels  ouvrages  je  promets  livrer  à  la  fin  du  mois  de  juillet  de  la 
présente  année. 

Fait  double  à  Paris  le  lei*  mai  1728. 

GlSQUAY. 


Le  Prince  Frédéric  d'Auvergne  à  R.  de  Colle 


Strasbourg,  le  12  may  1728. 

J'ay  reçu  hier,  M.,  la  lettre  que  vous  avez  eu  la  bonté  de  m'écrire 
avec  les  marchés  des  cheminées  de  marbre  du  Doyenne.  Je  ne  sçaurais 
trop  vous  remercier  de  toutes  les  peines  que  vous  voulez  bien  prendre, 
mais  je  vous  avoue  que  je  suis  très  embarrassé  et  en  voicy  la  raison. 

J'ay  cru  lorsque  je  vous  en  parlay  à  Paris  que  vous  m'aviez  dit  que 
cela  ne  monterait  qu'à  cinq  ou  six  cents  francs.  Je  Tay  dit  de  même  au 
Chapitre  en  arrivant,  de  sorte  que  je  n'oserais  aujourdhuy  lui  montrer 
le  Mémoire  qui  monte  à  onze  cent  cinquante  livres  :  car  vous  sçavez 
que  Monsieur  Chapitre  est  un  animal  singulier. 

S'il  était  possible  de  les  faire  d'un  marbre  moins  cher,  cela  m'épar- 
gnerait deux  cens  écus  que  je  serais  obligé  de  tirer  de  ma  poche  pour 
le  surplus.  Si  cependant  les  choses  étaient  trop  avancées,  il  faudra  y 
passer  et  je  ne  vous  en  auray  pas  moins  d'obligation  de  toutes  vos 
bontés. 


Mémoire  pour  M.  de  Colle  au  sujel  de  rhô  Ici  du 
Grand  Dot/en  de  Strasbourg 

On  est  embarrassé  de  savoir  si  on  relèvera  le  terrain  du  jardin  à  la 
hauteur  que  M.  de  Cotte  avait  réglée  ou  si  on  ne  le  haussera  point  pour 
les  raisons  déduites  dans  le  Mémoire  cy-joint. 


70  L  ART   FRANÇAIS   SUR  LE   RHIN 

M.  l'Archevêque  de  Vienne  proposerait  pour  concilier  la  difficulté 
par  rapport  aux  caves  qu'on  élevât  le  jardin  en  face  du  Salon  jusqu'à 
la  rue  Brûlée,  à  la  hauteur  du  Salon  à  la  réserve  d'une  couple  de 
marches  afin  que  des  fenêtres  du  Salon  où  l'on  se  tiendra  presque 
toujours  on  ne  se  casse  pas  le  nez  contre  le  mur...  et  que  dans  les  deux 
parties  restantes  du  jardin  à  droite  et  à  gauche  on  plantât  contre  le 
mur  de  la  rue  Brûlée  des  petits  bosquets  pour  cacher  l'irrégularité  du 
mur  ;  et  qu'on  imaginât  dans  les  parties  restantes  à  droite  et  à  gauche 
quelques  petits  parterres  gracieux  dans  lesquels  on  descendrait  par  des 
marches  de  gazon. 


Le  comte  de  Hanaii  à  R.  de  Coite 

A  Bouxviller,  le  l"  juillet  1728. 

M.,  je  n'aurais  pas  différé  si  longtemps  à  vous  rendre  grâce  des  plans 
que  vous  m'avez  fait  remettre  pour  la  maison  que  je  songe  à  faire  bâtir 
dans  la  ville  de  Strasbourg,  si  je  n'avais  pas  attendu  le  départ  de 
M.  l'abbé  de  Chavanne  pour  les  renvoyer.  Je  les  ai  trouvés  tous  trois 
d'un  grand  goût  ;  mais  comme  il  y  a  de  la  difficulté  à  acquérir  la 
maison  voisine  et  que  j'ai  vu  par  la  belle  distribution  que  vous  avez 
donnée  à  tous  trois  que  je  trouvais  assés  de  logement  sur  mon  terrain 
propre,  je  me  suis  déterminé  pour  le  plus  petit. 

Vos  projets  m'ont  même  fait  naître  l'idée  de  pouvoir  aussi  à  celui-ci 
faire  l'entrée  de  la  maison  au  milieu  et  rendre  par  là  la  façade  du  côté 
de  la  place  de  même  que  celle  du  côté  de  la  rue  plus  grande  et  mettre 
tout  le  bâtiment  sous  un  même  toit.  J'ai  fait  faire  dans  ce  goût-là  deux 
différents  desseins  que  je  prens  la  liberté  de  vous  joindre  à  ces  mots 
avec  le  petit  plan,  vous  suppliant  de  vouloir  les  examiner  et  de  me  dire 
ce  que  vous  en  pensez.  Je  soumets  toute  la  décision  entièrement  à  vos 
lumières.  M.  l'abbé  de  Chavanne  quia  bien  voulu  se  charger  du  paquet, 
vous  expliquera  le  reste  de  bouche  sur  ce  que  nous  avons  raisonné 
ensemble. 

Je  suis.  M.,  tout  confus  de  ce  que  je  vous  importune  encore  une 
fois  ;  mais  la  manière  obligeante  avec  laquelle  vous  en  avez  usé  jusqu'ici 
me  fait  espérer  que  vous  me  ferez  le  plaisir  de  mettre  encore  la  der- 
nière main  à  cet  ouvrage  et  d'être  persuadé  de  la  passion  ardente  avec 
laquelle  j'ay  l'honneur  d'être,  M., 

Votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur, 
Le  comte  de  Hanau. 


DOCUMENTS  7I 

Le  comte  de  Hanau  à  /?.  de  Cotte 

A  Philippsruhe,  le  28e  de  juin  1729. 

M.,  Il  y  a  longtemps  que  je  me  serais  donné  l'honneur  de  vous  écrire 
pour  vous  remercier  des  beaux  plans  que  vous  vous  êtes  donné  la 
peine  de  dresser  l'année  passée,  si  la  crainte  de  vous  interrompre 
dans  vos  occupations  ne  m'en  avait  pas  empêché.  Bien  loin  d'avoir 
oublié  les  obligations  que  je  vous  en  ai,  je  songe  depuis  longtemps  à 
m'en  acquitter  en  quelque  manière.  C'est  dans  cette  intention  que 
M.  de  Berckheim  aura  l'honneur  de  vous  présenter  de  ma  part  une 
cassette  remplie  de  plusieurs  pièces  de  porcelaine  fine  de  la  fabrique 
de  Dresde,  laquelle  quoique  n'égalant  point  le  prix  d'un  aussi  bel 
ouvrage  quel  est  le  vôtre,  je  vous  prie  d'agréer  comme  une  petite  mar- 
que de  la  reconnaissance  qui  m'en  demeure. 

Au  reste.  M.,  ai-je  différé  l'exécution  du  dessein  que  j'avais  formé  de 
bâtir  un  nouvel  hôtel  à  Strasbourg  à  cause  de  l'issue  peu  favorable 
d'un  procès  d'importance  dont  j'avais  destiné  le  provenu  pour  l'entre- 
prise de  ce  bâtiment. 


Le  Chevalier  à  R.  de  Cotte  (^) 

Strasbourg,  28  8'"-e  i730. 

M.,  Sur  la  permission  que  vous  avez  eu  la  bonté  de  me  donner,  j'ay 
l'honneur  de  vous  rendre  compte  de  la  conduite  que  j'ay  tenue  depuis 
que  je  suis  arrivé  icy. 

M.  de  Brou  (2),  duquel  j'ay  entièrement  la  protection  et  qui  prétend 
d'une  façon  ou  d'autre  contribuer  à  ma  fortune,  a  eu  la  bonté  de  me 
présenter  luy-même  à  tous  les  principaux  de  la  ville  ;  après  quoy  il  m'a 
procuré  le  prince  de  Birkenfeld  pour  luy  faire  les  projets  d'un  hôtel 
sur  un  terrain  à  luy  appartenant  situé  sur  le  quay  que  l'on  appelle  Bir- 
kenfeld vis-à-vis  de  l'Intendance.  Ce  terrain  est  très  irrégulier;  cepen- 
dant j'y  ai  fait  tant  d'attention  que  je  suis  parvenu  à  faire  un  plan  qui 
a  plu  au  prince,  à  la  princesse  et  tous  les  seigneurs  qui  l'ont  vu.  Cet 

(1)  Cette  lettre  a  été  reproduite  par  A.  Hallays  :  A  travers  V Alsace,  p.  267. 

(2)  Paul-Esprit  Feydeau  de  Brou,  intendant  d'Alsace,  termina  sa  carrière 
en  1761  comme  garde  des  Sceaux.  Il  mourut  Tannée  suivante  en  1762.  Son 
tombeau,  sculpté  par  Vassé,  fut  exposé  au  Salon  de  1771. 


72  l'art   français   sur   le   RHIN 

ouvrage  m'a  attiré  une  certaine  confiance  de  leur  part  qui  les  a  engagés 
de  m'arrêter  icy. 

Après  ce  projet  j'en  ai  fait  pour  M.  le  presteur  sur  deux  terrains  dif- 
férents desquels  j'attends  de  luy  le  choix  de  Tun  ou  de  l'autre  pour 
l'exécution. 

M.  de  Brou  a  eu  la  bonté  de  me  mener  à  Saverne  et  m'a  fait  l'hon- 
neur de  me  présenter  à  Monseigneur  le  Cardinal.  Je  luy  montrai  les 
plans  du  prince  de  Birkenfeld  desquels  il  fut  très  content.  Il  engagea 
M.  l'abbé  de  Chavanne  à  me  faire  voir  en  détail  son  palais  dans  lequel 
je  trouvai  de  si  belles  choses,  intérieur  et  extérieur,  que  je  demandai  à 
Son  Altesse  la  permission  de  revenir  pour  en  conserver  un  plus  ample 
ressouvenir.  Je  retournai  un  second  voyage  avec  M.  de  Brou.  Son 
Altesse  me  fit  voir  un  projet  de  vous  pour  le  pavillon  de  ses  bains  ;  son 
intention  était  que  ce  pavillon  ne  fût  que  de  la  largeur  de  l'allée.  Elle 
m'engagea  jointement  avec  M.  de  Brou  d'en  faire  un  projet  suivant  ses 
intentions.  Je  le  fis  dans  son  serre-papier  par  obéissance  et  non  pour 
vous  déplaire,  ne  croyant  pas  même  que  Son  Altesse  s'arrêtât  en  aucune 
façon  à  ce  projet.  J'ai  été  très  surpris  quand  Elle  m'a  fait  l'honneur  de 
me  dire  qu'Elle  vous  l'avait  envoyé.  Je  prendray  la  correction  que  vous 
voudrez  bien  prendre  la  peine  de  faire  sur  ce  plan  comme  une  marque 
de  bonté  de  votre  part  à  laquelle  je  me  feray  honneur  de  me  conformer, 
ayant  une  vénération  parfaite  pour  tout  ce  qui  viendra  de  vous  et  pour 
principal  but  l'ambition  de  faire  exécuter  quelques-uns  de  vos  projets 
et  vous  en  rendre  un  exact  et  fidèle  compte. 

Son  Altesse  m'a  remis  vos  plans  pour  son  Palais  Eptscopal  lesquels 
j'étudie  tous  les  jours  pour  lors  de  l'exécution  être  en  état  de  les  faire 
construire  aussy  parfaitement  qu'ils  le  méritent. 

M.  le  comte  de  Hanau  allait  faire  exécuter  un  plan  que  M.  Perdigué, 
second  ingénieur,  luy  avait  fait.  Tous  ces  seigneurs  s'y  sont  charitable- 
ment opposés  et  Mgr  le  Cardinal  dit  en  pleine  compagnie  et  devant  l'in- 
génieur que  ce  plan  n'avait  ni  rime  ni  raison,  que  s'il  le  faisait  exécuter, 
il  y  ferait  descendre  la  police.  Il  eut  en  même  temps  la  bonté  et  M.  le 
maréchal  de  me  présenter  à  M.  le  comte  pour  lequel  je  vais  faire 
bâtir  ;  mais  il  n'est  point  encore  déterminé  sur  le  plan  ;  je  le  mettray 
toujours  dans  le  bon  chemin. 

Monseigneur  l'Archevêque  de  Vienne  m'a  donné  ordre  de  faire  un 
plan  pour  allonger  à  ses  frais,  du  consentement  des  chanoines,  le  chœur 
de  la  cathédrale.  Le  S»  Saussardm'a  remis  un  plan  de  vous  qui  ne  peut 
s'exécuter,  ne  vous  ayant  pas  envoyé  le  plan  de  l'église.  Les  escaliers 
viennent  directement  donner  dans  un  pilier  et  boucher  la  porte  de  la 
sacristie,  comme  il  se  voit  par  le  plan  cy-joint  (1).  J'ay  fait  faire  en 

(1)  A  la  fin  de  la  lettre  est  dessiné,  en  effet,  un  croquis  de  rallongement  du 
chœur. 


DOCUMENTS  ^3 

planches  rallongement  du  chœur,  les  marches  et  les  autels  comme  ils 
sont  marqués  sur  votre  plan...  Mgr  le  Cardinal  qui  doit  officier  le  jour 
de  la  Toussaint  en  verra  mieux  l'effet  que  sur  le  plan.  Si  ces  messieurs 
veulent  augmenter  ou  diminuer  sur  ce  projet,  je  leur  laisseray  faire 
par  qui  bon  leur  semblera. 

Si  vous  voulez,  M.,  contribuer  à  ma  fortune,  vous  obligerez  un 
homme  d'honneur  qui  sera  toute  sa  vie  reconnaissant.  Vous  n'avez  qu'à 
prendre  la  peine  d'écrire  :  Je  connais  Chevalier;  c'est  un  bon  sujet. 
M.  de  Brou  va  à  Paris  qui  vous  en  marquera  sa  reconnaissance. 


Massol  à  R.  de  Cotte 

Strasbourg,  ce  26  ^^^'^  1731. 

M.,  L'espérance  où  j'étais  de  partir  de  Strasbourg  environ  le  quinze 
de  ce  mois  comme  on  s'y  attendait  est  cause  que  j'ai  négligé  d'avoir 
l'honneur  de  vous  écrire  pour  vous  assurer  de  mes  très  humbles  res- 
pects et  pour  vous  informer  de  ce  qui  se  passe  au  Palais  Episcopal. 

Toute  la  démolition  est  faite,  en  sorte  qu'il  y  a  suffisamment  de  la 
place  pour  bâtir  le  principal  corps  de  logis  du  côté  de  l'eau.  On  finit 
actuellement  à  ôter  les  décombres  que  je  fais  reprendre  dans  la  super- 
ficie de  la  cour  pour  l'élever.  Une  enceinte  de  planches  que  j'ai  fait 
faire  ferme  le  passage  public  du  quay  et  nous  laisse  la  liberté  de  tra- 
vailler sans  estre  interrompu  de  personne. 

Le  port  sur  le  quay  vis-à-vis  de  l'évêché  par  sa  situation  était  presque 
inaccessible  pour  l'arrivée  des  bateaux  qui  doivent  nous  apporter  les 
matériaux  tant  par  sa  hauteur  que  parce  que  les  bateaux  ne  pouvaient 
pas  aborder  au  pied  du  mur  de  quay.  J'ay  fait  planter  des  petits  pieux 
sur  lesquels  j'ai  fait  faire  un  plancher  de  trois  toises  de  large  avant 
dans  la  rivière  et  de  quatorze  toises  de  long  —  de  manière  que  tous  les 
bateaux  pourront  aborder  et^décharger  avec  facilité  en  tout  temps.  Vous 
jugez  bien,  M.,  que  je  n'ai  rien  fait  de  tout  cela  qu'avec  ordre  de  M.  le 
maréchal  du  Bourg  à  qui  S.  A.  E.  a  donné  pouvoir  de  décider  toute 
chose  qui  regarde  le  bâtiment  du  palais  :  cela  me  sera  d'autant  plus 
commode  que  les  difficultés  imprévues  seront  levées  en  même  temps 
qui  seront  arrivées. 

J'ai  fait  fouiller  un  trou  sur  l'emplacement  du  mur  de  face  du  côté  de 
l'eau  pour  connaître  la  situation  du  terrain  avant  de  commencer  à  bâtir 


74  L*ART    FRANÇAIS    SUR    LE  RHIN 

ainsy  que  vous  me  l'avez  ordonné.  A  huit  pieds  de  profondeur,  je  me 
trouve  15  pouces  dans  l'eau  et  sur  la  terre  glaise  :  il  faut  que  j'équipe 
un  corps  de  chapelet  pour  tirer  l'eau  à  mesure  qu'on  y  travaillera. 

J'ai  fait  faire  aussi  un  engard  {sic)  de  3  toises  de  large  et  8  toises  et 
demi  de  long  pour  mettre  à  couvert  les  tailleurs  de  pierre  qui  travaille- 
ront l'architeclure. 

M.  le  grand  maître  de  S.  A.  E.  est  venu  voir  aujourd'hui  l'évéché  ;  il 
a  trouvé  que  tout  était  bien  entendu  et  en  bon  ordre. 

M.  Carbonnet  doit  partir  la  semaine  prochaine. 

Le  marché  du  moellon  et  de  la  pierre  de  taille  de  Soulce  est  fait  avec 
le  S"^  Ponse,  entrepreneur  de  fortification...  Nous  sommes  après  à  rece- 
voir les  soumissions  des  entrepreneurs  pour  la  maçonnerie  qui  regarde 
la  main  d'œuvre  seulement. 


2.  -  DOCUMENTS  SUR  ROBERT  LE  LORRAIN 

Lettre  de  J.-B.  Lemoyne  à  Vabbé  Le  Lorrain, 
fils  du  sculpteur  (i) 

Paris,  48  juillet  1748. 

Que  nous  sommes  malheureux  de  ne  point  jouir  des  chefs-d'œuvre 
de  ce  savant  artiste!  Nous  y  verrions  ce  que  peut  un  habile  maître  à 
l'abri  de  toute  inquiétude,  caressé,  encouragé  par  un  grand  qui  lui 
donne  toute  sa  confiance  et  la  liberté  de  faire  et  refaire  des  projets  jus- 
qu'à ce  qu'il  soit  content,  tout  occupé  d'immortaliser  son  nom  sans 
penser  que  le  prix  de  l'ouvrage  ne  le  récompensera  pas  et  que  sa 
famille  sera  dans  la  disgrâce  s'il  y  emploie  plus  d'un  certain  tems. 
M.  Le  Lorrain,  en  travaillant  pour  le  magnifique  et  grand  cardinal  de 
Rohan  à  son  palais  de  Saverne,  était  comme  dans  un  lieu  enchanté,  en 
pleine  liberté  d'esprit,  non  pour  s'y  amollir,  mais  pour  donner  par  une 
étude  assidue  toute  la  force,  l'enthousiasme  et  la  réflexion  que  lui  sug- 
géraient ses  heureux  talens  pour  les  bas-reliefs  et  figures  demi-ronde- 
bosse.  Dans  la  composition  de  ceux  qu'il  a  exécutés  dans  ce  palais,  il 
fait  voir  de  belles  masses  de  lumières  et  d'ombres,  un  dessein  pur  et 
bien  rendu  pour  le  caractère  de  chaque  âge,  des  attitudes  nobles  et 
parlantes,  beaucoup  d'expression  dans  les  têtes,  un  drappé  grand..., 
une  touche  franche  aux  grouppes  des  premiers  plans  et  vague  sur  les 

(1)  Bibliothèque  de  l'Ecole  des  Beaux-Arts. 


DOCUMENTS  75 

fonds  pour  exprimer  la  distance  d'un  objet  à  l'autre  en  suppléant  à  la 
monotonie  de  couleur  (défaut  inséparable  des  matières  qu'emploie  le 
sculpteur)  par  une  idée  intelligente  de  la  perspective  aérienne. 

L'hommage  que  je  rends  à  M.  Le  Lorrain  sur  ses  ouvrages  de  Saverne 
est  fondé  sur  le  témoignage  d'habiles  artistes  qui  les  ont  vus  et  de  plu- 
sieurs personnes  de  distinction  qui  ne  cessent  d'en  faire  des  éloges  :  il 
ny  a  qu'un  cri  sur  ce  sujet  dans  toute  V Alsace.  J'ai  eu  l'avantage  d'en 
voir  les  desseins  qui  sont  d'une  grande  beauté. 


Gougenot.   Vie  de  M,  Le  Lorrain,   sculpteur  (1761). 

Le  Cardinal  de  Rohan  le  choisit  pour  embellir  son  palais  de  Saverne 
conjointement  avec  W^  Anguier,  Goyzevox  (1)  et  Champagne.  Mais  la 
partie  la  plus  éminenle  lui  fut  dévolue  :  il  eut  à  lui  seul  la  décoration 
du  grand  salon  à  colonnes  qu'on  nomme  le  salon  de  la  Reine.  Il  y  fit 
quatre  groupes  de  ronde-bosse  sur  les  corniches,  quatre  bas-reliefs  sur 
les  portes  et  quatre  médaillons  avec  des  trophées. 

Il  fut  chargé  ensuite  de  faire  la  sculpture  qui  décore  l'extérieur  du 
palais  épiscopal  de  Strasbourg.  Il  ne  put  cependant  terminer  entière- 
ment la  décoration  de  ce  palais  ;  une  attaque  d'apoplexie  dont  il  fut 
surpris  en  ^738  l'en  empêcha.  Un  autre  statuaire  l'a  achevée  sur  ses 
modèles  ;  mais  la  différence  du  cizeau  n'est  que  trop  sensible. 


Catalogue  des  ouvrages  de  M.  Le  Lorrain  à  Saverne  et  à 
Strasbourg  par  son  fils  l'abbé  Le  Lorrain,  docteur  en 
Sorbonne  (2). 

Au  château  de  Saverne 

Dans  le  salon  de  quarante  trois  pieds  de  hauteur  voûté  en  dôme  et 
décoré  de  colonnes  d'ordre  corinthien. 

Sur  l'entablement,  quatre  Vertus  plus  grandes  que  nature,  représen- 
tées par  la  Vérité,  la  Religion,  la  Charité  et  laVigilance,  Elles  sont 
accompagnées  de  leurs  génies,  soutenant  des  draperies. 

(1)  Gougenot  fait  erreur,  Les  travaux  de  Coyzevox,  à  Saverne,  datent  des 
années  1667  à  1671  :  ils  sont  donc  antérieurs  au  cardinal  de  Rohan.  Ils  avaient 
été  commandés  par  son  prédécesseur  le  cardinal  François  Egon  de  Furs- 
tenberg. 

(2)  Cette  liste  est  reproduite  à  la  suite  de  la  Vie  de  Le  Lorrain,  par  Gouge- 
not. Le  manuscrit  est  conservé  à  la  bibliothèque  de  l'Ecole  des  Beaux* Arts. 


^6  l'art   français   sur   le  RHIN 

Sur  le  même  entablement,  au-dessus  des  fenêtres,  un  groupe  d'en- 
fants représentant  des  génies,  badinant  avec  des  trophées  de  guerre. 

Aux  quatre  pendentifs  du  même  salon,  les  quatre  vertus  cardinales  : 
la  Prudence,  la  Justice,  la  Force,  la  Tempérance.  Chacune  de  ces  Vertus 
est  accompagnée  de  trois  à  quatre  génies. 

Quatre  bas-reliefs  en  dessus  de  porte  de  cinq  pieds  sur  quatre. 

Le  premier  représente  Apollon  poursuivant  Daphné  avec  le  fleuve 
Pénée. 

Le  deuxième  Mercure  qui  apporte  la  lyre  à  Apollon  pendant  qu'il 
garde  le  troupeau  d'Admète. 

Le  troisième  Midas  jugeant  entre  Apollon  et  Pan. 

Le  quatrième  le  supplice  de  Marsyas. 

Un  autre  bas-relief  en  dessus  de  porte,  représentant  deux  enfants 
ornés  de  trophées  de  guerre. 

Aux  clefs  des  fenêtres  quatre  têtes  représentant  les  Quatre  saisons 
avec  leurs  attributs. 

A  droite  et  à  gauche  du  perron  qui  descend  au  jardin,  deux  sphinx 
plus  grands  que  nature,  l'un  coëfféà  la  grecque  et  l'autre  à  l'allemande. 

Tous  les  ouvrages  de  sculpture  de  ce  château  ont  été  finis  en  1723. 


Au  palais  épiscopal  de  Strasbourg 

Sur  la  façade  de  la  principale  entrée,  aux  clefs  des  arcades  des  fenêtres 
seize  têtes  de  prophètes  et  de  prophétesses  de  trois  pieds  de  hauteur. 

Sur  l'entablement  à  trente-deux  pieds  de  hauteur,  deux  figures  de 
huit  pieds  et  demi  de  proportion,  l'une  représentant  la  Beligion  et 
l'autre  la  Clémence^  chacune  avec  ses  attributs. 

Sur  les  côtés  du  même  entablement  sont  quatre  groupes  d'enfants  de 
cinq  pieds  de  proportion,  deux  desquels  ont  rapport  à  la  Religion  et  k\ï[ 
Clémence  et  les  deux  autres  au  Cardinalat.  Ils  sont  accompagnés  de 
deux  cassolettes. 

Aux  clefs  des  fenêtres,  sur  le  fond  de  la  cour,  neuf  têtes  coëffées  à  la 
grecque  et  à  la  romaine. 

Sur  la  corniche  du  fronton,  deux  figures  de  huit  pieds  neuf  pouces 
représentant  l'une  la  Force,  l'autre  la  Prudence. 

Au  fronton  de  la  chapelle,  deux  anges  en  adoration  au  pied  d'une 
croix,  exécutés  d'après  les  modèles  faits  par  M.  Le  Lorrain. 

A  un  autre  fronton,  une  Charité  et  ses  attributs,  exécutés  pareille- 
ment d'après  ses  modèles. 

A  d'autres  frontons,  les  armes  du  Roi,  celles  de  l'Évêché  et  des  tro- 
phées. 

Les  ouvrages  de  ce  palais,  qui  sont  entièrement  de  la  main  de  M.  Le 
Lorrain,  étaient  tous  finis  en  1737. 


t)OCUMBNTS  5? 


DESCRIPTION  DES  OUVRAGES  DE  SCULPTURE 

Que  feu  M.  Le  Lorrain,  professeur  de  l'Académie  Royale  de  Peinture  et  de 
Sculpture,  a  fait  pendant  plusieurs  années  au  Château  de  Saverne,  finis  en 
1723  et  au  Palais  Épiscopal  de  Strasbourg,  en  1735,  36  et  37  :  ouvrages 
dignes  d'être  admirés  et  d'honorer  la  mémoire  de  ce  grand  homme  (1). 


Au  Château  de  Saverne 

Dans  le  salon  à  colonnes,  d'ordre  corinthien,  voûté  en  dôme  de 
42  pieds  de  hauteur  ; 

Sur  l'entablement,  sont  quatre  Vertus,  plus  grandes  que  nature, 
représentées  par  La  Vérité,  La  Religion,  La  Charité  et  La  Vigilance^ 
accompagnées  de  leurs  génies,  et  attributs.  Soutenant  des  drapperies. 

Sur  ledit  entablement  au-dessus  des  fenêtres,  un  grouppe  d'enfants, 
représentant  des  génies  badinant  avec  des  trophées  de  guerre. 

Aux  quatre  panaches  (sic) (2),  les  quatre  Vertus  cardinales,  La  Pru- 
dence, La  Justice,  La  Force  et  La  Tempérance,  demie  ronde  bosse, 
chacune  accompagnée  de  trois  et  quatre  génies,  dont  les  caractères 
sont  au-dessus  de  toutes  expressions. 

Quatre  dessus  de  porte,  basreliefs  traités  avec  grand  art  de  î)  pieds 
sur  4.  Le  premier  représente  Apollon  qui  poursuit  Daphnée,  laquelle 
implore  le  secours  du  fleuve  Pénée  au  moment  de  sa  métamorphose. 

Le  second,  Mercure  quiaportelalire  à  Apollon,  gardant  les  troupeaux 
d'Admète. 

Le  troisième,  le  roy  Midas,  jugeant  le  différend  entre  Apollon  et 
Pan. 

Et  le  quatrième,  le  satire  Marsias  écorché  vif  par  Apollon. 

Un  autre  dessus  de  porte,  basrelief  représentant  deux  enfans  ornés  des 
trophées  de  guerre. 

Aux  clefs  des  fenêtres  sont  quatre  têtes  qui  représentent  les  quatre 
saisons  avec  leurs  attributs. 

A  droite  et  à  gauche  du  perron  qui  descend  au  jardin,  deux  sphinx 
plus  grandes  que  nature,  très  estimées,  l'une  coiffée  à  la  Grecque  et 
l'autre  à  l'Allemande. 


(1)  Archives  départementales  du  Bas-Rhin.  G.  2.262.  Nous  devons  la  copie 
de  ce  document  qui  n'a  été  publié  que  partiellement  dans  les  Mémoires 
inédits  sur  la  vie  et  les  ouvrages  des  membres  de  l'Académie  Royale  de 
peinture  et  de  sculpture  à  l'amabilité  de  M.  Eckel. 

(2)  Pendentifs. 


78  l'art  français  sur  le   RHIN 


Au  Palais  Épiscopal  de  Strasbourg 

Sur  la  façade  de  la  principale  entrée,  aux  clefs  des  arcades  des  fenê- 
tres, sont  des  têtes  de  prophètes  et  prophétesses  :  Moyse  dans  le  carac- 
tère duquel  on  voit  un  grand  et  profond  législateur  :  David  repentant 
de  son  crime;  Isaïe,  Jérémie,  Baruch,  Daniel,  Ézéchiel,  Élie,  tous  avec 
des  caractères  qui  expriment  parfaitement  l'esprit  dont  ils  étaient  ani- 
més. Aaron,  Josué,  le  Pharisien,  Anne  fille  de  Phanuël,  Marie  sœur  de 
Moyse,  une  jeune  juive,  Judith  triomphante  d'avoir  couppé  la  tête  à 
Holoferne;  et  Hélène,  mère  de  l'empereur  Constantin,  celle  qui  fit  bâtir 
le  temple  du  Saint-Sépulchre. 

Sur  l'entablement  et  directement  à  plomb  des  colonnes  de  la  princi- 
pale porte  d'entrée  :  deux  figures  drappées  de  8  pieds  1/2  de  proportion, 
d'une  grande  beauté,  posées  à  32  pieds  de  hauteur  non  compris  les 
figures  ;  à  droite  c'est  la  Religion  demi-assise  sur  un  crouppe  de  nuée, 
voilée  de  sa  drapperie,  la  tête  et  le  bras  droit  vers  le  ciel,  qu'elle 
regarde  avec  ardeur.  Embrassant  à  sa  gauche  une  croix,  du  même 
côté  est  un  enfant  qui  montre  le  livre  de  l'Évangile. 

A  gauche,  c'est  la  Clémence  demi  assise  sur  un  lion,  la  tête  et  les 
yeux  un  peu  baissés,  ses  cheveux  liés  avec  une  boucle  relevée  par 
derrière,  tenant  un  dard  de  sa  main  gauche,  appuyée  sur  ses  genoux, 
et  la  droite  posée  sur  la  tête  du  lion,  la  férocité  duquel  paraît  être 
adoucie  par  un  enfant,  qui  de  la  main  gauche  luy  tient  la  crinière  et 
présente  la  droite  à  la  Clémence,  en  se  regardant  mutuellement  l'un  et 
l'autre. 

A  la  droite  de  la  Religion  sur  les  piédestaux  de  la  balustrade  à  30  pieds 
de  hauteur. 

1°  Un  grouppe  composé  de  deux  enfans  de  5  pieds  sous  un  palmier, 
dont  un  tient  le  calice  et  l'autre  est  à  genoux,  tenant  une  main  sur  sa 
poitrine,  en  adoration  ;  l'autre  main  s'appuie  contre  le  palmier,  a  côté 
duquel  est  un  bénitier  et  un  livre. 

2°  Une  cassolette  d'un  très  beau  goût  antique,  ovale  de  3  pieds  sur  2. 

50  Un  autre  grouppe  de  trois  enfans  sous  un  palmier,  dont  un  se 
coiffe  d'un  grand  chapeau  de  cardinal,  pendant  que  les  deux  autres 
s'efforcent  à  soutenir  une  drapperie  qui  tient  audit  palmier  dans  lequel 
est  une  croix. 

A  la  gauche  de  la  Clémence  sur  les  piédestaux  de  la  balustrade  à  la 
susdite  hauteur  de  30  pieds. 

1°  Un  grouppe  de  deux  enfans  de  5  pieds  de  proportion  sous  un  pal- 
mier entrelassé  d'un  grenadier,  représentant  l'amitié  par  leur  carac- 
tères, on  voit  une  mutuelle  correspondance  d'affection  et  encore  par  des 
présens  que  l'un  offre  à  l'autre,  comme  pour  le  secourir  dans  la  disgrâce. 


DOCUMENTS  79 

2"  Une  cassolette  antique  semblable  à  la  précédente. 

3°  Un  grouppe  composé  de  trois  enfans  sous  'un  palmier.  L'un  tient 
une  mître  pendant  que  les  deux  autres  ingénieusement  gardent  la 
crosse  et  l'épée  adossés  audit  palmier. 

Dans  le  tympan  du  fronton  circulaire  du  pavillon  à  la  droite  du  palais. 
La  Charité  vêtue  d'une  drapperie  tenant  un  cœur  de  sa  main  gauche, 
et  de  la  droite  un  enfant  qui  tette  pendant  qu'un  autre  suce  son  propre 
doigt.  (Exécuté  par  Les.  Paulé,  d'après  le  modèle  de  M.  Le  Lorrain.) 

Aux  clefs  des  neuf  fenêtres  sur  la  façade  du  fond  de  la  cour  sont  des 
têtes  d'hommes  et  de  femmes  parfaitement  bien  caractérisés  de  diverses 
coëffures,  grecques  et  romaines. 

Sur  le  tympan  du  fronton  triangulaire  sur  l'avant  corps  de  la  susdite 
face,  sont  les  armes  du  roy  ornées  de  trophées  d'armes,  et  de  deux 
enfans,  l'un  sert  de  suport  au  cartel,  et  l'autre  de  Renommée  sonnant 
la  trompette. 

Sur  la  corniche  dudit  fronton  deux  figures  de  8  pieds  3/4  de  propor- 
tion à  demi  couchées,  l'une  représentant  la  Force,  tenant  un  faisceau 
d'armes,  et  l'autre  la  Prudence,  par  le  miroir  et  le  serpent. 

Au  fronton  de  la  façade  côté  de  la  rivière  les  armes  de  l'évèché  supor- 
tées  par  deux  lions. 

Sur  l'entablement  circulaire  du  frontispice  de  la  chapelle  côté  de  la 
rivière,  deux  anges  en  adoration  de  8  pieds  3/4  de  proportion,  demi 
drappés  posés  à  40  pieds  de  hauteur,  à  genoux  au  pied  d'une  croix 
placée  au  milieu  d'eux,  l'un  a  les  mains  jointes,  la  tête  et  les  yeux  vers 
le  haut  de  la  croix,  extrêmement  pénétré  de  l'amour  de  son  Dieu.  L'autre 
la  main  gauche  sur  sa  poitrine,  le  corps,  la  tête  et  les  yeux  modeste- 
ment baissés  montrant  de  la  main  droite  la  croix  aux  passans,  comme 
pour  les  faire  souvenir  de  ce  grand  et  profond  mistère.  (Faits  de  stuc 
d'après  le  modèle  de  M.  Le  Lorrain  et  actuellement  se  font  en  cuivre 
battu,  au  marteau,  par  Jean  Hougler  le  fils,  chaudronnier  de  la  ville  de 
Strasbourg.) 


80  l'art  FRANÇAis   SUR   LE    RHIN 

II.  Incendie  de  la   cathédrale  de  Strasbourg 

L'architecte  de  la  Guêpiers  (i)  au  marquis  de  Marigny 

A  Stuttgart,  le  31  juillet  1759. 

M.,  L'accueil  gracieux  qu'il  vous  a  plu  me  faire  lorsque  j'ai  eu  l'hon- 
neur de  vous  assurer  de  mon  profond  respect  à  Paris  semble  authoriser 
l'envie  que  j'ai  de  vous  supplier  de  m'accorder  votre  protection  dans 
un  ouvrage  que  la  proximité  du  pais  où  je  suis  me  permettrait  de  faire. 
Si  vous  daigniez,  M.,  écrire  en  ma  faveur  au  Prince  Constantin,  évêque 
de  Strasbourg,  en  luy  remettant  une  lettre  de  votre  part,  je  ne  doute 
point  qu'elle  ne  produise  tout  l'effet  que  j'en  attends. 

La  principale  église  de  Strasbourg,  M.,  vient  d'être  endommagée  d'un 
singulier  coup  de  tonnerre  qui  a  mis  le  feu  au  comble  ;  tout  est  brûlé, 
la  voûte  du  cœur  {sic)  est  tombée,  a  écrasé  le  maître-autel  ;  il  n'y  a 
pour  ainsi  dire  que  la  belle  tour  de  respectée.  J'y  vois  une  reconstruc- 
tion, sans  être  totale,  qui  mérite  quelque  considération  pour  un  artiste 
qui  cherche  les  occasions  de  se  distinguer  et  surtout  pour  un  bon  Fran- 
çais qui  a  le  chagrin  de  ne  pas  servir  sa  patrie.  Je  vous  devrai,  M.,  ce 
bonheur,  si  je  puis  sous  vos  auspices  obtenir  de  ce  Prince  Evêque  de 
travailler  au  projet  du  rétablissement  de  cette  église  que  je  ne  ferais 
sûrement  qu'en  employant,  s'il  m'est  possible,  ce  vrai  goût  que  vous 
flattez  si  bien.  J'ose  dire  que  je  me  ferais  fort  d'y  réussir  si  vous  me 
permettiez,  M.,  d'écouter  vos  conseils. 


Le  marquis  de  Marigny  à  la  Guêpière 

Versailles,  le  29  août  1759. 

J'ay  reçu.  M.,  votre  lettre  du  31  du  mois  de  juillet  dernier  au  sujet  du 
singulier  coup  de  tonnerre  tombé  sur  la  principale  église  de  Strasbourg 
qui  a  mis  le  comble  en  feu,  fait  tomber  la  voûte  du  chœur  et  dont  la 
chute  a  écrasé  le  maitre-autel.  Je  ne  suis  point  surpris  que  le  rétablis- 

(1)  Arch.  Nat.  0*  1909.  —  Pierre-Louis-Philippe  de  la  Guêpière,  élève  de 
J.  F.  Blondel,  était  depuis  1752  l'architecte  du  duc  de  Wurtemberg. 


DOCUMENTS  Si 

sèment  de  cet  édifice  ait  excité  en  vous  le  désir  d'en  être  chargé  :  c'est 
une  reconstruction  à  faire  honneur  à  vos  talents.  Mais  je  ne  puis  écrire 
à  M.  le  Prince  Constantin  pour  vous  procurer  cet  ouvrage.  Voyez  à 
employer  les  recommandations  que  vous  avez  à  la  Cour  de  Stuttgart 
auprès  de  ce  Prince  ;  tâchez  qu'on  l'engage  à  m'écrire  pour  sçavoir 
mon  sentiment  sur  vos  lumières  et  vos  talents.  Je  vous  promets  que 
vous  serez  content  des  témoignages  que  je  luy  rendrai  de  votre 
capacité. 


III.  Plans  de  Blondel  pour  la  ville  de  Strasbourg 

Cours  d'Architecture,  t.  iv.  Paris  1773 

«  Le  Magistrat  de  Strasbourg  ayant  conçu  le  dessein  de  faire  construire 
plusieurs  corps  de  casernes  pour  contenir  la  garnison  de  cette  ville, 
ainsi  qu'une  Place  d'Armes  et  de  nouvelles  communications  pour  rendre 
le  défilé  des  troupes  plus  commode,  sans  nuire  à  la  circulation  des 
habitants,  demanda  à  la  Cour  un  architecte  expérimenté  qui  pût  se 
transporter  sur  les  lieux,  à  dessein  d'y  faire  lever  un  plan  exact,  de 
projeter  sur  ce  plan  les  bâtiments  à  faire  pour  le  service  du  Roi  et  en 
même  temps  de  désigner  les  emplacements  les  plus  convenables  pour 
élever  dans  la  suite  un  Sénat,  une  place  propre  à  contenir  la  statue 
pédestre  du  Prince,  une  salle  de  spectacle,  des  marchés,  des  halles,  etc.. 
Nous  eûmes  l'honneur  d'être  choisi  pour  ces  différentes  opérations... 

«  De  retour  à  Paris,  nous  présentâmes  (un  second  projet)  à  M.  le  duc 
de  Choiseul  qui,  après  l'avoir  examiné,  nous  excita  à  entrer  dans  des 
vues  moins  économiques,  nous  laissant  entrevoir  que  cette  vaste  entre- 
prise était  l'ouvrage  du  temps,  que  par  cette  raison,  il  ne  fallait  rien 
épargner  pour  produire  un  plan  digne  du  règne  sous  lequel  nous 
vivions.  Échauffé  par  les  idées  élevées  que  nous  communiqua  ce 
ministre  éclairé,  nous  fîmes  un  troisième  projet  qui  reçut  son  appro- 
bation et  à  l'occasion  duquel  nous  retournâmes  à  Strasbourg  pour  le 
soumettre  au  Magistrat.  Ce  dernier  ouvrage,  beaucoup  plus  important 
que  les  précédents,  fut  sujet  à  plusieurs  contestations  :  nous  fîmes  de 
nouveaux  efforts  pour  parvenir  à  concilier  les  idées  de  grandeur  pui- 
sées à  Versailles  et  celles  d'économie  qui  nous  furent  recommandées  à 
Strasbourg  :  en  sorte  qu'après  avoir  passé  cinq  mois  de  suite  dans  cette 
ville,  nous  eûmes  la  satisfaction  d'obtenir  l'approbation  unanime  de 


Sa  l'art  français  sur  le  rhin 

l'État-Major,  de  la  Noblesse,  du  Clergé  et  de  la  Bourgeoisie,  tous  égale- 
ment intéressés  aux  nouveaux  alignements  prescrits,  aux  acquisitions 
à  faire,  en  argent  ou  par  échange...  Ce  plan  et  les  projets  auxquels  il 
avait  donné  lieu  furent  présentés  de  nouveau  à  M.  le  duc  de  Choiseul  ; 
nous  les  lui  offrîmes  à  Marly  avec  M.  le  Maréchal  de  Contades,  com- 
mandant de  Strasbourg  et  avec  iM.  Gayot,  Prêteur  Royal  de  cette  ville  ; 
enfin  l'automne  suivant,  le  2  octobre  1768,  nous  eûmes  l'honneur  de 
les  présenter  à  Sa  Majesté  qui  en  approuva  l'exécution.  » 

Blondel  décrit  ensuite  la  route  que  les  étrangers  parcourent  lors- 
qu'ils traversent  la  ville,  de  la  porte  de  Saverne  â  la  porte  des  Bou- 
chers. 

<(  La  Place  d'Armes  (1)  est  aujourd'hui  une  des  principales  beautés  de 
la  ville  de  Strasbourg.  Sa  forme,  quoique  irrégulière  ne  laisse  pas  de 
produire  un  bon  effet;  et  sa  décoration  dans  un  genre  simple  deviendra 
intéressante  lorsque,  dans  la  suite,  chaque  particulier  qui  a  des  mai- 
sons hur  cette  place,  se  sera  assujetti  à  suivre  la  même  ordonnance 
dans  les  façades.  En  attendant  cette  époque,  nous  avons  planté  une 
allée  d'arbres  dans  son  pourtour  qui,  en  masquant  pour  ainsi  dire  la 
disparité  actuelle  de  ses  bâtiments,  procure  de  l'ombre  aux  troupes, 
lorsqu'elles  viennent  y  faire  l'exercice  et  monter  la  parade... 

«Malheureusement  l'exécution  est  presque  toujours  négligée  loin  des 
yeux  de  l'ordonnateur...  C'est  ce  qui  nous  arrive  à  Strasbourg,  l'éloi- 
gnement  du  lieu  de  notre  capitale  s'opposant  à  former  dans  celte  ville 
des  artistes  en  second  qui  puissent  rendre  avec  intelligence  les  mesures, 
les  rapports,  les  profils  et  le  goût  de  l'architecture  qui  leur  sont 
confiés... 

u  A  l'égard  de  la  Place  Royale  (2),  nous  n'avons  pu  raisonnablement  la 
faire  plus  vaste  ;  il  faut  se  ressouvenir  qu'il  s'agit  ici  d'une  ville  de 
guerre...  Cette  place,  au  milieu  de  laquelle  doit  s'élever  la  statue  du 
Prince,  a  pour  fond  la  façade  du  Sénat  et  la  statue  se  trouvera  précisé- 
ment en  face  du  portail  de  la  Cathédrale...  Cette  place  est  aussi  destinée 
pour  un  marché,  de  manière  que  la  représentation,  du  héros  se  trouvera 
placée  au  milieu  de  l'abondance,  en  face  du  temple  de  Thémis  et  vis-à- 
vis  celui  de  la  Religion... 

«  Pour  faire  juger  de  l'importance  et  de  l'utilité  des  changements  pro- 
posés pour  Strasbourg,  nous  ferons  remarquer  que  dans  cette  seule 
partie  de  la  ville,  il  n'est  point  ou  presque  point  de  carrefour  que  nous 
n'ayons  converti  en  place,  point  de  rues  que  nous  n'ayons  alignées,  de 
manière  à  former  dans  la  suite  des  communications  beaucoup  plus 
régulières  qu'elles  ne  l'étaient  précédemment.  » 


(1)  Place  Kleber. 

(2)  Place  Gaienberg. 


DOCUMENTS  83 


II.   Electorat  Palatin 


Noie  des  ouvrages  que  le  Chevalier  de  Marolles  a  exéculé 
dans  différentes  Cours  d* Allemagne  (U 


Le  Chevalier  de  Marolles,  élève  de  feu  M.  Blondel  et  ensuite  du  feu 
Chev.  de  Servandony,  célèbres  architectes. 

A  fait  les  fêtes  du  Duc  régnant  de  Vurtemberg  à  Stuttgardt  de  1763  et 
1704  conjointement  avec  feu  Servandony. 

En  mars  1764  j'ai  fait  les  fêtes  du  couronnement  de  l'Empereur 
régnant  à  Francfort. 

Ensuite  je  suis  revenu  à  la  cour  de  Mannheim  où  S.  A.  S.  l'Electeur 
Palatin  m'a  chargé  de  lui  faire  le  projet  d'un  nouveau  château  et  embel- 
lissement du  parc  de  Schwetzingen. 

En  1765  je  fus  appelle  du  Roy  de  Prusse.  Ce  monarque  savant  m'a 
chargé  de  lui  embellir  son  château  et  parc  de  Sans  Soucy.  Ce  digne 
monarque  m'a  comblé  d'honneur  et  de  satisfactions. 


Nicolas  de  Pigage  au  comte  [d'Angiviller  (2) 


Mannheim,  16  mars  1778. 

Il  offre  au  comte  d'Angiviller,  Directeur  des  Bâtiments,  un  exem- 
plaire de  son  ouvrage  sur  la  Galerie  Electorale  des  tableaux  de  Diissel- 
dorf  a  que  j'ai  composé,  écrit-il,  dans  mes  loisirs  et  par  goût  particu- 
lier pour  le  bel  art  de  la  Peinture,  qui  a  tant  de  liaison  avec  celui  de 
l'Architecture  que  je  professe  ». 


(1)  Arch.  Nat.  0»  1913,  1-32. 

(2)  Arch.  Nat.  0»  1914. 


84  l'art  français   sur   le   RHIN 


Le  comte  d'Angiviller  à  M.  de  Pigage^  premier  architecte 
de  S.  A.  El.  Palatine 


Versailles,  8  avril  1778. 

Cette  célèbre  gallerie  et  les  morceaux  précieux  qu'elle  renferme 
méritaient  une  description  aussi  bien  faite  et  aussi  intéressante,  tant 
par  les  gravures  charmantes  qui  l'accompagnent  que  par  le  discours 
qui  sert  à  leur  explication.  Tous  ceux  qui  n'ont  pu  voir  cette  magnifique 
collection  vous  seront  bien  obligés  de  l'idée  qu'ils  peuvent  en  prendre 
au  moyen  de  votre  ouvrage  et  ceux  qui  l'ont  déjà  vue  vous  devront 
aussi  le  plaisir  qu'ils  ressentiront  à  se  rappeler  tant  de  sublimes  mor- 
ceaux. 


Journal  de  Wille 

45  février  1760.  M.  Hin,  peintre  du  duc  régnant  de  Deux  Ponts  et  mon 
ancien  ami,  étant  arrivé  avec  S.  A.  S.  me  vint  voir  tout  de  suite.  J'en 
étais  ravi.  Nous  nous  sommes  embrassés  de  bon  cœur  comme  de 
raison. 

Le  16.  Monseigneur  le  duc  de  Deux-Ponts  me  fit  l'honneur  de  me 
visiter  et  S.  A.  S.  resta  plus  d'une  heure  et  demie  avec  moi.  Nous  rai- 
sonnâmes continuellement  et  presque  toujours  sur  les  arts  dont  il  est 
grand  amateur  et  connaisseur. 

le'  mars  1760.  Monseigneur  le  duc  de  Deux-Ponts  vint  chez  moi  et 
peu  après  nous  montâmes  en  carrosse  et  je  le  menai  chez  M.  Rémi  pour 
voir  un  tableau  du  Poussin  qu'il  acheta  pour  cent  louis.  C'était  une 
Adoration  des  Bergers.  Ce  tableau  sera  transporté  à  Manheim  pour 
être  mis  dans  le  fameux  cabinet  de  l'Electeur  Palatin. 

Le  \6  mars.  M.  Meyer,  jeune  peintre,  a  pris  congé  de  nous  pour  aller 
avec  les  équipages  du  duc  de  Deux-Ponts  à  Deux-Ponts,  Monseigneur  le 
duc  l'ayant  engagé  pour  cela  en  lui  donnant  une  petite  pension.  C'est 
M.  Hin,  son  ancien  maître,  lorsqu'ils  étaient  encore  à  Strasbourg,  qui 
lui  a  procuré  cette  petite  fortune. 

28  octobre  1765.  Meyer,  jeune  peintre,  est  de  retour  de  chez  le  duc  de 
Deux-Ponts  où  il  a  été  plusieurs  années  ;  il  a  quitté  le  Prince. 


DOCUMENTS  85 


Livret  du  Salon  de  1781 

Au  10  septembre  jusqu'à  la  fin  du  même  mois,  on  verra  dans  l'ate- 
lier de  M.  Monnot  Cour  du  Louvre  deux  figures  en  marbre  de  grandeur 
naturelle.  C'est  le  moment  où  Psiché  vient  voir  l'Amour. 

Ces  figures  sont  destinées  à  orner  le  lit  de  Son  Altesse  Sérénissime 
M.  le  Prince  de  Deux-Ponts. 


Le  Prince  de  Deux-Ponts  au  comte  d'Angiviller  (i) 


Paris,  15  novembre  1784. 

Monsieur  le  Comte,  Le  S""  Pietz,  porteur  de  cette  lettre,  est  un  jeune 
peintre  au  service  de  mon  frère  Duc  Régnant  des  Deux  Ponts,  qui  va  à 
Rome  pour  se  perfectionner  dans  son  art.  J'ose  vous  supplier.  Monsieur 
le  Comte,  de  vouloir  bien  lui  accorder  vos  bontés  et  protection,  pour  lui 
en  faciliter  les  moyens. 


L  ART  FRANÇAIS  SUR   LE    RHIN 


III.    Electorat  de  Mayence 


I.  Description  de  La  Favorite  en   1789  (1) 

La  Favorite  doit  ce  nom  à  l'Électeur  Lothaire -François  de  Schôn- 
born  ;  il  en  faisait  son  principal  amusement  dans  l'été. 

Ce  que  je  trouve  de  plus  beau  dans  ces  Champs-Elysées  de  Mayence, 
c'est  la  situation.  L'Électeur  qui  règne  actuellement  y  a  fait  bâtir  une 
retraite  pour  sa  personne  seule,  qui  par  conséquent  n'est  pas  très  grande. 

Le  jardin  n'a  rien  qui  mérite  une  attention  particulière;  on  pourrait 
cependant  tout  faire  sur  un  terrain  si  beau  et  si  avantageusement 
situé...  11  est  environné  d'une  grille  de  fer  qui,  par  sa  légèreté,  ne 
cache  ni  la  vue  de  la  ville  ni  celle  du  Rhin  ;  il  est  orné  de  statues,  de 
vases  et  de  bancs  qui,  quoique  du  siècle  passé  et  d'une  faible  et  mau- 
vaise exécution,  forment  pourtant,  par  leur  blai;icheur,  un  contraste 
agréable  avec  le  verd  des  arbres. 

Au  milieu  des  bosquets  on  trouve  un  pavillon  uniquement  destiné  au 
jeu  et  aux  concerts  :  ce  n'est  qu'une  seule  pièce  sans  vue.  Un  peu  plus 
loin,  le  jardin  s'élève  des  bords  du  Rhin  en  plusieurs  terrasses  déco- 
rées de  fontaines  et  de  statues,  et  couvertes  des  fleurs  les  plus  agréa- 
bles et  de  superbes  orangers. 

Lorsqu'on  les  a  toutes  montées  on  découvre  l'édifice  principal  qui  de 
chaque  côté  a  trois  petits  pavillons  un  peu  éloignés  les  uns  des  autres. 
Ils  ont  un  défaut  :  c'est  d'ôter  au  grand  bâtiment,  à  droite,  la  vue  des 
montagnes  de  Darmstadt,  à  gauche  de  la  ville  et  des  campagnes  riantes 
de  Wisbade...  Aussi  ces  sept  bâtiments  d'une  forme  peu  moderne  n'of- 
frent pas  un  coup  d'oeil  agréable  et  n'annoncent  aucune  commodité.  Il 
vaudrait  mieux,  à  la  place  de  tous  ces  pavillons  mesquins  et  irrégu- 
liers, élever  sur  la  partie  la  plus  haute  du  jardin  un  seul  corps  de  bâti- 
ment avec  deux  ailes,  dans  le  genre  de  la  Prévôté,  qui  aurait  sa  façade 
sur  le  Rhin  et  d'où  l'on  jouirait  d'une  aussi  belle  vue  qu'à  Mayence 
même...  On  verrait  sous  ses  pieds  rouler  majestueusement  le  Rhin  et 
le  Mein  qui  lui  apporte  son  onde  argentée,  les  riches  campagnes  de 
Hochheim,  Wisbade,  une  partie  du  Rhingau.  Enfin  les  montagnes  et 
les  forêts  qui  s'étendent  jusqu'à  Francfort  termineraient  ce  brillant 
horizon. 

(I)  G.  Lang.  Reisc  auf  dem  Rhein,   1789.  Adaptation  en  français  intitulée 
Voyage  sur  le  Rhin  depuis  Mayence  Jusqu^d  Dusseldorf.  Mayence,  1808. 


DOCUMENTS  87 


II.    Hôtel  de  Tour  et  Taxis,  à  Francfort 

Mémoire  de  Robert  de  Cotte  pour  le  prince  de  Tour 
et  Taxis  (i) 


1727. 

J'ay  examiné  les  desseins  qui  m'ont  été  communiqués  pour  bâtir  un 
grand  hôtel  en  la  ville  de  Francfort  pour  S.  A.  iMonseigneur  le  Prince 
de  La  Tour.  J'en  ay  trouvé  l'arrangement  et  la  distribution  bien  dispo- 
sés :  apparemment  que  l'architecte  qui  les  a  faits  et  qui  me  paraît 
homme  entendu  et  capable  d'exécution  a  travaillé  sur  des  mémoires 
qui  lui  ont  été  donnés. 

Comme  on  me  demande  mon  avis,  je  crois  après  avoir  fait  réflexion 
que  cette  maison  étant  pour  un  grand  seigneur,  il  serait  plus  à  propos 
de  ne  faire  qu'un  grand  appartement  au  rez-de-chaussée  :  c'est  ordi- 
nairement où  se  rassemblent  les  seigneurs  et  la  noblesse  et  au  premier 
étage  faire  deux  appartemens  sur  le  jardin  et  d'autres  en  aisles  et  aux 
pavillons  sur  la  rue  ainsi  que  les  logemens  en  attique,  mesme  dans  les 
basses  cours  pour  ce  qui  regarde  les  écuries,  manège  couvert,  remises 
des  carosses,  des  logements  d'officiers  et  de  domestiques. 

La  rue  ou  l'on  doit  bâtir  cette  maison  n'étant  pas  large,  j'ay  pensé 
que  pour  en  rendre  l'entrée  plus  facile  et  pour  y  donner  plus  de  grâce, 
il  fallait  y  former  deux  portions  circulaires  qui  doivent  faire  un  bel 
effet. 

J'ay  fait  intérieurement  un  péristile  de  colonnes  du  côté  de  la  cour 
où  se  rassemblent  ordinairement  bien  des  gens  dans  la  journée  d'un 
certain  ordre,  ce  qui  donne  un  grand  agrément  et  qui  convient  à  la 
maison  d'un  seigneur.  D'ailleurs  ce  péristile  conduit  à  des  galleries  en 
arcades  à  droite  et  à  gauche  de  la  cour  pour  aller  à  couvert  de  ce 
péristile  dans  toute  la  maison,  ce  qui  agrandit  aussy  la  cour. 

Au  fond  de  lad.  cour  et  au  milieu  est  le  vestibule.  Au  lieu  d'entrer 
d'abord  dans  le  sallon  qui  est  la  pièce  honorable  où  se  doit  assembler 
la  compagnie...  j'évite  d'en  former  un  passage  qui  en  ôte  l'usage  aux 
gens  de  médiocre  condition  et  aux  domestiques.  C'est  pourquoi  l'on 
entre  à  droite  du  vestibule  dans  une  grande  salle  éclairée  du  côté  de 
la  cour  où  se  tient  ordinairement  la  livrée  ;  de  là  on  passe  par  trois 
arcades  dans  une  antichambre  du  côté  du  jardin  où  se  doivent  tenir  les 

(1)  Bibl.  Nat.  Cab.  Est.  —  Papiers  de  R.  de  Coite,  III. 


88  l'art  français  sur  le  rhin 

officiers  et  valets  de  chambre  de  la  maison  ;  ensuite  on  entre  dans  un 
sallon  de  forme  ovale  où  sont  deux  cheminées  ou  poêles  et  au  milieu  en 
face  du  jardin  est  un  renfoncement  pour  y  mettre  un  sopha  :  cette 
pièce  est,  comme  j'aydit,  où  se  rassemblent  les  seigneurs  et  la  noblesse. 
I/on  passe  du  sallon  dans  la  chambre  de  parade  et  de  là  au  grand 
cabinet  et  en  retour  dud.  grand  cabinet  une  chambre  à  coucher  qui  a 
ses  commodités,  des  petits  cabinets  et  des  garderobes  convenables  avec 
une  antichambre  qui  a  son  entrée  séparément  par  la  gallerie  à  gauche 
sur  la  cour  afin  que  le  prince  et  la  princesse  puissent  se  retirer  quel- 
quefois delà  compagnie  pour  donner  des  ordres  sans  que  leurs  officiers 
et  domestiques  passent  dans  le  grand  appartement,  ayant  trouvé  que 
dans  les  plans  qu'on  m'a  communiqués,  les  chambres  et  les  cabinets 
étaient  des  pièces  trop  petites. 

J'ay  placé  à  gauche  du  vestibule  le  grand  escalier  qui  monte  par  le 
milieu  du  vestibule  seulement  au  premier  étage  qui  conduit  aux  deux 
grands  appartements  sur  le  jardin  et  autres  appartements  dans  les 
ailes.  Les  autres  escaliers  placés  à  différens  endroits  monteront  à  tous 
les  étages  et  même  descendront  dans  les  caves. 

J'ay  cru  devoir  placer  la  chapelle  au  rez-de-chaussée  qui  aura  son 
entrée  au  fond  de  la  première  salle  avec  une  tribune  pour  la  commodité 
du  premier  étage;  tous  les  gens  de  la  maison  pourront  entendre  la 
messe  commodément  au  rez-de-chaussée  même  delà  salle. 

A  l'égard  de  la  salle  à  manger,  comme  c'est  une  pièce  de  conséquence 
où  on  se  rassemble  souvent,  j'ay  cru  qu'il  y  fallait  faire  attention  pour  la 
bien  placer  et  qu'elle  soit  assez  grande.  C'est  pourquoy  je  l'ay  fait  du 
côté  du  jardin  à  droite  de  l'antichambre  dans  l'enfilade  du  grand  appar- 
tement ayant  son  entrée  aussy  pour  le  service  par  la  première  salle  : 
en  sorte  que  l'on  y  sert  et  dessert  à  couvert  facilement  des  offices  et 
cuisines  qui  sont  arrangés  à  peu  près  comme  dans  les  plans  qui  m'ont 
été  communiqués,  à  la  réserve  que  j'ay  rapproché  l'office  dont  on  fait 
usage  pendant  la  journée  pour  des  rafraîchissements. 

Le  plan  du  premier  étage  est  en  papier  qui  retombe,  on  verra  si  la 
distribution  convient;  elle  a  peu  changé... 

Je  n'ay  point  fait  le  plan  de  l'étage  en  attique  dont  la  distribution  doit 
être  comme  celle  des  plans  qui  m'ont  été  communiqués. 

J'ay  trouvé  les  écuries  de  la  grande  basse-cour  assez  bien  disposées  , 
il  y  a  de  quoy  placer  46  chevaux.  J'ay  changé  le  manège  couvert  ;  je  l'ay 
fait  au  fond  de  ladite  cour  de  la  même  grandeur  ;  par  ce  moyen  cette 
cour  devient  plus  grande  pour  y  exercer  des  chevaux... 

J'ay  fait  les  élévations  des  façades  sur  le  jardin,  une  autre  du  fond  de 
la  cour  qui  est  aussy  celle  de  la  rue  avec  un  profil  du  corps  de  logis 
qui  fait  voir  la  décoration  d'une  aile  et  le  pavillon  sur  la  rue  et  le 
péristile  qui  porte  la  terrasse. 

Voilà  ce  que  je  pense  sur  cet  hôtel.  Si  cette  idée  convient,  on  peut  la 


DOCUMENTS  89 

communiquer  à  l'architecte  qui  a  fait  les  premiers  desseins  pour  lui 
donner  occasion  de  mieux  penser  encore.  Je  n'ay  fait  ce  projet  que 
pour  faire  plaisir  au  Prince  que  je  n'ay  pas  l'honneur  de  connaître.  Si 
son  architecte  était  de  mauvaise  humeur  et  que  ce  projet  convienne  à 
S.  A-,  on  n'aura  qu'à  me  faire  sçavoir  son  intention  à  laquelle  je  me 
conformeray  ;  mais  il  faudrait  avoir  en  même  tems  un  mémoire  ins- 
tructif des  commodités  indispensables  et  de  la  quantité  de  logements 
qu'il  faut  pour  tous  les  officiers  et  domestiques  afin  de  travailler  avec 
certitude. 

Comme  l'usage  en  Allemagne  est  de  mettre  des  poêles,  il  serait  bon  de 
marquer  les  endroits  où  on  les  veut  placer.  On  en  met  ordinairement 
dans  les  premières  salles  où  j'en  ay  placé  deux  dans  les  angles  à  l'an- 
tichambre, salle  à  manger.  Je  ne  scay  si  on  en  mettra  dans  le  sallon  ;  en 
tout  cas  j'y  ay  fait  deux  cheminées  et  si  on  y  met  des  poêles,  on  pourra 
mettre  le  bois  par  derrière  sans  passer  dans  les  appartemens,  ainsy 
des  autres  pièces,  mais  il  faut  aussy  une  explication  sur  ces  sortes  d'u- 
sages. 

J'ay  fait  réflexion  qu'on  pourrait  faire  dans  le  premier  étage  un  grand 
appartement  comme  celuy  du  rez-de-chaussée,  entrant  du  vestibule 
dans  une  pareille  salle  sur  la  cour,  de  là  dans  une  antichambre  sur  le 
jardin  qui  conduirait  au  grand  appartement,  passant  par  le  sallon;  et 
de  la  même  antichambre  à  droite  on  passerait  dans  une  chambre,  cabi- 
net et  garde-robe  qui  serait  double  par  le  moyen  d'une  entresolle, 
l'étage  étant  assez  haut  et  les  dites  garderobes  se  trouveraient  dégagées 
par  la  salle  qui  conduirait  à  la  tribune  de  la  chapelle.  J'en  ay  fait  un 
papier  qui  retombe  sur  le  plan  du  premier  étage  :  en  sorte  qu'il  y  aurait 
toujours  deux  appartements  dans  le  premier  étage  du  côté  du  jardin. 
Je  crois  que  c'est  le  party  qu'il  faudrait  prendre. 

Fait  à  Versailles,  le  8  septembre  1727. 


Le  Prince  de  La   Tour  et  Taxis  à  R.  de  Cotte  (i) 

Bruxelles,  le  20  octobre  1727. 

M.,  M.  de  Kerpen  m'ayant  donné  part  de  la  manière  obligeante  avec 
laquelle  vous  avez  biçn  voulu  prendre  la  peine  d'examiner  le  plan  de 
l'hôtel  que  j'ay  envie  de  faire  bâtir  à  Francfort  et  même  de  m'envoyer 

(1)  Bibl.  Nat.  Cab.  Est.  —^Papiers  de  R.  de  Cotte,  III. 


90  L  ART    FRANÇAIS    SUR    LE    RHIN 

un  que  vous  avez  eu  la  bonté  de  faire  faire,  que  je  trouve  parfaitement 
beau,  le  mémoire,  M.,  que  vous  y  avez  joint  me  fait  connaître  que  les 
changements  que  vous  avez  jugé  à  propos  d'y  faire  sont  fondés  sur  la 
parfaite  connaissance  que  vous  en  avez  et  votre  plan.  M.,  trouvera  sans 
conteste  l'approbation  générale.  Je  souhaiterais  pouvoir  vous  en  mar- 
quer ma  reconnaissance  et  rencontrer  des  occasions  de  vous  convaincre 
combien  je  suis,  M., 

Votre  très  humble  serviteur 
A.  F.  Prince  de  La  Tour  et  Taxis. 


III.  Reconstruction  de  la  flèche  de  la  Cathédrale  de  Mayence 


Le  marquis  de  Marignij  au  baron  de  Dalberg  (i) 

14  novembre  1770. 

J'ai  reçu.  Monsieur,  avec  la  lettre  que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de 
m'écrire  le  12  septembre  les  plans  et  éclaircissemens  que  l'Académie 
d'Architecture  avait  demandés  pour  pouvoir  décider  de  la  possibilité 
d'élever  une  tour  de  pierre  à  la  place  du  clocher  en  charpente  de  la 
cathédrale  de  Mayence.  Je  les  ai  fait  passer  aussitôt  au  secrétaire  de 
l'Académie  et  elle  s'en  occupera  dès  la  rentrée  qui  est  instante...  Je  vous 
prie  d'être  convaincu  du  plaisir  que  je  ressens  d'être  à  portée  de  pro- 
curer au  Chapitre  illustre  de  Mayence  la  solution  de  ses  doutes  sur 
cette  construction. 

(1)  Arch.  Nat.  0»  1912. 


DOCUMENTS  9I 


Procès-verbaux  de  V Académie  d'Architecture  (l) 


26  novembre  1770. 

Ensuite  ont  été  mis  sur  le  bureau  les  plans,  coupes,  ^profils  et  éléva- 
tions de  la  tour  du  clocher  de  Mayence  et  les  explications  aux  éclaircis- 
sements préliminaires  lesquels  avaient  été  demandés  par  TAcadéraie  à 
la  séance  du  25  juin  4770  et  l'Académie  a  nommé  M"  Chevotet,  Le 
Carpentier,  Brebion  et  Moreau  pour  en  faire  leur  rapport  à  la  Compa- 
gnie. 


2  décembre  1770. 

L'Académie  a  demandé  à  entendre  le  rapport  des  commissaires  sur 
l'objet  de  l'église  de  Mayence.  Ils  ont  dit  que  M.  Le  Roi  était  chargé  de 
nouveaux  desseins  et  mémoires  relatifs  à  cet  objet  et  qu'il  leur  paraî- 
trait convenable  que  cet  académicien  fût  ajouté  aux  commissaires 
nommés  à  cet  effet  et  la  Compagnie  a  arrêté  que  M.  Le  Roi  se  joindrait 
à  M'"  Chevotet,  Le  Carpentier,  Brebion  et  Moreau  pour  faire  rapport  sur 
cette  affaire  le  plus  tôt  qu'il  leur  sera  possible. 


10  décembre  1770. 
L'Académie  a  entendu  le  rapport  des  commissaires  nommés  dans  les 
séances  du  26  novembre  et  du  3  décembre  de  celte  année  pour  l'exa- 
men des  projets  de  la  tour  de  l'église  de  Mayence  et  ce  rapport  a  été 
unanimement  approuvé  et  il  a  été  déterminé  qu'il  serait  inscrit  tout  au 
long  dans  les  registres  des  délibérations  et  qu'il  en  serait  envoyé  une 
copie  certifiée  du  secrétaire  à  M.  le  marquis  de  Marigny, 


(1)  Registres  des  procès-verbaux  de  l'Académie  royale  d'architecture  con- 
servés à  la  Bibliothèque  de  l'Institut,  M.  H.  Lemonnier  en  a  entrepris  la 
publication  ;  mais  son  dernier  volume  s'arrête  à  1767. 


92  L  ART    FRANÇAIS    SUR   LE   RHIN 

Rapport  des  Commissaires  nommés  par  V Académie  pour 
examiner  un  projet  proposé  pour  construire  une  flèche 
en  pierre  à  la  Métropole  de  Mayence  (l). 

Nous  Commissaires  nommés  par  l'Académie  dans  les  séances  des 
2S  novembre  et  3  décembre  1770  pour  examiner  le  projet  proposé  pour 
construire  une  flèche  en  pierre  de  taille  à  la  Métropole  de  Mayence  qui 
a  été  envoyé  à  la  Compagnie  par  M.  le  Marquis  de  Marigny,  après  avoir 
examiné  les  desseins  et  les  mémoires  que  M.  le  Directeur  général  des 
Bàtimens  du  Roy  nous  a  fait  remettre  ainsy  que  d'autres  desseins  e  t 
mémoires  concernant  ce  projet  qui  nous  ont  été  communiqués  par  un 
de  nous,  lesquels  ont  été  visés  et  paraphés  de  nous  commissaires  et  du 
secrétaire  de  l'Académie,  avons  formé  l'avis  suivant  : 

Rapport 

Dans  un  premier  examen  du  même  projet  qui  avait  été  envoyé  le 
21  juin  1770,  elle  crut  ne  pas  pouvoir  prononcer  sur  la  possibilité  de 
son  exécution  sans  avoir  à  l'égard  de  plusieurs  articles  divers  éclaircisse- 
ments qu'elle  demanda  et  que  nous  remettrons  sous  les  yeux  de  l'Acadé- 
mie, si  elle  le  désire.  On  a  fait  à  ses  questions  une  réponse  où  il  est  dit  : 

Que  les  quatre  piliers  sur  lesquels  on  veut  élever  la  flèche  sont  revê- 
tus en  pierre  de  taille,  c'est-à-dire  de  grès  rouge  en  usage  dans  le  pays 
et  intérieurement  comblés  de  grais  (sic),  que  le  revêtement  des  pen- 
dentifs qui  s'élèvent  sur  ces  piliers  est  en  dehors  des  moellons  mêlés 
avec  des  tufs  et  en  dedans  encombré  ou  rempli  de  blocages  en  moel- 
lons et  mortier,  que  presque  tout  l'espace  qui  est  entre  les  fenêtres  est 
de  moellon,  que  les  parties  de  la  tour  que  l'on  conserve  sont  en  général 
de  moellon,  de  tuf  et  de  grès  et  en  partie  gâtées  par  le  feu,  qu'on  a  dis- 
posé les  tirants  de  fer,  comme  ils  le  sont  dans  le  projet,  pour  garantir 
le  clocher  de  la  déclinaison  et  pour  empêcher  qu'il  ne  cède  d'un  côté  ou 
de  l'autre  sous  un  poids  plus  considérable  et  enfin  que  le  beffroi  sera 
situé  dans  l'espace  qu'on  voit  au-dessus  de  la  première  voûte  :  telles 
sont  les  réponses  qu'on  a  envoyées  à  l'Académie  pour  satisfaire  aux 
observations  préliminaires  qu'elle  a  faites  et  qui  nous  ont  mis  en  état 
de  donner  notre  avis  ainsy  qu'il  suit  : 

Nous  pensons  que  le  mur  qui  doit  porter  la  flèche  qu'on  se  propose 
de  construire  étant  destiné  à  porter  (comme  on  le  marque  dans  une 
des  explications  qui  accompagnent  les  desseins)  sur  un  autre  mur  qui 
n'est  construit  qu'en  moellon  et  pierre  de  tuf  et  percé  dans  tous  les 
sens,  cette  base  peut  n'être  pas  assez  solide  pour  porter  le  poids  de 
la  flèche  qu'on  veut  construire  et  qu'avant  de  bazarder  une  entreprise 

(1)  Procès-verbaux  de  l'Académie  d'architecture.  Bibliothèque  de  l'Institut. 


DOCUMENTS  qB 

de  la  conséquence  de  celle  qu'on  projette,  ce  premier  point  doit  être 
éclaircy  sans  contradiction  :  ce  qui  n'est  pas,  puisque  les  observations 
envoyées  ne  sont  pas  d'accord.  D'après  cela  nous  croyons  encore  qu'il 
y  aurait  tout  lieu  de  craindre  (comme  l'architecte  qui  a  fait  des  objec- 
tions contre  ce  projet  l'a  pensé)  que  la  tour  ayant  pu  être  calculée 
dans  sa  construction  pour  porter  une  flèche  de  charpente  ne  soit  pas 
assez  solide  pour  en  porter  une  de  pierre,  beaucoup  plus  pesante,  sur- 
tout les  matériaux  dont  cette  tour  est  construite  étant  de  différente 
nature,  assez  imparfaits  et  altérés  par  la  durée  de  neuf  siècles  et  un 
violent  incendie. 

Il  est  d'ailleurs  évident  que  le  nouveau  mur  qui  ferait  plus  grande 
épaisseur.,  occasionnerait  nécessairement  des  effets  fâcheux  tant  à  la 
voûte  qu'aux  battants  parce  que  la  nouvelle  construction  tasserait  tandis 
que  l'ancienne  ne  tasserait  pas. 

Il  nous  paraît  aussi  qu'il  y  aurait  un  danger  évident  à  faire  porter  les 
murs  qui  soutiennent  la  poussée  des  voûtes  supérieures  à  faux  de  près 
d'un  tiers  de  leur  diamètre  sur  les  reins  des  voûtes  inférieures,  que  les 
voûtes  étant  d'ailleurs  disposées  dans  ce  projet  de  manière  à  former 
une  poussée  considérable,  cette  construction  serait  d'autant  plus 
bazardée  que  les  cloches  enfermées  dans  ces  voûtes  surchargeraient 
les  murs  qui  les  soutiennent  et  y  causeraient  par  leur  vibration  un 
très  grand  ébranlement.  Nous  ajoutons  que  l'auteur  du  projet  de  la 
flèche  (1)  semble  avoir  beaucoup  trop  compté  sur  les  fers  qu'il  se  propose 
défaire  entrer  dans  la  construction  et  qu'il  dispose  en|quelques  endroits 
d'une  manière  peu  conforme  aux  règles  de  la  bonne  construction. 

Notre  avis  enfin  est  qu'il  serait  plus  prudent  de  construire  la  flèche 
en  charpente  que  de  la  construire  en  pierre,  en  suivant  le  projet  qui 
nous  a  été  remis. 

Au  surplus  en  déterminant  que  le  projet  présenté  ne  pourrait  être 
exécuté  et  qu'il  vaut  mieux  former  une  flèche  et  beffroi  en  charpente, 
nous  pensons  qu'il  serait  encore  possible  de  s'occuper  des  moyens  de 
satisfaire  le  désir  que  montrent  les  personnes  intéressées  à  cette  entre- 
prise de  voir  exécuter  cette  flèche  en  pierre,  mais  qu'il  faudrait  avant 
tout  être  assuré  d'une  manière  incontestable  de  la  solidité  des  quatre 
points  d'appuy  et  de  l'impossibilité  de  leur  tassement  ou  fracture  sous 
la  charge  d'un  plus  grand  poids,  de  la  solidité  des  premières  voûtes  de 
l'église  sur  lesquelles  on  pourrait  établir  la  résistance  nécessaire  au 
nouvel  ouvrage  et  former  un  nouveau  projet,  qui  nous  parait  possible, 
d'une  construction  plus  solide  et  plus  légère  que  celle  du  projet  qui 
nous  a  été  remis. 

Fait  à  l'Académie  Royale  d'Architecture  au  Louvre  à  Paris  le  dix 
décembre  mil  sept  cent  soixante  et  dix. 

(1)  Nenmann  le  jeune. 


94  l'art  français   sur  LB  RHIN 


IV.  Description  de  la  Grande  Prévôté  de  Mayence  (1) 

Je  croirais  n'avoir  encore  rien  dit  de  Mayence  si  je  ne  parlais  pas  de 
la  Prévôté  du  Dôme.  Ce  bâtiment  est  unique  dans  son  genre  ;  c'est  le 
comte  von  der  Leyen,  actuellement  Prévôt,  qui  l'a  fait  bâtir  à  grands 
frais,  mais  en  partie  des  contributions  volontaires  du  Chapitre. 

Ce  bâtiment  présente  tout  ce  qui  peut  charmer  l'œil  qui  se  promène 
longtemps  agréablement  sur  l'ensemble  avant  de  s'arrêter  sur  aucune 
partie  séparée.  Cependant,  il  faut  Tavouer,  ce  palais  n'a  pu  se  concilier 
l'approbation  générale;  mais  en  existe- t-il  un  seul  dans  l'univers  qui  n'ait 
pas  été  exposé  à  la  critique  et  ce  qui  plaît  quelquefois  au  véritable  con- 
naisseur est  justement  ce  qui  déplaît  à  l'amateur  tranchant...  C'est  en 
tentant  de  nouvelles  formes  qu'on  crée  de  nouvelles  beautés  et  n'est-il 
pas  heureux  que  de  tems  en  tems  les  Princes  et  les  hommes  riches 
aient  de  nouvelles  fantaisies  pour  animer  et  développer  les  talens  des 
artistes  qui,  sans  ces  heureux  essais,  resteraient  tous  au  même  point. 

Ce  superbe  palais  est  l'ouvrage  de  l'architecte  Mangin,  déjà  très 
avantageusement  connu  par  le  château  de  Mon  aise  près  de  Trêves,  qui 
appartient  au  comte  de  Walderdorf. 

C'est  dommage  que  la  Prévôté  soit  cachée  dans  un  coin  de  la  ville  : 
combien  ce  bâtiment  superbe  eût  gagné  pour  l'extérieur  si  on  l'eût 
élevé  dans  une  place  plus  libre,  plus  régulière  et  surtout  plus  élevée! 
Il  est  vrai  que  c'est  une  surprise  bien  agréable  pour  un  étranger  au 
sortir  de  ces  rues  tortueuses  et  étroites  de  se  voir  tout  à  coup  au  pied 
de  ce  palais,  sans  s'y  être  attendu. 

La  façade  principale  présente  six  colonnes  de  l'ordre  corinthien  qui 
supportent  une  large  galerie  découverte  et  chaque  colonne  porte  en 
outre  une  statue  colossale,  supérieurement  exécutée  par  le  sculpteur 
Paf  (Pfaff)  ;  ce  corps  de  bâtiment  a  deux  ailes  latérales  moins  exhaus- 
sées, également  terminées  en  terrasses  à  l'italienne  et  supportées  de 
chaque  côté  par  de  superbes  arcades,  ce  qui  forme  devant  tout  le 
palais  une  très  belle  avant-cour  fermée  par  un  treillis  très  solide  quoi- 
que travaillé  avec  délicatesse. 

Le  vestibule  qui  sert  d'antichambre  aux  valets  est  très  vaste  et  l'on  y 
remarque  un  trait  de  génie  de  l'architecte  qui,  pour  n'en  pas  gâter  la 
régularité,  a  eu  l'adresse  de  cacher  les  poêles  dans  l'intérieur  même 
des  colonnes. 

De  ce  vestibule  on  monte  un  escalier  large,  bien  éclairé  et  très  com- 
mode, qui  se  divise  au  premier  étage  en  deux  corps  et  conduit  d'un 

(1)  J.  G.  Lang.  Reiso  auf  dent  Rhein.  1789.  Nouv.  édit.  en  français 
intitulée  Voyage  sur  le  Rhin  depuis  Mayence  jusqu'à  Dusseldorf. 
Mayence:  1808. 


DOCUMENTS  QS 

côté  dans  le  superbe  salon,  de  l'autre  dans  les  appartements  adjacens. 
On  ne  peut  voir  sans  satisfaction  l'ordre  qui  règne  partout  et  l'agréable 
distribution  des  appartemens  :  partout  on  y  rencontre  la  propreté  hol- 
landaise, partout  l'art  et  le  goût  s'y  trouvent  réunis. 

L'or  dont  tous  les  ornemens  sont  couverts  donne  le  plus  grand  éclat 
au  salon  dont  36  colonnes  soutiennent  le  plafond.  Entre  chaque  couple 
de  colonnes  est  ou  un  génie  doré,  de  quatre  pieds  de  haut,  qui  porte  un 
guéridon  chargé  d'un  lustre  ou  de  superbes  fauteuils  de  bois  d'acajou, 
supérieurement  travaillés,  ornés  de  bronzes  dorés  et  garnis  de  riches 
coussins. 

De  ce  superbe  salon  on  passe  dans  un  plus  petit  destiné  à  prendre  le 
caffé  et  ensuite  dans  la  salle  à  manger  ordinaire,  qui  est  simple  mais 
pourtant  belle;  elle  est  ornée  d'un  plafond  peint  par  J.  Zick(l),  représen- 
tant les  plaisirs  des  Dieux  dans  les  sept  planètes.  Au  lieu  de  tapisserie 
sont  quatre  grands  tableaux  très  bien  peints  par  un  Français  dans  le 
goût  de  Tischbein;  on  désirerait  cependant  que  les  sujets  fussent 
mieux  choisis  et  plus  analogues  (2)  à  une  salle  à  manger;  en  général  ils 
sont  tristes  et  peu  agréables.  Le  premier  représente  Jupiter  punissant 
Junon;  le  second  La  chute  de  Phaéton;  le  troisième  Le  déluge  et  le  qua- 
trième Les  Titans  vaincus. 

Plusieurs  pièces  qui  se  répondent  toutes  donnent  à  cet  appartement 
la  plus  grande  commodité  ;  elles  reçoivent  la  lumière  de  haut  et  c'est  un 
des  reproches  que  l'on  a  fait  à  l'architecte.  11  faut  l'avouer,  ces  chambres, 
au  premier  coup  d'œil,  éclairées  toutes  de  cette  manière,  présentent  un 
aspect  trop  monotone  et  par  cela  même  peu  agréable.  J'aurais  de  la 
peine  à  demeurer  toujours  dans  un  endroit  aussi  triste;  d'ailleurs  cette 
manière  de  recevoir  le  jour  a  une  grande  incommodité  lorsqu'il  neige 
beaucoup  et  longtemps.  Cependant  cette  manière  de  tirer  les  jours  d'en 
haut  ne  doit  pas  être  [entièrement  rejetée  et  on  peut  l'employer  avec 
avantage  pour  les  cabinets  d'étude,  les  bibliothèques  et  surtout  les 
galeries  de  tableaux,  où  les  fenêtres  latérales  feraient  perdre  une  place 
précieuse. 

(1)  Le  peintre  Jannarius  Zick  qui  décora  également  le  Palais  électoral  de 
Coblence  avait  fait  un  séjour  à  Paris  en  1757. 

(2)  Dans  la  langue  du  xviii'  siècle  analogue  à  le  sens  de  conforme,  conve- 
nable. 


96  l'art  français  sur  le  rhl\ 

IV.    Electorat  de  Trèv^es 


Palais  Electoral  de  Coblence 


L'architecte  J.-F.  Blondel  au  marquis  de  Marigny  (U 

13  novembre  1758. 

M.,  J'ai  l'honneur  de  vous  rendre  compte  du  sieur  Michel  de  Nisme  (2), 
jeune  artiste  qui  vous  a  été  recommandé  par  M.  Gremont,  envoyé  de 
France  à  la  Cour  de  Trêves  et  que  vous  m'avez  chargé  d'examiner  la 
dernière  fois  que  je  vous  fis  ma  cour.  J'ai  vu  de  ses  desseins  et  me  suis 
transporté  chez  lui  pour  examiner  quelques  modèles  qu'il  avait  faits. 
En  général  il  sait  très  peu  de  théorie  ;  il  entend  davantage  la  pratique, 
mais  il  ne  peut  être  employé  qu'en  second,  sous  la  direction  d'un  habile 
homme.  D'ailleurs  il  me  paraît  laborieux,  avoir  de  bonnes  mœurs  et 
s'offre  pour  très  peu,  s'avouant  sobre  et  sans  ambition.  Voilà,  M.,  le 
compte  que  je  vous  devais  à  ce  sujet. 


Le  marquis  de  Marigny  à  Blondel 


A  Versailles,  le  23  novembre  1758. 

J'ay  reçu,  M.,  dans  votre  lettre  du  13  de  ce  mois  le  portrait  que  vous 
me  faites  du  jeune  artiste  qui  m'a  été  envoyé  par  M.  l'Envoyé  de  France 
à  la  Cour  de  Trêves  que  je  luy  feray  parvenir  afin  qu'il  juge  luy-même 
de  ses  forces  et  qu'il  voye  à  quoi  et  comment  ce  jeune  artiste  peut  être 
employé. 


(1)  Arch.  Nat.  0»  1909. 

(2)  Il  s'agit  de  Michel  d'Ixnard,  qui  était  en  effet  Nîinois  et  qui  devint  plus 
tard  architecte  de  l'électeur  de  Trêves. 


DOCUMBNtS  9Î^ 


Liste  des  travaux  de  d'Jxnard  dressée  par  lui-même  W 


Voici  les  principaux  :  Saint  Biaise,  un  édifice  considérable,  la  Rési- 
dence d'une  princesse  abbesse  de  Bouchau,  un  château  neuf  à  Son  Ex- 
Mr.  le  Comte  de  Kœnigsegg  d'Aulendorf;  un  hôtel  bâti  de  neuf  à  Mr.  le 
Baron  de  Sickin,  un  château  bâti  de  neuf  à  Mr.  le  Baron  Spet  de  Gainer- 
dingne,  une  commanderie  bâtie  de  neuf  à  M.  le  Baron  de  Ritheim,  une 
considérable  réparation  à  la  grande  commanderie  d'Elingue  d'une 
entière  distribution  et  élevé  des  colonnades  en  pierres  de  taille,  la 
réparation  en  entier  d'un  grand  château  du  prince  HohenzoUern,  un 
château  réparé  et  distribué  à  Md^  la  Comtesse  d'Ulme,  le  cœur  (sic)  de 
la  cathédrale  à  Constance  revêtu  et  décoré  de  marbre,  avoir  décoré 
plusieurs  parties  du  palais  de  Mersbourg,  des  ouvrages  continués  pen- 
dant six  années  chez  Mr.  le  Prince  deRohan,  frère  de  S.  E.  Mg''  le  Car- 
dinal de  Strasbourg  qui  a  honoré  le  supplicant  de  sa  confiance. 


Procès-verbaux  de  l'Académie  d'Architecture  (2) 


21  juin  1779. 

Ensuite  a  été  fait  lecture  d'une  lettre  de  M.  d'Ixnard,  architecte 
employé  par  S.  A.  S.  Électorale  de  Trêves  à  la  construction  d'un  palais 
de  résidence  à  Coblence,  par  laquelle  lettre  et  mémoire  auxquels  sont 
joints  des  plans,  coupes  et  élévations  et  échantillons  de  pierre  il 
demande  à  l'Académie  qu'elle  veuille  bien  donner  son  avis  sur  les 
objections  et  différentes  propositions  de  changements  qui  lui  sont  faites 
dans  sa  construction. 

L'Académie  en  conséquence  de  l'art.  29  des  statuts  a  dit  qu'il  serait 
écrit  par  M.  le  Secrétaire  à  M.  d'Ixnard  qu'il  est  nécessaire  qu'il  se  pour- 


ri) Archives  de  Coblence.  —  Cf.  Lohmeyer,  Joh.  Seiz,  Heidelberg,  1914. 

(2)  Bibliothèque  de  l'Institut.  Registre  IX.  Ces  procès-verbaux  sont  encore 
inédits,  la  publication  de  M.  H.  Lemonnier  s'arrêtant  à  ce  jour  à  la  date 
de  1767. 


98  l'art  français  ^Ùft  LE    RHIN 

voye  du  consentement  du  Prince  et  de  son  vœu  à  cet  égard  adressés  à 
M.  le  comte  d'Angiviller,  directeur  et  ordonnateur  g:énéral  des  Bâti- 
ments du  Roy,  pour  que  TAcadémie  soit  suffisamment  autorisée  à 
donner  son  avis. 


16  août  1779. 

L'Académie  étant  assemblée,  il  a  été  fait  lecture  de  la  lettre  de  M.  le 
Comte  d'Angiviller  par  laquelle  il  notifie  la  demande  qu'il  fait  que  l'Aca- 
démie nomme  des  commissaires  pour  l'examen  des  projets  communi- 
qués par  M.  le  Comte  de  Moustier,  ministre  plénipotentiaire  de 
S.  A.  l'Électeur  de  TrèTes. 

L'Académie  a  nommé  commissaires  à  cet  effet  M"  Franque,  Brebion, 
Housset,  Boullée,  Jardin  et  Guillaumot  pour  en  faire  rapport  avec  assez 
de  célérité  pour  que  cette  affaire  soit,  s'il  est  possible,  terminée  avant 
les  vacances. 


Le  baron  de  Hohenfeld  au  comte  d'Angiviller  (1) 

Trêves,  le  29  septembre  1779. 

Monsieur  le  Comte.  En  conséquence  de  la  lettre  dont  vous  avez 
honoré  M.  le  Comte  de  Moustier  au  sujet  de  la  nouvelle  Résidence 
Électorale  à  Coblence,  suis-je  chargé  de  la  part  de  Son  Altesse  Royale 
Monseigneur  l'Électeur  de  Trêves  de  vous  prier  très  instamment  de 
donner  commission  à  un  de  vos  architectes,  lequel  vous  trouverez  à  cela 
le  plus  propre,  de  se  transporter  à  Coblence  le  plus  tôt  possible  pour  voir 
et  consulter  sur  ce  qu'il  y  aura  de  mieux  à  faire  concernant  le  dit  bâti- 
ment et  vu  les  contradictions  qui  se  sont  élevées  entre  nos  architectes. 

Comme  Son  Altesse  sera  absent  pour  le  tems  de  l'arrivée  dudit  archi- 
tecte, il  n'y  aura  que  de  l'adresser  à  M.  le  Chancelier  de  la  Roche  (2)  qui 
aura  soin  de  lui  donner  les  renseignements  à  ce  nécessaires. 


(1)  Arch.  Nat.  0\  1915.3 

(2)  Le  chancelier  Georges  Mickel  de  la  Roche,  président  de  la  Résidenz 
Bau  Commission,  qui  avait  adressé  des  rapports  défavorables  sur  d'Ixnard 
était  le  mari  de  la  célèbre  Sophie  de  la  Roche,  l'amie  de  Wieland  et  de  Gçethe. 


Documents  9ô 

D'Ixnard  au  comte  d'Angivillev  (l) 

Coblence,  1!  octobre  1779. 


Monsieur  le  Comte 


J'ai  reçu  avec  toute  la  soumission  que  je  dois  à  vos  lumières  et  à 
celles  de  l'Académie  le  jugement  qu'elle  a  prononcé  sur  les  desseins  du 
palais  que  je  fais  bâtir  pour  l'Électeur  de  Trêves.  J'aurais  désiré  d'être 
à  portée  de  répondre  à  ses  observations  qui,  quoique  très  justes,  tom- 
bent en  partie  sur  des  choses  qu'on  m'avait  expressément  demandées 
ou  sur  les  raisons  d'une  grande  économie  qu'on  m'a  recommandée  et 
insisté  journellement  par-dessus  toute  chose,  ce  qui  nécessairement  a 
dû  me  borner  infiniment. 

Pas  moins  l'architecte  Treverois  (2)  et  ses  partisans  n'ont  pas  manqué 
de  faire  valoir  jusques  à  la  moindre  expression  défavorable  de  l'Aca- 
démie et  vous  pouvez  juger,  Monsieur  le  Comte,  avec  quel  empresse- 
ment ils  ont  saisi  l'offre  que  vous  faites  au  Prince  d'envoyer  un  Acadé- 
micien. Ils  comptent  réussir  et  l'engager  à  accepter  cette  offre  pour 
me  discréditer  entièrement  et  j'aurai  le  malheur  de  perdre  dans  un 
jour  le  fruit  d'un  travail  de  vingt  années  et  malgré  la  réputation  que 
doivent  me  faire  naturellement  quatre  Résidences  de  souverains  que 
j'ai  fait  bâtir  (3),  l'abbaye  et  l'église  de  Saint- Biaise  dont  M""  Poulleau, 
mon  graveur,  doit^avoir  procuré  des  épreuves  à  l'Académie,  je  passerai 
pour  ne  pas  connaître  mon  art  et  avoir  besoin  d'un  Mentor. 

Du  moment  que  j'ai  eu  reçu  mes  plans,  j'ai  suivi  ponctuellement  les 
observations  de  l'Académie  et  ai  fait  les  changemens  que  son  goût  m'a 
dictés.  Je  les  ai  fait  voir  au  Prince,  à  quelques  personnes  de  l'art  et  à 
M.  le  comte  de  Moustier  qui  en  a  toutes  les  connaissances.  Ce  ministre 
ainsi  que  Son  Altesse  et  autres  m'en  ont  témoigné  toute  leur  satisfaction. 
Mais  malgré  cela  mes  antagonistes  peuvent  intéresser  des  personnes  qui 
ont  beaucoup  de  crédit  et  qui  réveilleront  toute  l'inquiétude  du  prince 
afin  de  l'engager  à  faire  venir  un  Académicien  qu'ils  regardent  comme 
l'époque  de  ma  ruine  totale  et  pour  le  prévenir  je  n*ai  d'autre  ressource, 
Monsieur  le  comte,  que  dans  ma  confiance  en  votre  justice  et  votre 
bonté.  Daignez  avoir  égard  à  mes  représentations.  M.  le  comte  de  Mous- 

(1)  Arch.  Nat.  Qi  1915». 

(2)  Le  directeur  des  bâtiments  (Baadirektor)  de  l'électeur  de  Trêves,  Seiï 
qui  était  très  hostile  à  d'ixnard.  Cf.  Lobiineyer.  Joh.  Seiz.  Heidelberg,  J.914. 

(3)  Notamment  le  château  du  prince  de  Hohenzollera-Hechingeo. 


ÎOO  L*ART  FRANÇAIS   SUR  LE  RtilN 

tier  pourrait  vous  certifier  l'état  des  choses  tel  que  je  viens  d'avoir 
l'honneur  de  vous  les  rapporter.  J'ai  prié  qu'on  fasse  passer  à  l'Acadé- 
mie les  changements  que  je  viens  défaire  et  il  ne  tiendra  qu'à  vous, 
Monsieur  le  comte,  de  faire  voir  que  cela  suffira,  sans  qu'il  soit  besoin 
d'envoyer  personne  sur  les  lieux. 

Quoique  mes  principaux  ouvrages  soient  construits  en  Allemagne, 
j'en  avais  fait  précédemment  dans  ma  patrie,  ayant  travaillé  entre 
autres  pendant  plusieurs  années  pour  une  respectable  maison  qui  est 
celle  de  Rohan  (1).  Beaucoup  connu  de  M.  le  Prince  Louis,  évêque  de 
Strasbourg,  de  M.  le  Prince  de  Rohan-Rochefort,  de  Messieurs  vos  frères 
chevaliers  de  Flahaut  et  de  M.  le  marquis,  celui  qui  est  marié,  de  la 
Billarderie,  ils  ont  même  fait  tout  ce  qu'ils  ont  pu  pour  m'aider.  Il  y  a 
aux  environs  de  dix-huit  ans  que  j'étais  architecte  de  M.  le  Prince  de 
Rohan-Montauban  après  avoir  sorti  du  bureau  de  M.  Blondel,  ensuite 
demandé  par  M.  Servandoni  pour  conduire  ses  ouvrages. 

Mais  sans  perdre  ma  confiance  en  ces  titres,  Monsieur  le  comte,  je  la 
mets  principalement  en  vos  bontés  pour  un  Français  qui  cherche  à 
mériter  votre  approbation  et  à  se  rendre  digne  de  votre  protection  que 
je  vous  supplie  de  m'accorder. 


Le  comte  (TAngiviller  à  d'Ixnardi^) 


26  octobre  1779. 

J'ai  reçu,  Monsieur,  la  lettre  que  vous  avez  pris  la  peine  de  m'écrire, 
concernant  l'envoy  de  l'architecte  du  roy  qui  m'a  été  demandé  par 
M?""  l'Electeur  de  Trêves  pour  aller  sur  les  lieux  examiner  les  difficultés 
qui  vous  divisent  d'avec  les  autres  architectes  de  S.  A.  Électorale. 

J'ai  à  la  vérité  fait  à  ce  prince  l'offre  de  lui  envoyer  un  architecte  de 
l'Académie  et  vous  sentirez  aisément  que  je  ne  pouvais  me  dispenser  de 
le  faire,  d'après  les  incertitudes  que  témoignait  l'Académie  elle-même 
dans  son  rapport.  S.  A.  Électorale  m'ayant  depuis  fait  notifier  précisé- 


(1)  Dehio  se  trompe  donc  lorsqu'il  écrit  dans  son  Handbuck  der  deutschen 
Kuntsdenkmàler,  t.  IV.  Sudwestdeutschand,  p.  186  que  d'Ixnard  n'a  jamais 
travaillé  en  France  (in  Frankreich  nicht  nachgewiesen), 

(2)  Arch.  Nat.  0»  1915» 


DOCUMENTS  101 

ment  par  son  ministre  le  besoin  qu'elle  avait  de  quelque  artiste  de 
l'Académie  pour  juger  des  changemens  proposés,  j'ai  encore  moins  pu 
me  dispenser  de  remplir  ses  vues.  Mais  je  pense  que  cet  envoy  vous 
alarme  mal  à  propos.  L'architecte  au  surplus  que  je  fais  partir  m'est 
autant  connu  par  sa  probité  que  par  son  [talent  ^et  vous  pouvez  être 
tranquille  sur  la  manière  désintéressée  et  impartiale  avec  laquelle  il 
remplira  sa  mission. 


Le  comte  d'Angiviller  à  Peyre  <l) 


22  octobre  1779. 

Mgr  l'Électeur  de  Trêves  m'ayant,  Monsieur^  demandé  un  architecte 
de  l'Académie  pour  aller  à  Coblentz  examiner  quelques  difficultés  sur- 
venues dans  l'exécution  des  plans  d'un  château  qu'il  fait  construire 
dans  cette  ville,  j'ai  pensé  que  vous  étiez  très  propre  à  remplir  cet 
objet  et  je  me  suis  d'autant  plus  facilement  déterminé  à  vous  charger 
de  cette  mission  que  c'est  pour  vous  une  occasion  de  vous  faire  con- 
naître avantageusement  d'un  Prince  qui  a  de  grands  travaux  et  qui 
peut-être  d'après  ce  voyage  se  déterminera  à  faire  plus  d'une  fois 
usage  de  vos  talens. 

Il  faudrait  en  conséquence  que  vous  vous  disposassiez  à  partir  pour 
Coblentz  dès  le  commencement  de  la  semaine  prochaine.  Le  Prince  a 
donné  ordre  ici  de  vous  faire  compter  les  frais  du  voyage  pour  vous  y 
rendre.  Vous  trouverez  en  y  arrivant  une  maison  prête  à  vous  recevoir 
et  les  commodités  nécessaires  pour  votre  séjour.  Vous  serez  de  même 
défrayé  des  frais  du  retour  et  il  est  à  croire  que  le  Prince  vous  donnera 
quelques  marques  de  ses  bontés. 

D'après  ce  détail  il  faut  que  vous  me  veniez  trouver  dimanche  à 
Marly  avant  onze  heures  pour  que  je  sache  positivement  sur  quoi 
compter.  Je  fais  dresser  une  petite  instruction  sur  l'objet  de  cette  mis- 
sion qui  vous  sera  remise  ce  jour-là  ou  le  lundi  avant  votre  départ. 


(1)  Arch.  Nat.  0»  1915». 


toi  l'art    français   sûr    le    RHIN 


Rapport  du  comte  d'Angivitler  au  Roi  (l) 

24  octobre  1779. 

S.  A.  E.  de  Trêves  faisant  bâtir  un  château  dans  sa  ville  de  Coblentz, 
il  s'est  élevé  beaucoup  de  doutes  sur  les  plans  et  projets  de  son  archi- 
tecte. Elle  m'a  en  conséquence  demandé  un  architecte  de  Votre 
Majesté  pour  aller  sur  les  lieux  lever  ses  incertitudes. 

J'ai  pensé  ne  pouvoir  mieux  faire  que  d'aller  au  devant  des  désirs 
d'un  Prince,  oncle  de  Votre  Majesté  (2),  et  j'ai  en  conséquence  choisi, 
pour  cette  mission,  le  Sr  Peyre  le  jeune,  actuellement  inspec- 
teur à  Saint-Germain-en-Laye,  dont  le  talent  et  la  probité  me  sont 
connus. 

Je  supplie  Votre  Majesté  de  vouloir  bien  autoriser  cet  envoy  et 
l'absence  d'environ  un  mois  que  cela  occasionnera  de  la  part  du 
Sr  Peyre. 


Congé  en  faveur  du  S''  Peyre  le  jeune  pour  aller 
à  Coblentz  (3) 


Du  26  octobre  4779. 

Nous Avons  permis  sous  le  bon  plaisir  du  Roy  au  S""  Peyre  le 

jeune  de  l'Académie  Royale  d'Architecture,  Inspecteur  des  Bâtimensdu 
Roy  au  Département  de  Saint-Germain-en-Laye,  de  s'absenter  l'espace 
de  deux  mois  pour  se  rendre  à  Coblentz  pour  y  vacquer  au  fait  d'une 
mission,  passé  lequel  tems  Mond.  S""  Peyre  sera  tenu  de  revenir  en 
France  reprendre  ses  occupations  et  fonctions  de  son  état. 


(1)  Arch.  Nat.  0»  1073. 

(2)  L'électeur  de  Trêves  Clément  Wenceslas  était  fils  de  l'électeur  de  Saxe, 
roi  de  Pologne,  Frédéric- Auguste  III  et  par  conséquent  frère  de  la  dauphine 
Marie-Josèphe  de  Saxe,  mère  des  trois  derniers  rois  de  la  dynastie  des  Bour- 
bons. 

(3)  Arch.  Nat.  0»  1096,  f.  287. 


DOCUMENTS  I05 


Iiifitriicfion  sommaire  pour  le  voyage  de  M.  Peyre 


L'objet  du  voyage  de  M.  Peyre  est  de  corriger  quelques  défauts  des 
plans  et  projets  donnés  pqr  M.  d'Ixnard  pour  le  palais  que  Son  Altesse 
Royale  et  Électorale  de  Trêves  a  commencé  de  faire  bâtir  à  Goblentz, 
On  luy  remet  à  cet  effet  et  pour  commencer  à  prendre  connaissance  de 
l'affaire  le  rapport  qu'ont  fait  les  commissaires  de  l'Académie  Royale 
d'architecture  sur  ces  projets. 

Il  parait  que  depuis  l'envoy  de  ce  jugement,  M.  d'Ixnard  a  tenté  de 
corriger  les  défauts  observés  par  les  commissaires  de  l'Académie. 
Mais  suivant  des  lettres  écrites  de  Goblentz,  les  rectifications  sont  pires 
que  les  défauts. 

M.  Peyre  à  son  arrivée  à  Goblentz  doit  aller  d'abord  chez  M.  le  comte 
de  Moustier,  Ministre  Plénipotentiaire  du  Roy  auprès  de  Son  Altesse 
Électorale,  auquel  il  est  recommandé  par  une  lettre  de  M.  le  Direc- 
teur général  qui  le  précédera  de  quelques  jours. 

Il  ira  de  là  chez  M.  de  la  Roche,  chancelier  du  Prince,  qui  lui  a  fait  pré- 
parer un  logement  et  qui  lui  remettra  les  plans  de  M.  d'Ixnard  pour  en 
prendre  connaissance  et  les  conférer  avec  les  rapport  de  l'Académie. 

On  recommande  à  M.  Peyre  de  mettre  dans  sa  commission  toute  la 
prudence  et  la  circonspection  possibles  pour  ne  point  occasionner  aU 
Prince  des  dépenses  superflues  ou  considérables,  attendu  que  les  reve- 
nus de  l'Électorat  sont  fort  bornés  et  à  faire  en  sorte  que  cet  envoy 
d'un  architecte  français  tourne  entièrement  à  Thonneur  de  la  nation, 
ce  qu'on  a  droit  d'attendre  de  son  talent  et  de  ses  autres  qualités. 


Le  comte  (TAngiviller  à  M.  de  Crolbois,  agent  de 
S.  A.  E,  de  Trêves  (i) 


26  octobre  1779. 

La  personne,  Monsieur,  qui  vous  remettra  cette  lettre  est  M.  Peyre 
qui  est  l'architecte  que  j'ai  choisi  pour  aller  à  Goblentz  d'après  la 
demande  que  m'a  fait  faire  S.  A.  E.  de  Trêves  pour  concilier  ses  archi- 

(1)  Arch.  Nat.  0*  1915» 


I04  L*ART  FRANÇAIS   SUR  LE  RHIN 

tectes  et  lever  les  difficultés  qui  les  divisent.  Connaissant  son  talent  et 
sa  probité,  j'ai  tout  lieu  de  croire  qu'il  remplira  cette  mission  à  la  satis- 
faction de  ce  Prince.  Je  lui  ai  remis  une  copie  du  rapport  de  l'Académie 
concernant  les  plans  et  projets  de  M.  d'Ixnard  avec  une  courte  instruc- 
tion sur  ce  qu'il  a  à  faire.  Je  vous  prie  de  lui  remettre  la  somme  qu'il 
vous  demandera  pour  se  rendre  à  Coblentz,  son  départ  devant  être 
très  prochain. 


Le  comte  d'Angiviller  au  comte  de  Moustier  |l) 

Versailles,  26  octobre  4779. 

Je  ne  'doute  point,  Monsieur,  que  •  vous  n'ayiez  été  prévenu  de  la 
demande  que  Son  Altesse  Électorale  m'a  faite  par  l'entremise  de  son 
ministre,  M.  le  baron  de  Hohenfels,  de  lui  envoyer  un  architecte  de 
l'Académie  pour  prendre  sur  les  lieux  connaissance  des  plans  de 
M.  d'Ixnard.  Je  viens  en  conséquence  de  faire  choix  pour  remplir  cette 
mission  de  M,  Peyre  le  jeune  dont  les  talens  et  la  probité  me  sont  con- 
nus. Permettez-moi  de  vous  le  recommander  et  de  vous  demander  pour 
lui  vos  bontés  pour  le  temps  qu'il  doit  passera  Coblentz... 

Je  crois  voir,  ainsi  que  vous  m'aviez  fait  l'honneur  de  mêle  marquer, 
qu'il  y  a  un  vif  parti  contre  l'architecte  français.  C'est  pour  cette  raison 
que  j'ai  redoublé  d'attention  à  envoyer  à  Coblentz  un  architecte  sur 
l'honnêteté  duquel  je  crûsse  pouvoir  compter.  J'ai  lieu  de  croire  que 
celui  dont  j'ai  fait  choix  réunit  cette  qualité  au  talent  dont  quoiqu'en- 
core  jeune  il  est  doué  et  qu'il  agira  dans  cette  commission  avec  impar- 
tialité et  prudence. 

M.  d'Ixnard  m'ayant  écrit  et  prié  de  lui  faire  passer  ma  réponse  par 
votre  entremise,  voulez-vous  bien  que  je  vous  prie  de  la  lui  faire  parvenir. 


Le  comte  de  Moustier  au  comte  d'Angivitteri^) 

Coblence,  le  8  novembre  4779. 

Je  n'ai  été  instruit,  Monsieur,  de  la  demande  que  l'Électeur  vous  avait 
faite  qu'après  coup... 
M.  Peyre  est  arrivé  hier.  Je  m'étais  proposé  de  le  recevoir  chez  moi  ; 

(1)  Arch.  Nat.  0»  1915». 
(?)  Arch,  Nat.  O»  1914». 


DOCUMENTS 


io5 


mais  l'Électeur  lui  a  fait  préparer  un  logement  à  portée  de  lui  et  de 
son  Chancelier,  qui  est  le  chef  de  l'entreprise  du  nouveau  palais... 

Vous  apprendrez  de  lui-même,  Monsieur,  tout  le  détail  de  cette  affaire 
qui  en  est  devenue  une  sérieuse  pour  l'Électeur  par  la  précipitation 
qu'on  a  mise  dans  la  construction  de  ce  bâtiment  qui  a  été  commencé 
même  avant  qu'il  y  eût  un  plan  arrêté  :  de  sorte  qu'aujourd'hui  on  est 
dans  le  cas  de  craindre  d'avoir  fait  une  entreprise  trop  considérable. 
J'ai  déjà  parlé  à  l'Électeur  de  la  nécessité  de  faire  le  sacrifice  d'une 
partie  de  ce  qui  est  commencé  et  il  me  semble  que  ce  serait  aussi  l'avis 
de  iM.  Peyre.  Car  l'Électeur  de  Trêves  qui  est  un  très  haut  n'est  pas  un 
très  puissant  Seigneur.  Il  y  a  cela  de  malheureux  dans  l'entreprise  du 
nouveau  palais,  c'est  que  tout  le  monde  la  trouve  trop  grande  et  l'em- 
placement mal  choisi  :  tel  est  l'effet  de  la  précipitation. 


Peyre  au  comte  d'Angiviller  (i) 

Coblence,  le  26  novembre  1779. 

Monsieur  le  Comte,  La  protection  particulière  dont  vous  m'honorez, 
la  confiance  que  que  vous  avez  eu  en  moy  en  me  préférant  à  nombre 
d'habiles  gens  pour  la  mission  honorable  dont  vous  m'avez  chargé 
auprès  de  l'Électeur,  la  reconnaissance  que  j'aurai  éternellement  de 
vos  bontés  sont  des  motifs  qui  n'eussent  pas  dû  me  permettre  de  dif- 
férer à  vous  donner  plus  tôt  le  témoignage  de  cette  reconnaissance  si 
je  n'eus  craint  de  vous  importuner  trop  souvent  et  n'eus  préféré 
attendre  pour  vous  rendre  compte  de  la  réussite  de  ma  mission. 

L'Électeur  m'a  reçu  avec  toute  l'affabilité  possible.  Après  m'avoir 
remis  les  plans  qu'il  avait  chez  luy  pour  résoudre  la  difficulté  qui  avait 
déjà  été  présentée  à  l'Académie,  il  m'engagea  de  m'occuper  des 
moyens  de  diminuer  la  dépense  qui  excéderait  indubitablement  de 
beaucoup  la  somme  que  les  États  avaient  accordée  pour  la  construction 
de  cet  édifice.  Je  luy  ai  donné  le  moyen  d'œconomiser  la  moitié  de  la 
dépense  sur  le  projet  général  et  au  moins  un  tiers  sur  ce  qu'on  se  pro- 
posait d'édifier  dans  ce  moment,  en  supprimant  deux  ailes  inutiles  et 
beaucoup  de  bâtimens  accessoires.  Je  luy  ai  proposé  une  distribution 
dans  le  seul  corps  de  bâtiment,  sans  ailes,  plus  considérable  et  beau- 
coup plus  commode  que  celle  qui  occupait  la  totalité  et  un  plan  de 

(1)  Arch.  Nat.  0«  19153. 


iOÔ  l'art  français   sur    le    RHIN 

disposition  générale  qui  présente  un  aspect  plus  grand,  plus  majes- 
tueux et  infiniment  plus  gai.  J'ai  diminué  aussi  la  hauteur  de  tout  le 
bâtiment  au  moyis  de  douze  pieds.  J'ai  supprimé  les  dômes  et  couron- 
nemens  énormes  qui  s'élevaient  à  cent  pieds  du  sol.  J'ai  proposé  un 
seul  ordre  dans  les  avant-corps  des  deux  faces  qui  embrasse  le  rez-de- 
chaussée  et  le  premier  étage  et  qui  donne  un  tout  autre  caractère  à  ce 
monument.  J'ai  fait  ces  changemens  qui  sont  considérables  en  me  ser- 
vant de  ce  qui  est  déjà  construit. 

L'Électeur  m'a  paru  très  satisfait  de  mes  projets.  II  tient  pourtant  à 
se  servir  de  quelques  fondations  qui  sont  faites  dans  la  partie  des  ailes. 
Je  luy  ai  fait  un  autre  plan  général  où  je  m'en  sers  pour  des  bâtimens 
accessoires  ;  mais;  l'aspect  du  palais  perdrait  de  sa  dignité  et  aurait 
plutôt  le  caractère  d'une  maison  de  plaisance  que  d'un  palais  de 
ville.  L'Électeur  est  persuadé  de  cette  vérité  ;  il  se  décidera  sur 
cet  objet  pendant  que  je  vais  étudier  les  plans  pour  en  faciliter 
l'exécution. 

J'ose  espérer.  Monsieur  le  comte,  que  je  parviendrai  à  remplir  vos 
vues  en  satisfaisant  l'Électeur  à  tous  égards  et  qu'en  me  faisant  hon- 
neur, je  pourrai  mériter  de  plus  en  plus  la  confiance  dont  vous  m'avez 
honoré. 


Le  comte  d'Angiviller  à  Peyre  i^) 

Versailles,  le  9  décembre  1779. 

J'ai  reçu,  Monsieur,  votre  lettre  du  26  du  mois  dernier  par  laquelle 
vous  me  rendez  compte  de  l'accueil  que  vous  avez  reçu  de  Son  Altesse 
Royale  et  Électorale  et  du  travail  que  vous  avez  commencé  pour  rem- 
plir ses  vues.  Je  vois  avec  beaucoup  de  plaisir  par  les  détails  où  vous 
entrez  sur  ce  dernier  objet  que  vous  avez  déjà  trouvé  le  moyen  de 
beaucoup  simplifier  le  projet  et  diminuer  la  dépense.  Je  n'afi  nullement 
besoin  de  vous  exhorter  à  faire  vos  eiforts  pour  achever  de  remplir 
les  vues  de  ce  Prince  que  je  m'estimerai  heureux  d'avoir  pu  servir 
dans  cette  occasion  intéressante,  en  même  temps  que  je  serai  fort 
satisfait  d'avoir  mis  un  de  nos  artistes  à  portée  de  se  faire  honneur  et 
à  la  nation. 

(1)  Arch.  Nat.  0»  19153. 


DOCUMENTS  ÏÔ7 


Le  comte  de  Mousiier  au  comte  (TAngiviller 


Coblence,  le  19  décembre  1779. 

Vous  apprendrez,  Monsieur,  par  M.  Peyre  lui-même  tout  ce  que  sa  pré- 
sence ici  a  fait  naître  de  changement  dans  l'entreprise  du  palais  que 
fait  construire  l'Électeur.  Il  était  naturel  que  ce  Prince  lui  ayant  de- 
mandé de  nouveaux  plans,  ils  eussent  la  préférence.  Je  ne  vous  ferai 
pas  réloge  de  la  preuve  qu'il  a  faite  de  ses  talens  ;  vous  les  avez  jugés 
Monsieur,  et  l'approbation  qu'ils  ont  méritée  de  votre  part  était  un  ga- 
rant de  la  manière  dont  il  les  a  déployés.  Le  témoignage  qu'il  m'appar- 
tient de  lui  donner  est  de  vous  assurer  que  sa  conduite  a  été  pendant 
tout  son  séjour  ici  à  tous  égards  très  prudente  et  qu'il  a  réuni  tous  les 
suffrages,  à  commencer  par  celle  de  l'Électeur.  J'espère  qu'il  part 
dMci  également  satisfait  de  tout  le  monde. 

Le  S""  d'Ixnard  a  demandé  lui-même  sa  démission  par  mon  canal  en 
se  louant  extrêmement  de  M .  Peyre.  Celui-ci  nous  est  devenu  néces- 
saire ;  ainsi  nous  vous  le  demanderons,  Monsieur,  encore  plus  d'une 
fois.  Je  serai  pour  ma  part  fort  aise  de  le  revoir  ici  et  à  Paris. 


L'Électeur  de  Trêves  au  comte  d'Angiviller  (*) 


Ehrenbreitstein,  le  20  décembre  4779. 

Monsieur,  n'ayant  pas  douté  que  vous  ne  seconderiez  avec  plaisir  mes 
intentions  en  vous  demandant  un  habile  architecte  qui  fût  en  état 
d'aplanir  les  difficultés  survenues  entre  mes  architectes  à  l'égard  du 
plan  de  la  Résidence  à  construire,  je  vois  avec  un  vrai  contentement 
mes  vues  accomplies  par  les  opérations  du  S»"  Peyrez  {sic),  que  vous 
aviez  la  bonté  de  m'envoyer  à  cet  effet.  Il  mérite  tout  à  fait  les  témoi- 
gnages de  confiance  dont  vous  l'honorez,  ayant  rempli  cette  commis- 
sion en  homme  intelligent  avec  autant  d'habileté  que  de  célérité,  de 
sorte  que  j'ai  tout  lieu  d'en  être  content  et  que  je  suis  d'intention  de 
faire  dorénavant  usage  de  ses  lumières,  vous  priant  également  de  faire 
mettre  sous  les  yeux  de  l'Académie  et  de  faire  approuver  les  plans  qu'il 
viendra  dresser,  dont  il  n'a  pu  délivrer  jusqu'ici  que  l'esquisse. 

(1)  Arch.  Nat,  0»  1915». 


I08  l'art  français  sur    le  RHIN 


nixnard  au  comte  d'Angiviller  (1) 

Coblence,  6  janvier  1780. 

Monsieur  le  Comte,  agréez  l'hommage  de  ma  reconnaissance  pour 
la  lettre  pleine  de  bonté  dont  vous  m'avés  honoré.  Les  assurances  que 
vous  voulés  bien  m'y  donner  de  votre  protection  ont  un  peu  adouci 
mes  peines;  mais  mon  sort  était  jette. 

Je  n'ai  qu'à  me  louer  infiniment  de  l'honnêteté  de  M.  Peyre.  Il  a 
d'ailleurs  rempli  sa  mission.  Cependant  j'espère  que  vous  daignerez 
convenir  qu'avec  mon  expérience  et  Tàge  de  57  ans,  on  n'est  plus 
tenté  de  travailler  pour  un  autre  :  c'est  ce  qui  m'avait  décidé  à 
demander  ma  démission. 

Le  digne  Prince  n'a  point  voulu  me  laisser  partir  mécontent  et  m'a 
donné  des  preuves  de  sa  bienfaisance.  Puissent-elles  me  rendre  le 
crédit  que  cet  incident  m'a  peut-être  fait  perdre  ! 


Le  comte  d'Angiviller  à  d'Ixnard 

23  janvier  1780. 

J'ai  reçu,  Monsieur,  la  lettre  par  laquelle  vous  me  faites  part  de  ce 
qui  s'est  passé  à  votre  égard  depuis  l'arrivée  de  M.  Peyre  que  m'avait 
demandé  Son  Altesse  Royale  et  Électorale  de  Trêves  pour  examiner  les 
objets  qui  vous  divisaient  d'avec  les  autres  architectes  de  ce  Prince.  Je 
suis  fâché  qu'il  en  ait  résulté  des  changemens  qui,  adoptés  par  le 
Prince,  vous  ayent  mis  dans  le  cas  de  vous  retirer  de  son  service.  Vous 
ne  devez  pas  au  reste  trouver  humiliant  qu'un  architecte  de  l'Aca- 
démie Royale  qui  a  étudié  son  art  à  Rome  et  qui  l'exerce  dans  une 
ville  où  la  distribution  est  portée  à  la  plus  grande  recherche  ait  trouvé 
des  moyens  de  décoration  et  de  distribution  qui  ne  se  sont  pas  pré- 
sentés à  vous. 

Je  vois  d'ailleurs  avec  plaisir  que  vous  n'avez  q^i'à  vous  louer  des 
procédés  de  M.  Peyre  (dont  l'honnêteté  m'avait  déterminé  autant  que 
le  talent  pour  cette  mission)  et  que  le  Prince  vous  a  donné  à  l'occasion 
de  votre  retraite  des  marques  de  bonté. 

(1)  Arch.  Nat.  0»  1915*. 


DOCUMENTS  109 


Le  comle  d'Angiviller  au  comte  de  Moustier 


Versailles,  12  janvier  1780. 

Le  S'Peyre...  m'a  fait  part  des  corrections  et  changemens  qu'il  a 
faits  aux  premiers  plans  proposés  par  le  Sr  d'Ixnard  pour  le  palais  de 
Son  Altesse  Électoraleet  j'ai  lieu  de  croire  qu'il  doit  en  résulter  pour 
le  Prince  et  plus  d'agréments  et  une  diminution  considérable  de 
dépense.  Je  suis  extrêmement  flatté  d'avoir  aussi  bien  réussi  dans  le 
choix  que  j'ai  fait  et  d'avoir  adressé  à  Son  Altesse  Électorale  un  artiste 
qui  a  eu  le  bonheur  de  lui  plaire. 


Peyre  au  comte  d'Angiviller 


A  Saint-Germain,  ce  19  janvier  1780. 

Monsieur  le  Comte,  je  n'ai  pu  trouver  l'instant  ce  matin  de  vous 
dire  que  l'Électeur  m'avait  chargé  de  le  rappeler  au  souvenir  du  Roy 
et  de  dire  particulièrement  à  Monsieur  combien  il  était  sensible  à 
l'amitié  qu'il  luy  avait  témoigné  lors  de  son  séjour  à  Paris.  Je  vous 
prie,  Monsieur  le  Comte,  de  me  faire  scavoir  comment  je  m'acquitterai 
de  cette  commission. 


Paris,  8  février  1780  (1). 

Monsieur  le  Comte,  j'ai  l'honneur  de  vous  faire  part  qne  les  dessins 
des  projets  que  j'ai  faits  pour  le  palais  de  l'Électeur  de  Trêves  sont  en 
état  d'être  présentés  à  l'Académie. 

(1)  Arch.  Nat.  Qi  1915*. 


Ua  l'art  français  sur  le  rhin 


Procès-verbaux  de  l'Académie  d'Architecture  (0 

21  février  1780. 

Mrs  les  Commissaires  nommés  pour  faire  rapport  des  projets  de 
M.  Peire  le  jeune  pour  S.  A.  Électorale  de  Trêves  ayant  dit  qu'ils  le 
présenteraient  à  la  séance  du  lundi  28  février,  l'Académie  a  dit  que  les 
projets  dont  est  question  seront  exposés  jusqu'au  dit  jour  dans  la  salle 
d'assemblée  afin  qu'ils  y  soient  soumis  à  l'examen  de  Mrs  les  Acadé- 
miciens et  qu'ils  seraient  prévenus  de  ladite  exposition. 

28  février  1780. 

L'Académie  étant  assemblée,  il  a  été  fait  lecture  du  rapport  de 
Mrs  les  Commissaires  nommés  pour  l'examen  des  projets  des  édi- 
fices à  construire  pour  S.  A.  Électorale  de  Trêves  et  l'Académie,  après 
une  seconde  lecture  et  un  examen  desd.  projets  et  les  réflexions  des 
Commissaires  et  ayant  écouté  les  réponses  de  M.  Peire  le  j.  aux 
objections  qui  lui  ont  été  faites,  l'Académie  a  approuvé  ce  rapport 
unanimement  et  a  dit  que  copie  d'icelui  certifiée  conforme  serait  en- 
voyée à  M.  le  Directeur  général. 

4  avril  1780. 

L'Académie  étant  assemblée,  M.  Peire  le  jeune  a  fait  lecture  d'une 
réponse  aux  objections  que  l'Académie  a  faites  sur  les  projets  des 
plans  du  palais  de  S.  A.  Électorale  de  Trêves  et  lui  a  fait  part  en 
présentant  de  nouveaux  pians  d'une  partie  des  changements  qu'elle 
avait  paru  désirer. 


L'Électeur  de  Trêves  au  comte  d'Angiviller  (2) 

Ehrenbreitstein,  le  28  décembre  1780. 

Monsieur,  Recevez  mes  remerciements  pour  la  permission  laquelle 
vous  avez  bien  voulu  accorder  à  M.  Peyre  de  se  rendre  pour  quelques 
semaines  icy.  Comme  cependant  le  bâtiment  de  ma  nouvelle  Résidence 

(1)  Bibliothèque  de  l'Institut.  Registre  IX. 

(2)  Arch.  Nat.  0»  1916». 


DOCUMBNTfi  ÎIÎ 

exige  dans  ce  moment  bien  des  délibérations  et  que  les  desseins 
doivent  se  faire  pour  les  opérations  de  la  campagne  prochaine,  je  pré- 
vois qu'il  est  impossible  d'arranger  tout  avant  trois  ou  quatre  semai- 
nes, d'autant  plus  que  les  journées  très  courtes  et  que  les  instructions 
nécessaires  pour  les  différents  ouvriers,  le  devis  et  autres  choses  pa- 
reilles prennent  bien  du  tems. 

Je  vous  prie  donc  instamment,  Monsieur,  de  vouloir  bien  prolonger  le 
congé  de  M.  Peyre  jusque  vers  la  fin  du  mois  prochain  ou  le  12  février. 
Vous  m'obligerez  par  cette  complaisance  très  particulièrement. 


Le  comte  cV Ang'willer  à  V Electeur  de  Trêves  (l) 

Versailles,  le  12  janvier  1781. 

J'ai  reçu  la  lettre  dont  Votre  Altesse  Royale  et  Électorale  m'a  honoré, 
et  par  laquelle  Elle  me  demande  une  prolongation  de  congé  en  faveur 
de  M.  Peyre,  attendu  la  multiplicité  et  l'importance  des  détails  qu'il  a 
à  arrêter  pour  le  projet  de  votre  Palais  Électoral. 

J'avoue,  Monseigneur,  que  j'aurais  fort  désiré  que  son  absence  n'eût 
pas  été  prolongée  au  delà  des  Roys  ou  au  plus  jusqu'au  milieu  de 
janvier,  parce  que  le  roy  chassant  pendant  ces  deux  mois  dans  le 
département  dont  je  lui  ai  confié  l'inspection  (i^),  sa  présence  peut  d'un 
moment  à  l'autre  y  être  nécessaire  pour  recevoir  ses  ordres. 

Comme  néanmoins  je  ne  peux  rien  refuser  à  Votre  Altesse  Royale  et 
Électorale,  je  tâcherai  d'y  suppléer  et  je  consens  que  le  S"*  Peyre  pro- 
longe son  absence  jusqu'aux  premiers  jours  de  février.  Je  souhaite 
fort  que  ce  temps  soit  employé  de  la  manière  la  plus  utile  à  votre 
service. 


Peyre  au  comte  d'Angiviller 

A  S^  Germain  en  Laye,  ce  9  mars  1782. 
Monsieur  le  Comte,  j'ai  eu  l'honneur  de  vous  faire  part  que  S.  A.  R. 
FÉlecteur  de  Trêves  m'a  fait  demander  paur  aller  à  Coblence  immédia- 
tement après  Pâques.  Comme  Sa  Majesté  doit  terminer  ses  chasses  la 

(1)  Arch.  Nat.  0^  1916. 

(2)  Saini-Germain-en-Laye. 


112  L'ART  FRANÇAIS   SUR   LE    RHIN 

semaine  prochaine  et  que  ce  temps  sera  suivi  de  la  quinzaine  de  Pâ- 
ques, j'ai  pensé  qu'il  serait  à  propos  de  profiter  de  cet  interval. 

Je  vous  prie,  Monsieur  le  Comte,  de  m'accorder  la  permission  de  me 
rendre  auprès  de  ce  Prince  pendant  ce  temps  et  d'être  persuadé  que 
les  affaires  du  département  dont  vous  m'avez  confié  le  soin  n'en  éprou- 
veront aucune  négligence. 


L'Électeur  de  Trêves  au  comte  (TAngiviller  (i) 

Coblence,  ce  28  avril  1783. 
Recevez,  Monsieur,  mes  remerciements  pour  la  permission  que  vous 
avez  bien  voulu  accorder  à  M.  Peyre.  Je  suis  infiniment  content  de 
son  zèle,  de  ses  talents  et  de  ses  vues  œconomiques.  Soyez  donc  très 
persuadé  de  toute  ma  reconnaissance. 

Clément. 


L'Électeur  de  Trêves  au  comte  d'Angiviller  (2) 

Ehrenbreitstein,  7  janvier  1784. 

Monsieur,  Comme  le  bâtiment  de  ma  nouvelle  Résidence  exige  que 
M.  Peyre  fasse  la  revue  des  ouvrages  qu'on  a  faits  l'année  passée  et 
qu'il  donne  les  ordres  nécessaires  et  quelques  plans  pour  la  campagne 
prochaine,  je  désirerais  beaucoup  qu'il  se  rende  ici  le  mois  de  février 
pour  quatre  ou  six  semaines. 


Ehrenbreitstein,  le  1"  ipai  1784  (3). 

Recevez,  Monsieur  le  Comte,  mes  remerciements  pour  la  permission 
que  vous  avez  bien  voulu  accorder  à  M.  Peyre  de  se  rendre  ici.  Je 
suis  infiniment  satisfait  du  zèle  avec  lequel  il  a  soigné  les  objets  qui 


(1)  Arch.  Nat.  0^  1916». 

(2)  Arch.  Nat  0'  1917*. 

(3)  Arch.  Nat.  0»  19173. 


DOCUMENTS  tl3 

ont  demandé  sa  personne.  Il  a  fait  un  travail  extraordinaire  cette  fois 
avec  une  assiduité  dont  on  trouve  peu  d'exemples  et  je  suis  plus 
convaincu  que  jamais  qu'il  est  supérieur  dans  son  art  et  qu'il  possède 
autant  de  talents  que  de  probité. 


L'Électeur  de  Trêves  au   comte  d'Angiviller  (i) 

Ehrenbreitstein,  le  23  décembre  4784. 

J'espère,  Monsieur  le  Comte,  que  cela  sera  pour  la  dernière  fois  que 
je  serai  dans  le  cas  de  vous  prier  pour  une  permission  pour  M.  Peyre  ; 
mon  nouveau  bâtiment  sera  aches'é  dans  un  an  au  plus  tard. 

Vous  m'avez  toujours  accordé  la  permission  pour  M.  Peyre  de  si 
bonne  façon  que  je  n'hésite  point,  Monsieur  le  Comte,  de  vous  la 
demander  encore  dans  le  courant  du  mois  de  février  pour  environ  six 
semaines. 

Comme  grand  connaisseur  en  bâtiments,  vous  sentirez  fort  bien, 
Monsieur,  que  la  présence  de  M.  Peyre  est  d'une  nécessité  absolue, 
parce  que  ce  n'est  que  lui  qui  peut  me  tranquilliser  sur  ce  qu'on  a  fait 
depuis  et  ordonner  ce  qu'on  a  à  faire  pour  la  campagne  prochaine. 


Au  château  de  Schœnbornslust,  le  13  mai  1785. 

Recevez,  Monsieur,  mes  remerciemens  pour  la  permission  laquelle 
vous  avez  bien  voulu  accorder  à  M.  Peyre  de  se  rendre  pour  quelques 
semaines  ici.  Je  suis  fort  content  du  zèle  et  du  travail  que  M.  Peyre  a 
mis  dans  le  bâtiment  de  ma  nouvelle  Résidence. 


Le  comte  d'Angiviller  à  Peyre  (2) 

Versailles,  le  5  mars  1786. 

Son  Altesse  Royale  M«r  TElecteur  de  Trêves  m'écrit  de  nouveau  pour 
que  je  vous  accorde  la  permission  d'aller  passer  quelques  semaines  à 

(1)  Arch.  Nat.  0'  19173. 

(2)  Arch.  Nat.  0»  1919». 


Il4  LART    FRANÇAIS    SUR   LB   RlllN 

Coblentz  pour  y  terminer  les  opérations  relatives  à  la  construction  de 
son  palais.  Je  lui  marque  que  je  suis  très  empressé  à  faire  à  cet  égard 
tout  ce  qui  peut  lui  être  agréable,  mais  que  les  chasses  que  le  Roy  fera 
dans  le  courant  de  ce  mois  à  S'  Germain  doivent  pour  raison  de  votre 
service  vous  retenir  encore  ici  quelque  tems  et  au  moins  jusque  vers 
la  fin  de  mars.  Lors  donc  que  les  chasses  commenceront  à  tirer  à  leur 
fin,  vous  pourrez  vous  absenter  pour  le  tems  fixé,  après  néanmoins, 
suivant  Tusage,  avoir  pris  les  précautions  convenables  pour  que  rien 
ne  souffre  de  votre  absence.  Je  vous  invite  à  faire  tout  ce  qui  pourra 
dépendre  de  vous  pour  l'abréger  le  plus  que  vous  pourrez. 


V Électeur  de  Trêves  au  comte  (TAngiviller 


Au  château  de  Schœnbornslust,  le  23  may  1786. 

Recevez,  Monsieur,  mes  remerciemens  pour  la  permission  laquelle 
vous  avez  bien  voulu  accorder  à  M.  Peyre  de  se  rendre  pour  quelques 
semaines  ici.  Je  suis  fort  content  de  son  zèle  et  du  travail  qu'il  a  fait 
pendant  son  séjour  ici.  J'espère  et  je  désire  de  le  revoir  le  printemps 
prochain  pour  qu'il  puisse  examiner  ce  qu'on  fera  pendant  son 
absence  et  recevoir  de  moi  une  ;marque  particulière  de  ma  satis- 
faction. 


Peyre  au  comte  d'Angiviller  (l) 

St  Germain  en  Laye,  le  19  juillet  1788. 

Monsieur  le  Comte,  A  mon  dernier  voyage  à  Coblence  en  1786,  Son 
Altesse  Sérénissime  Electorale  me  témoigna  le  désir  que  je  fisse  encore 
un  voyage  au  printemps  1787;  le  Prince  ayant  fait  suspendre  ses  tra- 
vaux pendant  l'année  dernière  n'a  pas  exigé  que  je  fisse  le  voyage.  Il 
me  demande  pour  quinze  jours  ou  trois  semaines  pour  terminer  entiè- 
rement cette  affaire.  ...  Je  vous  prie.  Monsieur  le  Comte,  de  vouloir 
bien  m'accorder  un  congé. 

(1)  Arch.  Nat  0»  1920». 


bocthcÈNTS  ii5 


Le  comte  d'Angiviller  à  Peyre 


23  juillet  1788. 

Je  ne  prévois  pas,  Monsieur,  qu'aucun  objet  essentiel  pour  le  service 
du  roy  s'oppose  au  voyage  que  S.  A.  E.  de  Trêves  désire  que  vous  fas- 
siez chez  elle,  pour  donner  le  dernier  coup  d'œil  au  palais  que  vous 
lui  avez  construit.  Ainsi  vous  pouvez  vous  mettre  en  route  quand  vous 
le  voudrez. 


DESCRIPTIONS  DU   PALAIS   ÉLECTORAL   DE    COBLENCE 


Voyage  sur  le  Rhin  de  Mayence  à  Dusseldorf  (1808) 


Ce  qui  a  déterminé  l'Electeur  à  ne  plus  habiter  l'ancien  château 
électoral,  au  pied  de  la  forteresse  d'Ehrenbreitstein, c'est  d'abord,  dans 
les  tems  d'hiver,  son  humidité  qui  le  rend  très  malsain,  ensuite  les 
débâcles  dangereuses  des  glaces  que  roule  le  Rhin,  enfin  la  crainte 
de  voir  un  jour  le  rocher,  dont  déjà  plusieurs  quartiers  se  sont 
détachés  et  qui  penche  sur  le  château,  s'écrouler  en  entier  et 
l'abimer  sous  ses  ruines;  toutes  ses  incommodités  réunies  ont 
engagé  l'Élecleur  actuel  à  faire  élever  un  nouveau  bâtiment  digne 
de  sa  grandeur. 

Déjà  ce  dessein  est  exécuté.  11  a  dit  :  que  cela  soit  et  au  côté  gauche 
du  Rhin,  dans  un  site  agréable  et  riant  s'est  élevé  un  palais  simple, 
noble  et  majestueux,  réunissant  à  la  fois,  ce  qui  est  si  rare^ 
somptuosité,  commodité  et  solidité  ;  il  est  digne  en  tout  du  Prince 
qui  l'a  créé. 


lié  l'art  français  sur  le  RfilN 

Ce  palais  dont  la  façade  principale  est  du  côté  de  l'ouest  de  la 
ville  a,  outre  le  grand  corps  de  logis,  deux  bâtiments  circulaires 
qui  lui  sont  contigus  :  ils  contiennent  la  garde  du  château,  les 
offices,  les  cuisines,  les  écuries  et  les  remises.  La  cour  belle  et 
spacieuse  est  fermée  par  une  grille  simple  et  solide.  Le  bâtiment 
principal  est  dans  les  plus  belles  règles  de  l'architecture  ;  il  est 
élevé  de  trois  étages;  huit  colonnes  de  l'ordre  ionique  soutiennent 
à  sa  façade  un  balcon  très  large.  Ces  colonnes  se  détachent  assez 
du  bâtiment  pour  former  un  vestibule  sous  lequel  on  descend  des 
voitures  à  l'abri  de  la  pluie. 

La  façade  du  côté  du  Rhin  n'est  ornée  que  de  six  colonnes  qui  se 
détachent  moins  du  mur  et  portent  un  bas-relief  bien  travaillé. 

Il  est  difficile  de  décrire  les  beautés  intérieures  de  ce  château;  tout 
y  est  riche  et  élégant,  beau  sans  ornements  superflus.  Tous  les  appar- 
tements particuliers  du  second  étage  sont  nobles,  commodes  et  supé- 
rieurement distribués. 

En  entrant  dans  la  salle  à  manger,  on  se  croît  transporté  dans  les 
plus  beaux  siècles  de  la  Grèce:  les  murs  sont  couverts  de  superbes  ara- 
besques; de  hautes  niches  renferment  .des  statues  parfaites  montées 
sur  de  riches  piédestaux.  Dans  celui  qui  porte  la  déesse  Cérès 
on  a  adroitement  ménagé  un  poêle  qui  répand  des  tuyaux  de 
chaleur  dans  cette  salle  à  manger,  dans  celle  du  concert  et  dans 
celle  d'audience. 

Je  ne  parlerai  ni  de  la  chambre  appelée  la  chambre  de  Bavière  ni 
même  de  la  belle  chapelle  qui  est  dans  l'aile  droite;  mais  je  ne  puis 
passer  sous  silence  la  salle  d'audience  qui  se  dislingue  surtout  par  sa 
magnificence  et  sa  majesté,  quoiqu'un  peu  trop  petite.  On  y  admire  les 
tableaux  des  David,  des  Ménageot  qui  soutiennent  avec  tant  d'éclnt 
l'honneur  de  TÉ-îole  française.  On  ne  peut  s'arracher  de  devant  ceux 
qui  retracent  la  Continence  de  Scipion,  la  Clémence  d'Auguste  et  Marc- 
AntoinQ  distribuant  du  blé  et  de  l'or  au  peuple  romain.  Le  plafond  est 
peint  à  fresque  par  J.  Zick  (1)  :  il  y  a  peint  la  Justice  ordonnant  aux 
Vertus  et  aux  génies  qui  l'environnent  de  punir  les  Vices. 

Plusieurs  pendules  d'un  goût  exquis,  des  lustres,  des  glaces  augmen- 
tent encore  la  beauté  et  Téclat  de  celte  salle;  les  cheminées  du  plus 
beau  marbre  d'Italie  sont  ornées  de  bronzes  dorés,  supérieurement 
travaillés;  le  dais  est  de  velours  rehaussé  d'une  riche  broderie  d'or; 
tous  les  autres  meubles  et  les  rideaux  sont  assortis.  Rien  enfin  ne 
manque  à  la  magnificence  de  cette  salle. 


(1)  L'esquisse  de  ce  plafond  était  de  Lagrenée  jeune.  Voir  plus  loin  le  livret 
du  Salon  de  1795. 


DOCUMENTS  II7 


Peyre.  —  Œuvres  d'architecture.  Paris,   1818  (i) 


Depuis  plusieurs  siècles,  la  résidence  de  l'Électeur  de  Trêves  était  à 
Coblentz,  ville  située  au  confluent  du  Rhin  et  de  la  Moselle  ;  mais  le 
château  étant  bâti  de  Tautre  côté  du  Rhin,  adossé  contre  le  rocher  qui 
supportait  la  forteresse  d'Erebrinstein  {sic)  et  séparé  de  la  ville  par  le 
fleuve,  S.  A.  E.  était  privée  de  voir  les  personnes  de  sa  Cour  pendant 
l'hiver  et  lorsque  le  Rhin  charriait  des  glaces  ou  était  entièrement 
gelé.  Un  autre  inconvénient,  non  moins  grave,  rendait  Thabitation  de 
ce  château  dangereuse  :  des  pierres  se  détachaient  souvent  du  sommet 
du  rocher  et,  dans  leur  chute,  avaient  écrasé  plusieurs  parties  des  bâti- 
ments. 

Ces  considérations,  et  plus  encore  le  mauvais  état  de  ces  bâtiments 
qui  nécessitait  des  réparations  continuelles  et  des  reconstructions 
énormes,  déterminèrent  le  Prince  et  les  États  à  faire  construire  un 
château  près  de  la  ville.  On  appela  un  architecte  de  Strasbourg,  qui  fit 
des  plans  et  un  devis  montant  à  cent  mille  écus  (cinq  cent  mille  francs 
de  notre  monnaie).  Ces  projets  acceptés,  on  suivit  les  travaux  avec  la 
plus  grande  activité. 

Les  fondations  du  principal  corps  de  logis  n'étaient  pas  entièrement 
construites,  pas  une  cave  n'était  voûtée,  quelques  parties  des  murs  de 
face  avaient  été  élevées  pour  satisfaire  la  curiosité  de  l'Électeur,  lors- 
qu'on s'aperçut  qu'on  s'était  trompé  dans  l'estimation  de  la  dépense  ;  en 
effet-  les  cinq  cent  mille  francs  étaient  déjà  employés.  On  suspendit 
alors  les  travaux  et  l'on  fit  un  nouvel  examen  d'où  il  résulta  que  le 
projet  était  vicieux  sous  tous  les  rapports. 

L'Électeur  fit  demander  à  la  Cour  de  France  un  architecte  pour 
rectifier  ces  erreurs  :  c'est  alors,  en  4779,  que  je  fus  envoyé  à 
Coblentz.  Je  trouvai  le  plan  du  château  beaucoup  trop  vaste  pour  les 
besoins  du  service  du  Prince  ;  je  proposai  de  supprimer  deux  grandes 
ailes  dont  les  fondations  étaient  faites,  ce  qui  réduisait  le  bâtiment 
à  moins  des  trois  cinquièmes  de  sa  superficie  ;  et  je  fis  une  nouvelle 
distribution  dans  ce  qui  restait,  en  m'assujettissant  aux  murs  qui 
étaient  fondés. 


(1)  Notice  accompagnant  les  dessins  de  plans,  coupes,  élévations  et  profils 
de  ce  châtean. 


Il8  l'art  français  sur  le  RHIN 


QuATREMÈRE  DE  QuiNCY.  —  NoHce  historique  sur  la  vie  et 
les  ouvrages  de  M.  Peyre.  1828. 

Désigné  en  1779  pour  rectifier  les  erreurs  de  d'Ixnard  à  Coblentz, 
son  premier  soin  fut  de  réduire  le  plan  démesuré  de  son  prédécesseur 
qui  avait  agi  sur  le  terrain  comme  sur  le  papier,  où  l'on  peut  impuné- 
ment extravaguer. 

Il  sut  élaguer  beaucoup  de  superfluités  dispendieuses  sans  tomber 
dans  la  froideur  et  dans  la  monotonie. 

L'élévation  du  palais  offre,  en  hauteur,  deux  ordonnances  variées  ; 
et  la  longueur  de  la  masse  totale,  divisée  par  un  avant-corps  en 
colonnes,  aboutit  de  chaque  côté  à  une  partie  circulaire  qui,  par  le 
plan,  rappelle  les  colonnades  de  la  place  de  Saint-Pierre  et  forme  une 
heureuse  opposition  à  la  ligne  droite  de  la  face. 


Percier  ET  Fontaine.  —  Résidences  de  souverains, 
Paris.  i833. 

La  résidence  principale  des  princes  électeurs  archevêques  de  Trêves 
était  anciennement  sur  la  rive  droite  du  Rhin,  en  face  de  la  ville  de 
Coblentz,  au  pied  de  la  Forteresse  d'Ehrenbreitstein.  Les  glaces,  les 
grandes  crues  d'eau  du  fleuve,  pendant  l'hiver,  interceptaient  souvent 
la  communication  du  palais  avec  la  ville,  dans  laquelle  se  trouvaient 
toutes  les  administrations  du  gouvernement.  Des  masses  de  pierres, 
détachées  de  l'énorme  rocher  à  pic,  sur  lequel  s'élève  la  forteresse, 
avaient,  à  différentes  époques,  causé  de  grands  dommages  et  même 
écrasé  des  parties  de  bâtiment  considérables.  Ces  inconvénients,  ces 
dangers,  et  plus  encore  la  nécessité  de  rebâtir  ou  de  restaurer  presque 
en  entier  le  palais  qui,  de  tous  côtés,  tombait  en  ruine,  et  dont  la  dis- 
tribution était  incommode,  déterminèrent  le  prince  électeur  archevêque 
de  Trêves,  Clément  Venceslas  Hubert  François  Xavier,  fils  du  roi  de 
Pologne  Frédéric-Auguste  III,  à  faire  construire,  en  meilleure  position, 
un  nouveau  palais  sur  la  rive  gauche  du  Rhin,  à  l'extrémité  sud-est  de 
la  ville  de  Coblentz. 

Plusieurs  architectes  ayant  été  appelés  à  présenter  des  projets,  ceux 


DOCUMENTS  II9 

de  Michel^Dixnard,  directeur  des  bâtiments  de  l'Électeur,  furent  préfé- 
rés parce  que,  malgré  la  grande  étendue  de  son  plan,  le  devis  des 
dépenses  ne  s'élevait  qu'à  la  somme  de  500  mille  francs. 

Le  30  mai  1778,  le  prince  fit  commencer  les  fouilles  et  posa  solennel- 
lement la  première  pierre  de  cet  édifice.  Mais  lorsque,  vers  la  fin  de 
l'année  1779,  les  constructions  s'élevaient  à  peine  à  la  hauteur  du  sol, 
et  avant  même  que  les  caves  fussent  voûtées,  on  reconnut,  d'après 
l'estimation  des  choses  faites,  dont  la  dépense  outrepassait  déjà  le  mon- 
tant du  premier  devis,  que  l'entière  exécution  du  plan,  tel  qu'il  était 
conçu,  coûterait  indubitablement  au  moins  trois  millions. 

On  arrêta  le  travail,  on  demanda  à  l'architecte  d'autres  plans,  avec 
des  changements  et  des  réductions  sur  lesquels  l'Académie  royale 
d'architecture  de  Paris  ayant  été  directement  consultée,  son  secrétaire 
perpétuel,  M.  Sedaine,  répondit  que  l'Académie  ne  pouvait,  sans  l'as- 
sentiment du  directeur  général,  ordonnateur  des  Bâtiments  et  Manu- 
factures, M.  le  comte  d'Angivilliers,  et  sans  un  ordre  spécial  du  roi 
prendre  connaissance  d'un  travail  qui  était  étranger  à  ses  occupations 
habituelles  et  sur  lequel  il  était  difficile  qu'elle  pût  avoir  des  notions  de 
localité  suffisantes.  Le  prince,  d'après  cette  réponse  évasive,  adressa 
directement  sa  demande  au  roi  Louis  XVI,  et  de  suite  l'Académie  reçut 
par  M.  le  comte  d'Angivilliers  les  nouveaux  projets  de  M.  Dixnard,avec 
l'ordre  de  les  examiner  en  détail  et  d'indiquer  les  rectifications  qu'elle 
jugerait  nécessaires.  L'Académie,  dans  l'alternative  délicate  et  difficile 
d'avoir  à  prononcer  sur  le  mérite  d'un  ouvrage  commencé  et  d'avoir  à 
donner  son  avis  sur  des  dispositions  locales  'qu'elle  était  hors  d'état  de 
bien  apprécier,  proposa  d'envoyer  sur  les  lieux  l'un  de  ses  membres 
les  plus  distingués  et  désigna  à  cet  effet  M.  Antoine-François  Peyre,  dit 
Peyre  le  jeune,  qui  avait  alors  environ  quarante  ans. 

M.  Peyre,  déjà  célèbre  dans  son  art,  se  rendit  à  Coblentz  dans  le 
mois  d'avril  1780  (1).  Ayant  examiné  l'état  des  constructions,  déjà  éle- 
vées, avec  cette  justesse  d'esprit,  cette  sagacité  de  bon  goût  et  de 
jugement  qui  caractérisaient  son  grand  talent,  ayant  pris  sur  chaque 
chose  des  renseignements  et  des  informations  utiles,  il  fit  un  projet 
que  l'Electeur  approuva  et  dont  Son  Altesse  ordonna  sur  le  champ 
l'exécution. 

M.  Peyre  se  trouvant  ainsi  chargé  d'améliorer  une  conception  qui- 
n'était  pas  la  sienne  et  de  ne  faire  en  quelque  sorte  qu'une  restauration, 
remplit  avec  art  et  sagesse  la  tâche  difficile  qui^  lui  était  imposée.  Il 
supprima  deux  grandes  ailes  déjà  fondées,  changea  les  divisions  du 
corps  de  logis  principal,  en  refit  les  distributions  pour  les  rendre  plus 


(1)  C'est  une  erreur.  Le  congé  de  Peyre  pour  aller  à  Coblentz  est  daté  du 
26  octobre  1779  et  il  s'y  rendit  pour  la  première  fois  le  7  novembre  1779. 


120  L  ART   FRANÇAIS   SUR   LE   RHIN 

commodes  et  plus  agréables,  donna  à  chaque  partie  une  proportion 
qui  s'accordait  mieux  avec  l'ensemble  général,  construisit  deux  bâti- 
ments circulaires  moins  élevés  en  avant  du  palais  pour  loger  la  garde  et 
le  service  du  prince,  disposa  la  grande  place  et  les  avenues  qui  précè- 
dent l'entrée  de  manière  à  s'accorder  avec  la  situation  de  la  ville  et  à 
tirer  avantage  de  la  disposition  des  rues  qui  aboutissent  au  palais* 
Enfin,  après  huit  années  de  travaux,  après  quelques  interruptions,  le 
palais  neuf  de  Coblentz,  entièrement  terminé,  a  été  habité  par  le  prince 
électeur  le  23  novembre  1786.  Le  montant  total  des  dépenses  s'est 
élevé  à  la  somme  de  \  million  985  mille  francs. 

Dans  le  nombre  considérable  des  belles  choses  qui  composaient 
l'ensemble  de  cet  édifice,  on  distingua  la  chapelle,  la  galerie,  la  salle 
du  trône,  le  grand  escalier  et  le  péristyle  d'entrée.  On  admira  la  distri- 
bution des  grands  et  des  petits  appartements  et  surtout  l'ingénieuse 
variété  des  ornements  dont  chaque  pièce  était  décorée.  On  remarqua, 
ce  qui  n'était  pas  ordinaire  alors,  que  la  sculpture  et  la  peinture  s'al- 
liaient d'une  manière  remarquable  dans  une  harmonie  rare,  dans  un 
accord  parfait,  sans  nuire  à  l'architecture. 

Mais  le  prince-électeur  ne  devait  pas  jouir  longtemps  des  charmes  du 
séjour  que  ses  épargnes,  la  persévérance  et  les  talents  de  M.  Peyre  lui 
avaient  préparé.  Coblentz,  dès  l'année  1789,  était  devenu  le  lieu  de 
réunion  des  émigrés  qui  fuyaient  la  révolution  de  France;  et  lorsque, 
le  23  octobre  1794,  les  armées  républicaines,  sous  les  ordres  du  général 
Jourdan,  s'emparèrent  de  cette  ville,  il  fallut  démeubler  le  palais,  le 
dépouiller  de  ses  ornements,  enlever  ses  richesses  et  quitter  pour  tou- 
jours une  habitation  qui,  ne  pouvant  plus  être  celle  d'un  souverain, 
devait  désormais  servira  d'autres  usages. 

L'archevêque  de  Trêves,  dépossédé  de  ses  Etats,  se  retira  en  Souabe, 
à  Oberdorf,  où,  le  13  juin  1812,  à  l'âge  de  soixante-treize  ans,  il  ter- 
mina ses  jours.  Son  palais...  devint,  pendant  laguerre  de  la  Révolution, 
successivement  le  quartier-général  des  armées,  le  magasin  ou  le  dépôt 
des  approvisionnements  et  souvent  l'hôpital  des  blessés. 

Nous  avons  été  chargés  en  mai  1809,  par  l'empereur  Napoléon,  de 
visiter  le  château  de  Brùhl,  résidence  particulière  de  l'électeur  de 
Cologne,  et  celui  de  Coblentz  afin  de  rendre  compte  de  l'état  dans  lequel 
se  trouvaient  ces  deux  habitations  et  d'indiquer  la  destination  qu'elles 
pouvaient  recevoir.  Le  projet  de  l'empereur  était  alors  de  donner  le 
palais  deBrûhl  au  capitaine  général  qui  devait  avoir  le  commandement 
militaire  de  toute  la  province  de  ce  coté  et  de  consacrer  celui  de 
Coblentz  à  des  établissements  d'administration  publique.  Nous  trou- 
vâmes ce  dernier  rempli  d'effets  d'équipement  pour  les  troupes  et  très 
dégradé.  Des  ordres  ont  aussitôt  été  donnés  pour  débarrasser  les  lieux 
et  des  sommes  ont  été  accordées  pour  entreprendre  les  rétablissements 
indispensables. 


DOCUMENTS  121 

II.  —  Château  de  Kârlich 

EYRE.  —  Œuvres  d'architecture.  Paris  1818. 

L'Électeur  de  Trêves  m'avait  demandé,  en  4788,  les  projets  d'un 
pavillon  qu'il  voulait  faire  construire  dans  les  jardins  du  château  de 
Kerlich. 

Ce  château  est  situé  sur  les  bords  du  Rhin,  à  deux  lieues  N.  0  de 
Goblentz,  au  pied  d'une  montagne  couverte  d'un  bois  magnifique  ;  des 
sources  abondantes  sortent  de  cette  montagne.  L'Electeur  fit  diriger  le 
cours  de  ces  eaux,  qui  allaient  naturellement  se  perdre  dans  le  Rhin^ 
de  manière  à  ce  qu'elles  fussent  utiles  et  qu'elles  produisissent  en 
même  temps  des  effets  agréables  et  pittoresques;  elles  font  mouvoir  des 
usines,  alimentent  des  fontaines,  baignent  le  pied  de  la  maison  d'un 
garde,  traversent  un  bosquet  couvert  d'un  bois  épais  où  le  soleil  ne 
pénètre  jamais  et  vont  se  précipiter  parmi  des  rochers  d'où  elles  sor- 
tent en  cascades  pour  arroser  les  beaux  jardins  du  château  de  Kerlich. 

L'Électeur  demandait  que  le  pavillon  fût  construit  dans  le  jardin, 
entre  la  forêt  et  le  château  et  qu'il  réunît  à  tout  l'agrément  possible  la 
commodité  du  service.  11  voulait  qu'il  contint  deux  appartements,  un 
pour  lui,  l'autre  pour  l'Altesse  royale  de  Saxe,  sa  sœur. 

Je  projetai  un  pavillon  carré,  au  centre  duquel  est  une  volière  qui 
s'élève  du  sol  de  grottes  pratiquées  dans  le  soubassement  ;  on  devait 
entrer  dans  ce  pavillon  du  côté  de  la  forêt  par  un  premier  vestibule  et 
l'entrée  du  prince  aurait  été  du  côté  du  château  par  un  portique  orné 
de  six  colonnes  d'ordre  dorique.  Les  escaliers  des  souterrains  et  des 
étages  supérieurs  sont  placés  dans  les  angles  du  bâtiment. 

L'usage  en  Allemagne,  et  particulièrement  dans  la  partie  du  bas 
Rhin,  est  de  faire  de  la  musique  dans  les  maisons  de  plaisance  des 
princes  et  des  grands  seigneurs  pendant  l'heure  des  repas  et  des 
assemblées.  J'ai  en  conséquence  pratiqué  dans  le  grand  vestibule  qui 
règne  autour  de  la  volière  quatre  tribunes  où  les  musiciens  eussent  été 
distribués.  Les  sons  de  la  musique  entendus  distinctement  de  toutes 
les  pièces  du  pavillon  se  seraient  mêlés  au  chant  mélodieux  des  oiseaux. 

Quelques  années  avant  de  me  demander  les  plans  de  ce  pavillon, 
S.  A.  E.  m'avait  chargé  de  composer  une  décoration  pour  l'intérieur  de 
la  salle  à  manger  de  l'ancien  château.  Je  proposai  de  le  décorer  d'un 
ordre  dorique  et  de  faire  un  entablement  en  plâtre  ou  en  bois  qui  eût 
régné  dans  tout  le  pourtour  de  la  salle.  Toute  la  partie  inférieure  eût 
été  peinte  ;  le  côté  en  face  des  croisées  eût  offert  l'aspect  d'un  portique 
ouvert  sur  un  jardin  orné  de  fontaines  jaillissantes  et  de  statues  de 
marbré, 


122  l'art  français   SUR   LE  RHIN 


Salon  de  1795. 

PEYRE,  —  2041.  Plan,  coupe,  élévation  en  perspective  d'un  cazin,  projette 
en  1788  pour  les  jardins  de  Kerlich  (1)  sur  le  Rhin  dans  l'Électoral  de 
Trêves. 

L'abondance  des  eaux  venant  de  la  montagne  eut  permis  de  former  le 
soubassement  en  cascade.  On  en  a  profité  pour  pratiquer  plusieurs  fon- 
taines dans  l'intérieur  du  Pavillon  et  des  Grottes.  Une  volière  au  centre 
est  entourée  d'une  gallerie  qui  donne  entrée  aux  pièces  principales. 

Un  jet  d'eau  au  milieu  de  la  volière,  d'autres  au  centre  des  escaliers, 
des  fontaines  dans  les  quatre  petites  cours  eussent  procuré  de  la  fraî- 
cheur et  un  spectacle  d'autant  plus  agréable  qu'elles  se  seraient  plu- 
sieurs fois  reproduites  à  la  vue.  Leur  murmure  et  le  chant  des  oiseaux 
auraient  ajouté  de  nouveaux  charmes. 

20  i2.  Esquisse  d'un  plafond  qui  a  été  exécuté  dans  la  salle  d'audience  de 
l'Électeur  de  Trêves. 

Le  plafond  qui  a  été  peint  est  La  Justice  terrassant  le  vice. 
Le  sujet  du  Lever  du  soleil  dans  cette  esquisse  a  été  dessiné  par  le 
G.  Lagrenée  jeune  (2). 

2046.  Dessin  d'un  candélabre  exécuté  en  argent  pour  l'Électeur  de  Trêves. 


III.  —  Pavillon  et  ferme  de  Thiburg,  près  Trêves 


M.  le  baron  de  Kerpen,  chanoine  du  chapitre  électoral  et  gouverneur 
de  la  ville  de  Trêves,  avait  en  apanage  la  censive  de  Thiburg,  située  à 
une  lieue  de  la  ville  sur  les  bords  de  la  Moselle  et  dans  une  position 
admirable.  Ge  prélat  me  demanda  les  projets  d'une  ferme  et  d'un  très 
petit  pavillon  d'où  il  pût  jouir  de  tout  l'agrément  de  cette  belle  situation 
et  inspecter  en  même  temps  les  travaux  de  la  ferme.  Il  désirait  que  ces 
bâtiments  contribuassent  à  l'ornement  du  cours  de  cette  rivière  qui, 
depuis  Trêves  jusqu'à  Coblentz,  est  délicieuse  par  la  variété  des  sites, 
par  de  jolies  habitations  qui  la  bordent,  par  la  beauté  de  la  campagne, 
la  variété  des  bois,  des  rochers  et  par  le  concours  des  voyageurs  qui 
vont  par  eau  de  Trêves  à  Goblentz. 

(1)  Kârlich. 

(2)  Le  plafond  de  la  salle  d'audience  du  palais  électoral  de  Coblence  fut 
peint  d'après  l'esquisse  de  Lagrenée,  par  J.  Zick. 


DOCUMENTS  123 


V.    Electorat  de  Cologne 


L'Électeur  de  Cologne  Joseph  Clément  à  V architecte 
Robert  de  Cotte  (i) 

Lille,  le  43  août  1704. 

L'embarras  d'un  voyage.  M.,  et  d'autres  affaires  importantes  que  j'ay 
eues  avant  mon  départ  de  Namur  m'ont  empêché  de  répondre  plus  tôt 
à  la  lettre  que  vous  m'avez  écrite  le  22  du  mois  de  juin  dernier. 

A  présent  que  je  commence  un  peu  à  respirer,  mon  premier  soin  a 
été  de  vous  remercier  de  l'honnêteté  avec  laquelle  vous  avez  bien  voulu 
examiner  le  mémoire  que  je  vous  avais  envoyé  pour  l'église  que  j'ay 
dessein  de  faire  bâtir  à  Bonn  (2),  Je  vous  prie  de  faire  travailler  aux 
desseins  le  plutôt  qu'il  sera  possible  et  avec  le  tems  je  vous  demanderay 
aussy  votre  avis  sur  ce  que  je  pourray  faire  pour  rétablir  mon  jardin 
de  Poppelsdorf  qui  est  fort  délabré  aussi  bien  que  la  maison  et  pour 
cet  effet  je  vous  en  envoyeray  un  plan  exact  avec  tout  ce  qui  en  dépend 
pour  que  vous  ayiez  la  bonté  de  me  dire  votre  sentiment  là-dessus. 


Lille,  le  l^""  avril!  709. 

Je  suis  fâché,  Monsieur,  d'être  obligé  de  vous  importuner  si  sou- 
vent; mais  votre  honnêteté  vous  attire  cet  embarras...  Comme  malgré 
mon  absence  on  ne  laisse  pas  de  travailler  toujours  à  mon  palais  de 
Bonn,  je  vous  prie  très  instamment  de  me  faire  sçavoir  votre  avis  sur 
le  tout  le  plutôt  que  votre  commodité  vous  le  pourra  permettre. 

(1)  Tonte  cette  correspondance  est  conservée  au  Cabinet  des  Estampes  de  la 
Bibliothèque  Nationale. 

(2)  Il  s'agit  de  l'église  Saint-Michel  destinée  à  une  de  ses  fondations  favo- 
rites, la  confrérie  de  Sjiim-Micbel, 


124  l'art  français  sur  le  rmn 


Valenciennes,  le  6  juin  1712. 

Monsieur  le  duc  d'Antin  m'ayant  fait  sçavoir,  Monsieur,  que  malgré 
vos  occupations  continuelles  pour  le  service  de  S.  M.  T.  C,  vous  vouliez 
bien  prendre  la  peine  de  faire  quelques  desseins  pour  la  décoration  du 
dedans  de  mon  palais  de  Bonn  et  surtout  de  l'appartement  que  j'y  dois 
occuper,  je  prens  la  liberté  de  vous  envoyer  le  plan,  avec  la  hauteur, 
et  un  mémoire  qui  vous  informera  de  ce  que  je  souhaite  que  l'on  fasse 
dans  chaque  place  qui  le  doit  composer.  Je  feray  exécuter  le  tout  sur 
les  lieux  et  il  ne  s'agit  présentement  que  des  desseins,  que  je  vous 
prie  de  m'envoyer  l'un  après  l'autre,  à  mesure  que  vous  aurez  eu  le 
temps  de  les  faire. 

Je  ne  me  serais  jamais  attendu,  Monsieur,  que  vous  eussiez  bien 
voulu  vous  charger  de  ce  soin  elje  vous  en  suis  d'autant  plus  redevable 
queje  n'ay  point  encore  mérité  cette  honnêteté  de  votre  part.  Je  scay 
quels  sont  vos  rares  talens  non  seulement  par  tout  ce  qui  s'est  fait  de 
beau  en  France  sous  votre  direction,  mais  encore  par  le  récit  de  tous 
ceux  qui  vous  connnaissent  et  principalement  de  M.  de  Maillebois  qui 
m'a  dit  mille  biens  de;vous  quand  j'ay  passé  depuis  peu  à  Maubeuge. 


Valenciennes,  le  13  juin  1713. 

Je  suis  charmé,  Monsieur,  du  beau  dessein  que  vous  avez  pris  la 
peine  de  m'envoyer  pour  la  chapelle  de  mon  palais  de  Bonn.  L'idée  en 
est  tout  à  fait  noble,  la  disposition  admirable  et  l'exécution  en  sera 
superbe  et  magnifique.  Mais  comme  le  Saint  Esprit  est  déjà  en  pein- 
ture au-dessus  de  l'autel,  je  crois  qu'a  la  place  de  celui  que  vous  avez 
marqué  et  d'où  sortent  tous  ces  rayons  qui  font  un  si  bel  effet,  on 
pourrait  mettre  un  Jehova  ou  telle  autre  chose  que  vous  trouveriez 
convenable.  D'ailleurs,  Monsieur,  cette  chapelle,  comme  je  pense  vous 
l'avoir  dit,  est  dédiée  à  la  Nativité  du  Sauveur  et  à  la  Sainte  Famille, 
de  sorte  qu'il  faut  que  tous  les  ornemens  et  les  attributs  le  dénotent  ; 
et  ceta  étant,  ne  trouveriez  vous  pas  à  propos  qu'au  lieu  de  l'arche  qui 
est  portée  parles  Anges,  on  fît  une  crèche  avec  l'Enfant  Jésus  dedans, 
toujours  portée  par  les  mêmes  Anges,  sans  rien  changer  de  plus  au 
dessein  ?  C'est  sur  quoi  je  vous  prie  de  me  dire  votre  sentimenl, 
auquel  je  me  conformeray  volontiers,  connaissant  comme  je  fais  votre 
haute  capacité  et  votre  bon  goût  en  toutes  choses. 


toocuMENts  laS 

Si  M.  le  duc  d'Antin,  en  me  renvoyant  à  vous,  ne  m'avait  autorisé 
en  quelque  façon  à  vous  incommoder  de  tems  en  tems  pour  mes  bâti- 
mens,  je  n'aurais  garde  de  vous  importuner  si  souvent.  Mais  l'envie 
que  j'ay  d'avoir  quelque  chose  de  beau  et  d'achevé  est  plus  forte  que 
toute  autre  considération  et  jescay  queje  ne  sçaurais  m'adressera  une 
personne  plus  habile  et  plus  étendue  [sic)  que  vous  en  ces  sortes  de 
matières. 

Vous  me  ferez  un  très  sensible  plaisir,  Monsieur,  de  continuer  tou- 
jours à  m'assister  de  vos  conseils  quand  je  prendray  la  liberté  de  vous 
consulter  et  je  vous  envoyrray  dans  peu  le  dessein  général  de  mon 
palais  de  Bonn  avec  des  remarques  ponr  que  vous  les  daigniez  exa- 
miner et  me  mander  ensuite  votre  pensée  là-dessus. 


Valenciennes.  le  25  juin  1713  (1). 

Vous  aurez  vu,  Monsieur,  par  une  dernière  lettre  les  remarques  que 
j'ay'  faites  sur  votre  admirable  dessein  pour  la  décoration  du  grand 
autel  de  ma  chapelle  de  Bonn  et  j'espère  de  votre  honnêteté  que  vous 
voudrez  bien  me  donner  promptement  votre  avis  là-dessus  et  m'assister 
pour  tout  le  reste  de  vos  grandes  lumières. 

Je  vous  ay  parlé  de  mon  palais  de  Bonn  et  vous  recevrez  par  mon 
Résident  de  Waldor  (2)  le  plan  de  mon  appartement  et  les  projets  qui 
ont  été  faits  pour  l'agrandissement  de  la  ville.  Mais  comme  depuis  j'ay 
entièrement  changé  de  pensée  pour  achever  ce  palais,  je  suis  bien  aise, 
avant  que  me  déterminer  à  rien,  Monsieur,  de  vous  communiquer 
ma  nouvelle  idée  et  de  vous  demander  votre  conseil  sur  trois  projets 
différens  que  j'ay  en  tête.  .. 

Il  y  a  trois  inconvénients  insurmontables  qui  m'empêchent  d'ache- 
ver ce  que  j'avais  d'abord  résolu  de  faire  et  pour  vous  les  expliquer 
l'un  après  l'autre,  je   vous  diray  ; 

Premièrement  que  de  quelque  manière  qu'on  tourne  le  premier  plan,  il 
ne  pourrait  jamais  y  avoir  que  de  petits  apparlemens  dont  je  suis 
entièrement  dégoûté  depuis  que  j'ay  vu  à  Paris  et  aux  environs  les 
vastes  et  superbes  bâtiments  qu'on  y  a  faits  depuis  peu. 

Le    second   inconvénient    est   que  la  cour    sera  toujours   obscure, 

(1)  Quelques  extraits  de  cette  lettre  très  importante  ont  été  reproduits  par 
Renard  dans  son  étude  sur  les  bâtiments  de  l'électeur  Joseph  Clémeat. 

(2)  Waldor  appartenait  à  une  famille  d'artistes  liégeois.  On  sait  que 
Joseph-Clément  était,  en  même  temps  qu'archevêque  de  Cologne,  évêque  de 
Liège. 


îaé  L^ART  FRANÇAIS   SUR  LE  Rtil^ 

quelque  chose  qu'on  puisse  faire,  outre  que  cette  cour  n'est  pas  carrée 
et  qu'elle  va  en  biais  de  plus  de  cinq  pieds  du  côté  de  la  chapelle. 

Et  en  troisième  lieu,  c'est  le  point  principal,  à  sçavoirque  pour 
achever  ce  palais  de  la  manière  qu'il  a  été  projette,  il  faudrait  abattre 
à  l'entour  une  trentaine  de  maisons  pour  le  moins,  pour  faire  une  belle 
place  devant  :  ce  qui  coûterait  certainement  tout  autant  que  si  l'on  en 
bâtissait  un  nouveau,  puisqu'il  faudrait  acheter  tous  ces  fonds  là  des 
propriétaires  à  qui  ils  appartiennent,  lesquels  ne  manqueraient  pas  de 
se  prévaloir  (1)  de  l'occasion  et  de  me  les  vendre  fort  cher. 

Considérant  donc  ces  trois  inconvéniens  et  outre  cela  que  l'on 
doit  raser  les  fortifications  de  Bonn,  je  crois  ne  pouvoir  mieux  faire 
que  de  profiter  du  terrain  que  je  gagneray  par  cette  démolition,  sans 
qu'il  m'en  coûte  rien,  et  de  pousser  mon  palais  du  côté  où  le  jardin 
est  marqué  et  où  l'on  aurait  de  la  place  de  reste  pour  pouvoir  faire 
tout  ce  que  Ton  voudrait. 

Cela  étant,  je  ne  veux  conserver  que  cette  façade  et  le  corps  de  logis 
dont  je  vous  envoyé  le  plan  comme  ils  sont,  puisque  cela  est  fait  et 
achevé  et  mon  dessein  est  d'abandonner  tout  le  reste,  tant  de  la  cha- 
pelle que  du  vieux  bâtiment  pour  des  offices  et  autres  choses  à  peu 
près  semblables... 

J'ay  trois  différens  desseins  en  tête  et  je  vais  vous  les  expliquer  le 
mieux  que  je  pourray,  pour  que  vous  jugiez  lequel  serait  le  plus  conve- 
nable et  le  plus  beau  dans  l'exécution. 

Le  premier  est  de  pousser  en  avant  deux  ailes  avec  les  deux  pavil- 
lons... et  les  fermer  ensuite  avec  une  grille  et  il  resterait  encore  assez 
d'espace  pour  un  jardin  raisonnable.  Dans  l'aile  qui  serait  attachée  au 
pavillon  D,  on  placerait  un  grand  salon  qui  donnerait  entrée  dans  mon 
appartement.  On  monterait  à  ce  grand  salon  par  un  bel  et  magnifique 
escalier  auquel  on  attacherait  la  principale  entrée  dans  la  cour...  De 
l'autre  côté  dans  le  même  corps  de  logis  on  placerait  au  delà  de  l'esca- 
lier un  appartement  pour  quelque  Prince  étranger  et  de  plain-pied 
seraient  aussi  des  appartements  pour  les  ministres  et  les  gentilshom. 
mes  des  Princes  qui  me  feraient  l'honneur  de  me  venir  voir... . 

Ma  deuxième  idée  est  de  donner  la  même  figure  au  palais,  mais  de 
disposer  les  choses  de  manière  que  le  corps  de  logis  attaché  au  pavil- 
lon D  en  fasse  le  milieu.  Un  canal  irait  droit  à  ma  maison  de  campa- 
gne de  Poppelsdorf,  laquelle  se  trouverait  justement  en  perspective  en 
face  de  la  cour  de  mon  palais.  Si  l'on  prenait  la  résolution  d'exécuter 
ce  dernier  projet,  j'abandonnerais  mon  appartement  aux  étrangers  et 
je  placerais  le  mien  qui  serait  beaucoup  plus  vaste  et  plus  grand  dans 
ces  deux  nouvelles  ailes,  en  y  conservant  toujours  les  mêmes  commo- 


(1)  Renard  imprime  :  de  leur  prévaloir,  ce  qui  n'a  aucun  sens. 


bÔCtJMENl'^  1^5 

dites  qui  sont  dans  le  vieux.  Car  pour  que  je  sois  logé  comme  il  faut, 
il  est  absolument  nécessaire  que  l'appartement  que  je  dois  occuper 
soit  composé  des  pièces  suivantes  ; 

1"  d'un  grand  escalier; 

2°  d'un  vestibule; 

3°  d'un  salon  ; 

4°  d'une  première  anti-salle  qui  est  ce  qu'on  appelle  à  Versailles  la 
salle  des  Gardes  ; 

5°  d'une  seconde  anti-salle; 

6°  d'une  première  antichambre  ; 

7"  d'une  seconde  antichambre  ; 

8°  d'une  chambre  d'audience; 

9»  d'un  grand  cabinet  qui  sert  aussi  de  chambre  du  Conseil; 
10°  d'une  chambre  à  coucher; 
11°  d'un  cabinet  secret; 

12°  de  plusieurs  cabinets  de  miroirs,  antiques,  médailles  et  autres 
curiosités; 
13°  d'une  place  pour  serrer  des  papiers; 
14.0  d'un  cabinet  pour  mettre  des  livres  ou  bibliothèque  ; 
18°  d'une  garderobe  ; 
15°  de  la  chapelle  de  la  chambre  ; 
17°  d'une  gallerie; 
18°  d'une  place  pour  un  billard  ; 
19°  d'une  chambre  pour  le  Capitaine  des  Gardes; 
20»  d'une  chambre  pour  les  gentilshommes  de  service  ; 
21°  d'une  chambre  pour  le  valet  de  chambre  de  service; 
22°  d'une  chambre  pour  le  garçon  de  la  chambre... 

Voilà,  Monsieur,  mes  deux  premiers  projets  et  voici  le  troisième. 

Mon  dessein  est  donc  en  dernier  lieu  de  bâtir  un  palais  tout  à  fait 
neuf  du  côté  du  Rhin  et  le  placer  de  sorte  qu'il  se  joigne  au  vieux  et 
à  ce  corps  de  logis  qui  est  fait,  par  des  galleries  de  communication. 
Toute  la  difficulté  que  j'y  trouve  est  que  ce  qui  est  de  l'autre  côté  du 
Rhin  tout  vis-à-vis  est  terre  de  l'Electeur  Palatin  lequel,  en  cas  de  rup- 
ture, pourrait  un  beau  matin  me  saluera  grands  coups  de  canon  et  abat- 
tre ma  maison,  comme  on  a  déjà  fait  aux  deux  derniers  sièges  de  Bonn 
et  comme  j'ay  voulu  faire  moi-même  à  cet  Électeur  à  l'égard  de  son 
palais  de  Dûsseldorf,  pendant  qu'au  commencement  de  cette  guerre  les 
Alliés  ont  fait  le  siège  de  Kayserswerth.  Car  c'est  pour  lui  le  même 
inconvénient  que  pour  moy.  Et  outre  cela  le  Rhin  déborde  en  de 
certains  tems  et  monte  quelquefois  à  douze  pieds  de  haut. 

Cependant  quelque  résolution  que  l'on  prenne  et  de  quelque  façon 
qu'on  veuille  placer  mon  palais,  je  veux  toujours  que  tout  le  terrain 


120  L*ART  FRANÇAIS  StJR   LE    RHIN 

qui  est  depuis  les  vieilles  fortifications  jusques  aux  nouvelles  et  jusques 
au  Rhin  soit  occupé  pour  le  service  de  ma  Cour,  soit  en  place  devant  le 
palais,  soit  en  jardin...  Mais  il  faut  outre  cela  avoir  attention  que  de 
toutes  manières  je  veux  avoir  sur  le  bord  du  Rhin  uu  petit  corps  de 
logis  ou  un  petit  pavillon  séparé,  où  l'on  pourra  aller  de  mon  palais 
par  longue  gallerie  de  communication,  comme  on  va  des  Thuilleries  au 
vieux  Louvre,  et  que  cette  gallerie  doit  aussi  communiquer  aux  pièces 
suivantes  qui  seront  attachées  par  là  au  palais  savoir  : 

Le  séminaire. 

Des  écuries  pour  deux  cens  chevaux  avec  des  logemens  convenables 
pour  le  Grand  Écuyer  et  pour  le  Premier  Écuyer. 

Un  manège. 

Un  jeu  de  paume. 

Un  théâtre  pour  représenter  des  opéras. 

L'apothiquairerie  de  la  Cour. 

La  poissonnerie  de  la  Cour. 

La  poullaillerie  de  la  Cour. 

Un  logement  pour  le  jardinier  de  la  Cour. 

L'infirmerie  de  la  Cour. 

Le  magasin  des  bois  nécessaires  pour  le  bâtiment  et  l'entretien  de 
la  Cour. 

Je  vous  prie,  Monsieur,  d'avoir  en  tout  ceci  plus  d'égards  au  bon 
goût  et  à  la  commodité  qu'à  la  magnificence,  qui  accompagne  tout  ce 
que  vous  ordonnez  de  beau  pour  S.  M.  T.  C.  laquelle  doit  avoir  avec 
justice  des  palais  qui  correspondent  à  sa  grandeur  et  à  sa  puissance  : 
mais  il  faut  que  mes  bâtimens  cadrent  à  mes  moyens,  qui  ne  sont  rien 
en  comparaison  des  siens. 

Au  reste  je  suivray  pour  ma  chapelle  les  avis  que  vous  me  donnez 
par  votre  obligeante  lettre  du  10  de  ce  mois,  et  je  ne  changeray  à 
votre  dessein  que  l'autel  qui  pourtant  est  tout  à  fait  beau  et  magnifique 
comme  vous  Tavez  marqué  ;  mais  comme  les  Luthériens  font  les  leurs 
à  peu  près  semblables,  j'y  veux  mettre  des  paremens  de  broderie, 
ainsi  qu'il  se  pratique  ordinairement  pour  les  différencier  de  ceux  des 
Protestants,  de  sorte  qu'il  ne  sera  pas  nécessaire  de  le  faire  de  marbre. 

Je  suis  confus  de  toutes  les  peines  que  je  vous  donne  ;  mais  je  fais 
si  grand  fond  sur  votre  honnêteté  que  je  ne  doute  point  que  vous  ne 
continuiez  à  m'assister  toujours  de  vos  bons  conseils,  jusqu'à  ce  que 
mon  palais  et  tout  ce  qui  en  dépend  soit  dans  la  perfection.  En  atten- 
dant je  suis  av^  beaucoup  d'estime  et  de  reconnaissance,  Monsieur, 
véritablement  tout  à  vous. 

Joseph-Clément. 


DOCUMENTS  I29 


Valenciennes,  16  juillet  i713 

Je  souhaite  du  meilleur  de  mon  cœur,  Monsieur  que  cette  lettre  vous 
trouve  en  parfaite  santé  et  que  vous  soyiez  entièrement  délivré  de  la 
fièvre  dont,  selon  le  rapport  de  mon  Résident  de  Waldor,  vous  avez 
été  attaqué  depuis  quelque  tems. 

Voici,  Monsieur,  un  plan  plus  exact  de  mon  palais  de  Bonn  et  des 
environs  avec  une  explication  des  renvois,  lequel  avec  ceux  que  vous 
devez  avoir  reçus,  vous  donnera  toute  la  connaissance  nécessaire  de  sa 
situation  et  du  terrain  que  l'on  peut  employer  pour  mettre  en  exécu- 
tion Tun  des  nouveaux  projets  dont  je  vous  ai  parlé  dans  ma  précédente. 

Quand  votre  santé  vous  le  pourra  permettre,  j'espère  que  vous 
voudrez  bien  prendre  la  peine  de  les  examiner  et  de  me  donner 
ensuite  votre  avis  là-dessus.  Vous  aurez  la  bonté  de  faire  tirer  copie  de 
ces  plans  et  surtout  de  celui-cy,  pour  me  les  renvoyer,  afin  qu'en 
ayant  chacun  de  notre  côté,  nous  puissions  plus  facilement,  si  vous  le 
trouvez  bon,  correspondre  l'un  avec  l'autre  et  nous  dire  mutuellement 
notre  pensée,  jusqu'à  ce  que  nous  nous  soyions  accordés  sur  le  projet 
que  l'on  devra  suivre  tant  pour  les  embellissemens  du  dehors  que  pour 
la  distribution  du  dedans. 


Valenciennes,  le  30  juillet  1713. 

Je  suis  confus  des  peines  que  je  vous  donne,  Monsieur,  et  de  l'hon- 
nêteté avec  laquelle  vous  voulez  bien  m'assister  de  vos  bons  conseils 
pour  la  construction  de  mon  palais  de  Bonn.  Je  sçais  que  personne  n'a 
plus  de  capacité  que  vous  en  ces  sortes  de  choses  et  que  je  ne  sçaurais 
manquer  en  suivant  vos  avis,  que  j'attens  avec  impatience,  maintenant 
que  par  les  plans  que  je  vous  ay  envoyés,  vous  êtes  suffisamment 
instruit  de  la  situation  du  terrain  et  de  ce  que  je  souhaite. 

Je  vous  seray,  Monsieur,  d'autant  plus  redevable  des  peines  et  des 
soins  que  vous  vous  donnerez  pour  cela  que  je  n'ignore  pas  les 
grandes  et  continuelles  occupations  que  vous  avez  pour  le  service  de 
S.  M.  T.  C'. 


l30  L*ART  FRANÇAIS    SUR   LE  RHIN 


Valenciennes,  le  1«»  mars  1714. 

Gomme  il  y  a  toute  apparence,  Monsieur,  que  nous  aurons  bientôt 
la  paix  générale  et  que  par  un  des  articles  du  traité  je  retourneray 
dans  mes  Etats,  il  est  tems  que  je  songe  tout  de  bon  au  palais  que  j'ay 
dessein  de  faire  construire  à  Bonn  et  à  l'agrandissement  de  la  ville 
dont  je  vous  ay  envoyé  le  plan  de  ce  côté-là. 

Je  sçai,  Monsieur,  que  les  grandes  occupations  que  vous  avez  pour 
le  service  de  S.  M.  T.  G.  ne  vous  permettent  guère  de  vous  appliquer 
à  d'autres  choses.  Mais  la  connaissance  que  j'ay  de  votre  honnêteté  et 
la  promesse  que  vous  avez  eu  la  bonté  de  me  faire  de  vouloir  bien 
m'assister  en  cela  de  vos  bons  conseils  me  font  espérer  que  vous  ne 
me  refuserez  pas  le  plaisir  que  j'attens  aujourd'hui  de  votre  politesse. 

Je  vous  prie  donc  très  instamment,  après  avoir  examiné  la  situation, 
le  plan  et  le  mémoire  que  je  vous  ay  envoyés,  de  me  donner  au  moins 
une  idée  générale  du  nouveau  bâtiment  que  je  veux  faire  faire,  sans 
prendre  la  peine  d'entrer  dans  le  détail,  afin  que  cela  puisse  me  servir 
de  guide  et  de  conduite  pour  commencer  et  pour  conduire  ensuite 
l'ouvrage  à  sa  perfection.  Il  y  a  certaines  choses  où  l'on  peut  travailler 
dès  à  présent  sans  qu'il  soit  nécessaire  que  je  sois  sur  les  lieux  et  vous 
me  ferez  un  sensible  plaisir  de  me  faire  sçavoir  le  plutôt  qu'il  sera 
possible  votre  sentiment  là-dessus. 


Valenciennes,  le  23  mars  1714. 

J'ay  reçu,  Monsieur,  votre  lettre  du  15  de  ce  mois  par  laquelle  je  vois 
que  vous  avez  eu  la  bonté  de  faire  deux  pensées  différentes  du  nou- 
veau palais  que  je  veux  faire  construire  à  Bonn,  dont  je  vous  suis  infi- 
niment obligé.  Gomme  vous  me  marquez  que  c'est  une  idée  d'une 
grande  étendue,  j'appréhende,  Monsieur,  qu'elle  ne  le  soit  trop  par 
rapport  à  mes  revenus  et  que  je  n'aye  pas  les  moyens  de  la  faire 
exécuter  comme  il  faut.  Gependant  je  tâcheray  de  suivre  exactement 
l'un  de  vos  desseins  lorsque  je  les  auray  receus,  étant  persuadé  que 
soit  que  je  choisisse  l'un  ou  l'autre,  je  ne  sçaurais  manquer  puisqu'ils 
sont  tous  deux  de  votre  ordonnance,  c'est  à  dire  également  beaux  et 
bien  entendus. 


DOCUMENTS  l3l 

Mais  comme  je  veux  faire  partir  incessament  mon  architecte  pour 
faire  travailler  aux  dedans -de  mon  vieux  palais  pour  m'y  pouvoir 
loger  en  attendant  que  l'autre  soit  bâti,  je  voudrais  sçavoir  auparavant 
de  quelle  manière  vous  avez  trouvé  à  propos  de  situer  ce  nouveau 
palais,  suivant  le  plan  du  terrain  que  je  vous  ay  envoyé,  afin  que  l'on 
se  règle  là-dessus  et  qu'on  ne  fasse  pas  des  choses  qu'il  faudrait  peut- 
être  deffaire  par  la  suite.  Je  vous  prie  donc  très  instamment,  en  cas 
que  vos  desseins  ne  puissent  partir  bientôt,  de  prendre  la  peine  de 
m'en  envoyer  une  pensée  ou  esquisse  sans  être  arrêtée  et  pour  en 
connaître  seulement  l'étendue  et  la  disposition  et  cela  me  suffira 
pour  le  présent  en  attendant  le  reste. 


Valenciennes,  le  8  avril  1714. 

J'ai  reçu,  Monsieur  les  beaux  desseins  que  vous  avez  pris  la  peine 
de  m'envoyer  pour  mon  palais  de  Bonn.  Les  deux  idées  que  vous  m'en 
donnez  sont  également  belles  quoique  différentes  et  l'on  ne  peut  rien 
imaginer  de  plus  magnifique  dans  un  terrain  comme  celui-là,  dont 
vous  avez  profité  avec  une  entente  et  une  adresse  merveilleuses.  J'en 
suis  charmé  véritablement  et  c'est  à  mon  grand  regret  que  je  me  vois 
obligé  d'y  changer  quelque  chose.  Mais  l'entreprise  est  trop  vaste  et 
surpasserait  de  beaucoup  mes  forces,  si  je  voulais  mettre  l'un  ou  l'autre 
de  ces  projets  en  exécution.  Il  faut  en  pareille  rencontre  consulter  ses 
moyens  et  l'état  de  ses  finances  avant  que  de  commencer  des  ouvrages 
si  considérables,  et  après  y  avoir  mûrement  réfléchi,  je  me  restreins 
au  vieux  bâtiment  avec  partie  des  augmentations  que  vous  avez  trouvé 
à  propos  d'y  faire... 

Tout  le  terrain  que  vous  employé  pour  le  nouveau  bâtiment,  pour  la 
grande  cour,  pour  les  galleries  et  pour  le  reste  sera  employé  en  un 
jardin  qui  par  là  deviendra  beaucoup  plus  grand  et  plus  agréable. 

Ce  que  je  souhaite  seulement  est  de  sçavoir  comment  attacher  à  ce 
vieux  palais  une  gallerie  qui  serve  de  communication  avec  un  bâti- 
ment sur  le  Rhin  que  je  veux  faire  faire  comme  une  maison  éloignée 
du  monde  et  du  bruit,  dans  laquelle  je  pourray  me  f  étirer  quand  bon 
me  semblera.  Le  dessous  de  cette  maison  doit  être  occupé  par  la 
Douane  et  il  faut  disposer  le  lieu  pour  cela  et  au  dessus  il  faut  un 
appartement  où  je  puisse  loger  quelquefois  en  été  pour  y  jouir  du  bon 
air  et  de  la  belle  vue. 

Ma  pensée  serait  donc,  Monsieur,  pour  attacher  cette  galerie  avec 
grâce  et  gagner  en  même  temps  de  la  place,  de  faire  deux  quarts  de 


l32  l'art    français    sur    le    RHIN 

cercle  qui  prendraient  de  chaque  côté  aux  deux  pavillons  des  bouts  de 
la  façade  déjà  faite.  Chacun  de  ces  quarts  de  cercle  serait  terminé 
par  un  pavillon  ovale  et  le  bas  serait  en  forme  de  portiques  pour  s'y 
mettre  à  couvert,  quand  il  viendrait  des  pluies  d'orage  dans  les  grandes 
chaleurs  de  l'été. 

Il  s'agit  maintenant  de  faire  travailler  et  il  n'y  a  pas  un  moment 
à  perdre.  C'est  pourquoi  vous  me  ferez  un  sensible  plaisir  de  m'en- 
voyer  incessamment  de  tout  cela  une  esquisse,  que  vous  pourrez  arrêter 
ensuite  avec  plus  de  loisir,  mon  architecte  n'attendant  que  cela  pour 
se  rendre  à  Bonn  et  mettre  les  ouvriers  en  besogne. 


Valenciennes,  le  11  juin  1714. 

Si  j'ay  si  longtemps  différé,  Monsieur,  à  répondre  à  votre  dernière 
lettre,  c'est  que  j'ay  voulu  examiner  à  loisir  les  plans  et  les  élévations 
que  vous  m'avez  envoyés  en  dernier  lieu,  avant  que  de  vous  en  dire 
ma  pensée.  Je  les  trouve  dignes  de  vous,  c'est-à-dire  d'une  grande 
beauté  et  d'une  entente  merveilleuse.  Mais  comme  vous  me  demandez 
mon  sentiment  là-dessus,  je  crois  que  vous  ne  trouverez  pas  mauvais 
que  je  vous  communique  les  observations  que  j'ay  faites.... 

11  importe  de  ménager  la  perspective  jusqu'à  ma  maison  de  campagne 
de  Poppelsdorf,  Cette  vue  que  le  pur  hazard  donne  est  si  belle  et,  si 
j'ose  le  dire,  si  précieuse  qu'il  faut  la  conserver  en  toute  manière. 

Je  tiens  beaucoup  à  une  petite  ménagerie  ou  basse-cour  avec  un 
petit  jardin  potager,  un  de  mes  .plus  grands  plaisirs  étant  de  cultiver 
des  plantes  et  de  petites  salades  de  ma  propre  main  et  c'est  un  amuse- 
ment qui  me  plait  au-dessus  de  toutes  choses;  mais  il  faut  pour  cela 
que  je  puisse  m'y  occuper  sans  être  vu  de  personne,  outre  que  je  me 
plais,  comme  S.  M.  T.  C.  fait  à  Marly,  à  entretenir  de  belles  poules,  des 
canards  d'une  espèce  particulière  et  des  carpes  curieuses.  Je  pourrais 
donc  avoir  toutes  ces  commodités  dans  ce  même  terrain  et  du  haut  de 
la  terrasse  m'amusera  ces  divertissements  innocents  et  jetter  à  manger 
à  ces  différentes  espèces  d'animaux. 

Je  souhaiterais  fort  que  la  gallerie  eût  la  même  largeur  que  celle  des 
Thuilleries  où  sont  les  (plans  des  villes  et  forteresses  conquises  par 
S.  M.  T.  C.  et  qu'elle  fût  de  niveau  avec  le  plan  noble  de  mon  palais 
jusques  au  Rhin  et  qu'on  la  terminât  par  un  grand  sallon  rond  ou 
ovale,  duquel  on  pût  dominer  de  tous  côtés  sur  le  Rhin... 

Cette  maison  du  Rhin  m'est  d'une  grande  utilité  ;  car  outre  le 
Dlaisir  de  la  vue  qui  est  admirable  de  ce  côté-là,  le  fleuve  du  Rhin 


DOCUMENTS  l33 

étant  un  des  plus  grands  et  des  plus  navigables  de  toute  l'Europe,  il 
n'y  a  presque  point  d'année  que  quelque  Prince  de  l'Empire  ne  passe 
par  là.  Je  suis  donc  obligé  de  l'aller  recevoir  au  bord  du  Rhin  pour  le 
conduire  ensuite  à  mon  palais.  Mais  il  arrive  fort  souvent  que  n'ayant 
aucun  endroit  où  me  pouvoir  retirer  en  attendant  son  arrivée,  je  me 
vois  contraint  de  rester  dans  mon  carosse  jusqu'à  ce  qu'il  vienne  :  ce 
qui  est  aussi  incommode  que  désagréable.  Mais  quand  cette  maison 
sera  une  fois  en  état,  Je  n'auray  qu'à  me  tenir  tranquillement  dans  le 
sallon  au  bout  de  la  grande  gallerie  et  lorsqu'on  verra  venir  de  loin  le 
Prince  étranger  que  j'attendray,  à  descendre  sar  le  bord  du  fleuve  pour 
le  recevoir  en  sortant  de  son  batteau  et  le  conduire  ensuite  en  parade 
au  travers  de  la  ville  jusqu'à  mon  palais,  s'il  veut  une  entrée  publique 
ou,  s'il  veut  passer  incognito,  l'y  mener  par  la  grande  gallerie  et  la 
maison  du  jardin. 


Valenciennes,  le  i\  juillet  \7\A. 

J'ay  reçu,  Monsieur,  avec  votre  obligeante  lettre  du  6  de  ce  mois,  le 
nouveau  plan  que  vous  avez  pris  la  peine  de  faire  pour  mon  palais  de 
Bonn.  Vous  avez  si  bien  donné  dans  ma  pensée  qu'il  n'y  a  rien  à  dire 
et  j'en  sais  content  au  delà  de  tout  ce  qu'on  scaurait  imaginer.  Tous 
ceux  à  qui  j'ay  montré  cette  disposition  en  sont  charmés  aussi  bien  que 
moi  et  il  est  impossible  de  faire  mieux. 

Je  m'en  tiens  donc,  Monsieur,  à  ce  dessein  et  tàcheray  de 
le  faire  exécuter  dans  toutes  ses  parties  le  moins  mal  qu'il  sera 
possible... 

Je  ne  vous  renvoyé  point  votre  plan,  puisque  bien  loin  d'y  vouloir 
rien  changer,  je  le  trouve  le  plus  beau,  le  plus  commode  et  le  mieux 
disposé  qu'on  scaurait  voir  et  vous  ne  devez  pas  douter  que  je  ne  vous 
sois  entièrement  redevable  d'avoir  bien  voulu  déployer  ainsi  votre  beau 
génie  en  ma  faveur.  Je  vous  prie  très  instamment  de  continuer  à 
m'assister  jusqu'à  la  fin  de  vos  bons  conseils  et  avec  un  tel  secours, 
j'espère  de  faire  sans  contredit  un  des  plus  beaux  palais  qui  soient  en 
Allemagne.  Quelques  gens  trouvent  que  pour  la  grandeur  du  jardin  il 
y  trop  peu  de  jets  d'eau.  Mais  ce  sont  de  ces  choses  qu'on  ne 
peut  résoudre  que  sur  les  lieux  et  sur  les  sources  que  l'on  pourra 
trouver. 


l34  I.'aRT    français    sur   le    RHIN 


Valenciennes,  le  15  a  oùH714. 

J'ay  reçu,  Monsieur,  avec  votre  lettre  du  3  de  ce  mois  les  beaux  plans 
et  les  magnifiques  élévations  que  vous  m'avez  envoyés.  Rien  n'est 
mieux  entendu  et  je  trouve  le  tout  entièrement  conforme  à  mon  idée 
et  dont  Texécution  ne  scaurait  manquer  de  faire  un  très  bel  effet. 

Cependant  comme  vous  voulez  bien  que  je  vous  dise  ma  pensée  sur 
ces  nouvelles  dispositions,  vous  ne  trouverez  pas  mauvais  que  je  vous 
fasse  part,  Monsieur,  d'une  remarque  très  juste  qu'un  homme  de  ma 
Cour  a  faite  sur  ce  qui  regarde  la  grande  gallerie.  Je  vous  avoue  que 
je  n'y  avais  point  fait  de  réflexion,  mais  à  présent  j'y  trouve  comme  lui 
un  fort  grand  inconvénient  auquel  il  faut  nécessairement  remédier.  Il 
m'a  donc  fait  remarquer  que  lorsque  suivant  votre  plan  je  recevray  au 
Rhin  quelque  Prince  étranger,  s'il  veut  venir  à  mon  palais  par  cette 
gallerie,  il'  faut  qu'il  monte  l'escalier,  qu'il  entre  dans  le  sallon  et  que 
de  là  il  passe  avec  toute  sa  suite  et  mes  gardes  qui  l'accompagnent  par 
honneur  par  le  cabinet  et  par  la  chambre  de  retraite  de  ma  maison 
d'été,  qui  pourtant  doivent  être  des  lieux  tout  à  fait  de  retraite  et  où 
peu  de  personnes  doivent  avoir  accès.  Il  y  a  cette  différence  dans  nos 
usages  qu'en  France  tout  le  monde  entre  et  passe  par  les  appartemens 
du  Roy  et  des  Princes  et  que  chez  nous  très  peu  de  gens  jouissent  de 
cet  honneur  et  ont  cet  avantage.  Je  dois  donc  me  conformer,  étant  en 
Allemagne,  aux  coutumes  du  pays  pour  ne  point  choquer  la  noblesse 
qui  est  fort  jalouse  de  ces  sortes  d'entrées  et  qui  prétend  que  ce 
privilège  n'est  dû  qu'aux  gentilshommes  titrés... 

Pour  ce  qui  concerne  le  palais  même,  il  n'y  a  rien  à  ajouter  à  votre 
plan,  Monsieur,  et  le  tout  est  d'un  goût  merveilleux.  Je  ne  scaurais  me 
lasser  de  regarder  la  façade  du  côté  de  la  ville  et  le  dôme  du  milieu 
ne  scaurait  être  plus  beau.  Cependant  comme  il  est  vis-à-vis  de  mon 
cabinet,  j'aurais  fort  souhaité,  en  cas  qu'on  l'eût  trouvé  praticable, 
qu'on  y  eût  pu  placer  une  horloge. 

Excusez  toutes  les  peines  que  je  vous  donne.  Mais  pour  avoir  un  palais 
achevé,  à  quipourrais-je  avoir  recours,  sinon  à  vous  qui  traitez  l'archi- 
tecture avec  tant  d'élégance  et  de  bon  goût  qu'on  ne  peut  cesser 
d'admirer  tout  ce  qui  part  de  votre^génie. 

Comme  je  fais  mon  compte  d'aller  bientôt  à  Paris,  j'auray  le  plaisir 
de  m'entretenir  avec  vous  sur  tout  le  reste,  si  vous  voulez  bien  me 
donner  quelques  momens  de  conversation.  J'y  mèneray  avec  moi  celui 
qui  aura   l'entière  direction    de    tous    ces   bâtimens,  pour  que  vous 


DOCUMENTS 


l35 


ayez  la  bonté  de  le  mettre  au  fait  et  de   lui  bien  expliquer  ce  qu'il 
devra  faire  pour  exécuter  comme  il  faut  votre  pensée  et  vos  desseins. 


Paris,  le -24  novembre  1714. 

J'ay  reçu,  Monsieur,  avec  votre  lettre  d'hier  le  dessein  que  vous 
m'avez  renvoyé  avec  les  changemens  que  vous  avez  bien  voulu  y  faire 
qui  sont  tels  que  je  souhaitais  de  les  avoir.  Il  n'y  a  rien  de  mieux  et  je 
m'en  tiens  là,  vous  priant  très  instamment  de  m'assister  jusqu'à  la  fin 
de  vos  conseils  et  de  vos  lumières. 

Vous  me  ferez  plaisir,  Monsieur,  de  me  faire  faire  en  grand  un  bout 
de  cette  façade,  puisque  c'est  partout  la  même  chose,  afin  que  les 
ouvriers  puissent  voir  plus  distinctement  ce  qu'ils  auront  à  faire. 

Il  me  faudra  un  menuisier,  un  doreur,  un  serrurier,  un  plafonneur 
et  un  plombier  qui  scachént  leur  métier  et  soient  capables  de  conduire 
comme  il  faut  les  (ouvrages  qu'ils  entreprendront.  Je  souhaiterais  fort 
les  tenir  de  votre  main  et  que  ce  fût  vous  qui  en  fit  le  choix.  C'est 
pourquoi  je  vous  prie  d'y  songer  de  bonne  heure  et  de  me  faire 
scavoir,  avant  que  de  conclure  avec  eux,  ce  que  vous  croyez  que  je 
doive  donner  à  chacun  par  année,  afin  de  me  pouvoir  régler  là-dessus 
et  que  je  sache  à  quoi  m'en  tenir. 

Je  vous  demande  mille  pardons  de  mes  importunités;  mais  il  n'y 
a  que  vous  qui  puissiez  m'assister  en  ces  sortes  de  choses  et  me  donner 
les  éclaircissemens  dont  j'ay  besoin. 


Paris,  le  18  décembre  17U. 

Je  ne  puis  assez  vous  remercier.  Monsieur,  des  honnêtetés  que  vous 
me  témoignez  et  des  peines  que  vous  vous  donnez  pour  mes  bâtimens. 
Je  ne  manqueray  pas,  quand  l'occasion  s'en  présentera,  de  vous  en 
marquer  ma  juste  reconnaissance  et  l'estime  toute  particulière  que 
j'ay  pour  votre  mérite. . 

Cependant,  Monsieur,  comme  vous  voulez  bien  que  je  vous  dise  ma 
pensée  sur  vos  desseins,  permettez-moi  de  vous  communiquer  les 
doutes  et  les  remarques  que  j'ay  faites  sur  ceux  que  je  vous  renvoyé, 
afin  que,   si  vous  les  approuvez,  vous  ayiez  la  bonté  de  les  corriger 


l36  l'art    FP.ANÇAIS    sur    le     RHIN 

incessamment,  puisqu'il  n'y  a  pas  de  temps  à  perdre,  ayant 
résolu  de  partir,  s'il  se  peut,  jeudy  prochain  pour  retourner  dans  mes 
Etats. 

Pour  ce  qui  regarde  le  plan  noble,  je  trouve  que  tout  y  est  en  per- 
fection tant  pour  la  salle  des  gardes  que  pour  le  vestibule. 

Dites-moi,  je  vous  prie,  quelle  forme  aurait  et  ce  que  deviendrait 
cette  salle  des  gardes,  si  on  la  faisait  aller  d'un  bout  à  l'autre,  en 
retranchant  au  plan  noble  le  vestibule  d'une  pièce.  Car,  comme  je  fais 
là  mes  principales  fonctions,  il  y  vient  quantité  de  monde  et  cela 
demande  un  lieu  fort  spacieux  et  fort  vaste.  C'est  dans  cet  endroit 
que  je  reçois  l'hommage  qu'on  me  rend,  où  je  donne  les  fiefs,  où  je 
tiens  les  Etats  de  mon  Électorat  de  Cologne,  où  le  jeudi  saint  je  lave 
les  pieds  à  treize  pauvres,  où  se  tient  le  Chapitre  de  l'Ordre  et  où  enfin 
je  donne  le  sacrement  de  confirmation.  Tout  cela  exige  donc  une  salle 
d'une  grande  étendue,  comme  vous  voyez. 


Paris,  le  22  décembre  1714. 

On  ne  peut  trop  admirer.  Monsieur,  votre  heureux  génie  et  la  facilité 
que  vous  avez  à  trouver,  sans  hésiter,  les  plus  belles  choses  du  monde. 
Je  suis  charmé  des  magnifiques  desseins  que  vous  m'avez  renvoyés 
avec  tant  de  diligence  et  je  vous  assure  que  Ton  ne  peut  être  plus 
redevable  que  je  le  suis  aux  grandes  honnêtetés  que  vous  me  témoi- 
gnez en  toute  rencontre. 

L'escalier  ne  peut  être  plus  beau  et  il  n'y  a  rien,  Monsieur,  que  de 
grand  dans  toutes  vos  idées.  Mais  je  crains  qu'il  ne  se  rencontre  quel- 
ques difficultés  dans  l'exécution,  par  des  raisons  que  je  ne  puis  vous 
expliquer  assez  clairement  par  lettres  et  je  souhaiterais  fort  vous 
pouvoir  parler  moi-même  pour  m'en  entretenir  avec  vous.  Ainsi  en 
cas  que  votre  commodité  vous  le  puisse  permettre,  vous  me  ferez  un 
fort  grand  plaisir  de  venir  demain  chez  moi  à  telle  heure  qu'il  vous 
plaira  ou  du  moins  m'envoyer  Monsieur  votre  fils  pour  que  je  puisse 
lui  parler  là-dessus  et  lui  dire  en  quoi  consistent  ces  difficultés.  11 
pourra  ensuite  vous  en  faire  le  détail  et  j'espère  que  vous  voudrez 
bien  m'assister  en  cela  de  vos  bons  conseils,  auxquels  je  me  confor- 
meray  toujours  avec  plaisir,  étant  pleinement  persuadé  que  je  n'en 
scaurais  suivre  de  meilleurs. 


DOCUMENTS  l3j 


Liège,  le  24  janvier  1715. 

Au  milieu  des  embarras  où  je  me  trouve,  Monsieur,  par  la  multitude 
d'affaires  que  j'ay  ici,  je  ne  laisse  pas  de  songer  à  mon  palais  de  Bonn, 
le  tems  s'approchant  où  il  faudra  recommencer  à  y  travailler.  Mais  mon 
maître  masson  étant  mort(l),  je  n'ay  plus  personne  à  qui  confier  la 
direction  de  mes  bâtimens  ;  et  vous  me  feriez  un  sensible  plaisir  si 
vous  vouliez  bien,  Monsieur,  m'envoyer  le  sculpteur  dont  vous  m'avez 
parlé  puisqu'il  s'entend  en  architecture  et  qu'ainsi  il  pourrait  avec  vos 
bons  avis  en  prendre  soin  et  faire  travailler  les  ouvriers  sur  les  beaux 
plans  que  vous  avez  pris  la  peine  de  faire.  11  faudrait  pour  cela  qu'il 
partit  incessamment  de  Paris  afin  de  recevoir  mes  ordres  sur  ce  qu'il  y 
a  présentement  à  faire  et  qu'on  se  mit  en  besogne  aussitôt  que  la 
saison  le  pourrait  permettre. 


Liège,  le  15  février  1715. 

Je  vous  suis,  Monsieur,  tout  à  fait  obligé  du  soin  que  vous  prenez 
pour  me  procurer  un  homme  qui  soit  intelligent  et  au  fait  de  l'archi- 
tecture. Je  ne  doute  nullement  de  la  capacité  du  S'  Benoit  puisque 
vous  l'approuvez  et  m'en  tiendray  volontiers  à  votre  choix. 


Bonn,  le  28  février  1715. 

Vous  m'aviez  très  bien  dit.  Monsieur,  qu'en  fait  de  bâtimens,  on  ne 
peut  juger  vainement  des  choses  qu'on  ne  soit  sur  les  lieux  et  qu'on 
ne  voye  soi-même  l'effet  qu'elles  font.  Car  à  mon  grand  élonnement  la 
cour  de  mon  palais  d'ici  que  je  m'imaginais  devoir  être  trop  petite  est 
beaucoup  plus  spacieuse  que  je  ne  croyais  et  l'élévation  du  bâtiment 
n'est  nullement  disproportionnée  à  la  grandeur  de  cette  cour  où  j'ay 

(1)  Ce  maître  maçon  était  probablement  l'Italien  Antonio  Riva. 


l38  l'aUT    français    sur    le    RHIN 

vu  moi-même  plus  de  vingt  caresses  à  la  fois  sans  qu'il  parut  qu'il  y  en 
eut  une  si  grande  quantité.  Cela  m'a  donc  déterminé  de  la  laisser 
carrée  comme  elle  est  pour  n'être  point  obligé  d'abattre  le  vieux  bâti- 
ment. 

Faites  moi  le  plaisir  de  m'envoyer  le  plus  tôt  que  faire  se  pourra  le 
S*"  Benoit,  un  sculpteur,  un  menuisier,  un  serrurier,  un  doreur  et  un 
plombier.  Vous  prendrez  s'il  vous  plait  la  peine  de  vous  entendre  pour 
cela  avec  mon  Résident  de  Waldor  afin  de  convenir  avec  ces  gens-là 
de  ce  que  je  devray  leur  donner  par  mois,  tant  tenu,  tant  payé  !  aussi 
bien  que  pour  leur  voyage  et  ce  que  vous  aurez  accordé  avec  eux  sera 
ponctuellement  exécuté. 


Bonn,  le  25  mars  1715. 

Comme  voici  le  tems,  M.,  que  l'on  doit  travailler  à  mes  maisons  de 
campagne  de  Poppelsdorf,  de  Bruel  et  de  Godesberg,  vous  me  feriez 
un  très  sensible  plaisir  de  m'envoyer  le  plutôt  qu'il  sera  possible  une 
esquisse  de  ce  que  vous  pensez  là-dessus. 

Au  surplus.  M.,  je  vous  diray  que  j'ay  fait  marquer  en  cette  ville 
une  nouvelle  rue  qui  s'appellera  la  i-iie  de  Lille.,.  Voici  un  dessein 
qu'on  avait  fait  pour  cela.  Mais  il  ne  me  satisfait  nullement  et  je  vous 
prie  de  vouloir  bien  prendre  la  peine  de  m'en  faire  un  autre  qui  ait 
de  la  grâce  et  puisse  contenter  la  vue.  Il  n'y  faut  rien  que  de  simple, 
mais  de  bon  goût  pour  ne  pas  jetter  ceux  à  qui  j'ay  donné  ces  places 
dans  de  trop  grosses  dépenses,  puisque  ce  sont  eux  qui  doivent  faire 
bâtir  ces  maisons  à  leurs  propres  dépens. 


Bonn,  le  25  avril  1715 

J'ai  reçu.  M.,  le  dessein  des  façades  pour  un  côté  de  la  nouvelle  rue 
que  l'on  va  faire  ici  et  choisi  celui  où  vous  n'avez  mis  que  trois 
croisées,  le  trouvant,  comme  vous,  préférable  à  l'autre.  Je  vous  en 
suis  fort  obligé  aussi  bien  que  du  beau  dessein  que  vous  m'avez 
envoyé  pour  le  haut  du  rocher  de  Godesberg.  La  disposition  en  est  très 
belle  et  j'en  suis  fort  content. 


DOCUMENTS  iSg 

Mais  pour  dire  la  vérité,  M.,  les  projets  pour  Poppelsdorf  et  pour 
Briiel  sont  les  plus  pressés,  puisque  je  n'ay  aucune  maison  où  me 
retirer  pendant  l'été  et  que  je  n'ose  commencer  rien  en  ces  deux 
derniers  endroits,  sans  sçavoir  auparavent  votre  pensée  pour  n'être 
pas  obligé  d'abattre  peut-être  par  la  suite  ce  qu'on  aurait  déjà  élevé. 
Vous  me  ferez  donc  plaisir  de  m'envoyer  ces  projets  tout  le  plutôt  que 
vous  pourrez.  Cependant  le  S'  Benoit  est  actuellement  occupé  à  lever 
correctement  le  plan,  les  profils  et  les  élévations  de  mon  palais  d'ici  et 
des  environs  à  la  mesure  de  France  pour  vous  les  envoyer  afin  que 
vous  puissiez  l'honorer  de  vos  avis  et  travailler  en  toute  sûreté  :  ce 
que  vous  n'avez  pu  faire  jusqu'ici  puisqu'il  trouve  étant  sur  les  lieux 
que  les  mesures  que  Ton  vous  a  remises  étaient  absolument  fausses 
dans  toutes  leurs  parties. 

Je  vous  prie  de  continuer  toujours  à  m'assister  de  vos  bons  conseils, 
sans  quoi  je  ne  puis  rien  faire  de  bon,  et  d'être  bien  persuadé  qu'en 
reconnaissance  de  vos  honnêtetés,  je  serai  toujours  avec  toute  l'estime 
qui  vous  est  due,  M.,  véritablement  tout  à  vous. 


A  Cologne,  le  4  may  4715  (1) 

Dans  la  crainte  que  j'ay,  Monsieur,  que  vous  ne  preniez  une  peine 
inutile  en  faisant  un  dessein  tout  nouveau  pour  le  Château  de  Bruel, 
puisque  je  me  souviens  de  vous  avoir  dit  à  Paris,  en  vous  en  remettant 
le  plan  entre  les  mains,  que  je  voulais  entièrement  abandonner  le 
vieux  château  et  en  bâtir  un  tout  neuf  ;  dans  cette  crainte,  dis-je,  je 
n'ay  pas  voulu  manquer,  après  avoir  mûrement  examiné  moi-même 
toutes  choses  sur  les  lieux,  de  vous  faire  part  de  mes  remarques  et 
de  ce  que  j'ay  résolu  d'y  faire  à  présent. 

Je  vous  dirai  donc,  M.,  qu'en  ayant  visité  les  murailles,  j'ay  trouvé 
qu'elles  étaient  si  fortes  qu'il  coûterait  beaucoup  plus  à  les  abattre 
qua  rebâtir  un  nouveau  château  :  et  cela  m'a  fait^  absolument  changer 
de  dessein,  comme  vous  verrez  plus  amplement  par  ce  qui  suit.  Vous 
en  avez  chez  vous  un  plan  qui  est  fort  juste  :  ainsi  je  vous  envoyé  par 
ce  brouillon  simplement  ma  pensée  dans  l'espoir  que  vous  ne  laisserez 
pas  de  la  conprendre  aisément,  malgré  son  peu  de  correction. 

(1)  Cette  lettre,  d'une  importance  capitale  pour  l'histoire  du  château  de 
Briihl,  a  été  reproduite  par  Dohme,  Das  Kônigliche  Schloss  zu  Brûhl  mn 
Rhein,  Berlin,  1877,  et  par  Renard,  Die  Bauten  der  Kurfursten  Joseph  dé- 
mens und  Clemens  August  von  Ko  In,  Bonn,  1896. 


I^O  l'art  français    sur    le   RHIN 

Mon  intention  est  premièrement  de  laisser  ce  vieux  château  comme 
il  est,  les  murailles,  ainsi  que  je  l'ay  déjà  dit,  en  étant  très  bonnes 
encore,  les  caves  excellentes  et  il  n'y  aura  de  dépense  à  faire  que  pour 
le  toit  et  la  distribution  du  dedans,  ce  qui  ne  se  pourra  faire  dans  tout 
Tordre  qu'il  serait  à  souhaiter  puisque  les  étages  sont  hauts  et  bas  à 
l'antique.  Les  Ecuries  dans  l'avant-cour  sont  pareillement  encore 
bonnes  et  en  les  changeant  en  appartements,  mes  Ministres,  mes 
Gentilshommes,  le  reste  de  ma  Cour  avec  les  offices  et  autres  commo- 
dités s'y  pourraient  placer    très    facilement. 

Mais  pour  cacher  tout  cela,  je  prendray  pour  moi  tout  le  corps  de 
logis  marqué  A  du  côté  de  l'Orient  et  qui  fait  directement  face  au 
Parc  et  par  conséquent  à  ma  Résidence  de  Bonn.  C'est  une  chose  qui 
vient  fort  à  propos  que  tout  ce  côté-là  soit  entièrement  ruiné  et  démoli, 
comme  il  l'est,  jusqu'aux  fondements  qui  ne  sontpoint  endommagés.  Or 
je  veux  sur  cet  ancien  corps  de  logis  faire  élever  le  même  bâtiment  et 
la  même  façade  que  vous  aviez  fait  pour  Bonn...  avec  une  salle  ovale 
dans  le  milieu  que  je  vous  avais  prié  de  garder  pour  Bruel  comme 
vous  vous  en  souviendrez  bien.  J'y  ajoute  seulement  deux  ailes  en 
potence,  pour  ménager  entre  deux  une  cour  fermée  d'une  grille  par 
devant  :  car  je  ne  veux  point  du  tout  qu'on  voye  le  vieux  château  et 
ce  bâtiment  à  la  moderne  le  cachera  entièrement. 

On  peut  faire  l'entrée  principale  du  côté  droit  de  l'aile  qui  donne 
vers  la  ville...  Pour  le  deuxième  étage,  comme  on  l'appelle  ici  (et  qui 
est  le  premier  en  France  et  le  plan  noble),  vous  pourrez,  si 
vous  le  trouvez  bon,  y  placer  un  grand  salon  et  de  là  conduire 
mes  appartements  dans  la  façade  du  vieux  château,  confor- 
mément à  votre  plan  B  dont  j'ay  déjà  parlé.  L'aile  gauche  peut  servir 
d'appartement  et  de  gallerie  pour  moi,  afin  de  pouvoir  descendre 
quand  il  me  plaira  dans  le  jardin.  Quant  au  rez-de-chaussée  vous  en 
pourrez  faire  des  appartements  pour  les  princes  étrangers  qui  me 
feront  l'honneur  de  me  venir  voir. 

Mais  on  doit  observer  que  je  veux  être  en  pleine  liberté  et  sans 
aucune  sujétion  dans  le  petit  jardin  que  je  veux  réserver  pour  moi 
seul  ;  pour  faire  ce  jardin  et  la  cour  du  château,  il  faudra  combler 
entièrement  le  fossé  qui  seul  a  été  la  cause  que  ce  même 
château  a  été  ruiné  et  renversé  parce  qu'il  pouvait  servir  en  temps  de 
guerre  d'un  poste  pour  mettre  une  bonne  garnison  en  toute  sûreté  :  de 
sorte  que  le  premier  venu  s'y  logeait,  ce  qui  suffisait  et  suffirait  encore 
pour  en  causer  ou  l'occupation  ou  la  démolition  comme  il  est  arrivé. 
Je  prétens  donc  éviter  l'un  et  l'autre  de  ces  deux  inconvéniens,  en 
faisant  de  ce  château  un  lieu  tout  ouvert  et  une  simple  maison  de  cam- 
pagne. 

11  n'y  a  qu'à  prendre,  à  la  place  marquée  K,  centre  de  la 
façade  du  vieux  château,  celui  de  la  façade  du  nouveau  et  si  du  côté 


DOCUMENTS  l4l 

du  septentrion  elle  est  un  peu  trop  courte,  on  pourra  l'allonger  tout 
autant  qu'on  voudra  pour  que  ladite  place  K  en  soit  toujours  le  centre... 
et  l'on  fera  un  nouveau  canal  qui  ira  droit  au  Rhin,  comme  c'était  le 
projet  du  feu  Cardinal  Mazarin,  qui  a  demeuré  longtemps  dans  ce  châ- 
teau. La  ligne  droite  0  mène  justement  à  Bonn  :  ainsi  on  peut  faire  en 
ce  lieu-là  une  allée  ou  avenue  toute  droite  qui  aurait  trois  lieues  de 
long  pour  aller  et  venir  d'une  de  ces  villes  à  l'autre.  L'espace  entre  la 
cour  du  château  et  les  deux  canaux  sera  le  grand  jardin. 

Cette  faible  ébauche  vous  peut,  M.,  mettre  au  fait  pour  bien  com- 
prendre mes  intentions  :  et  vous  vous,  servirez  du  plan  de  Bruel  que 
vous  avez  déjà  pour  achever  de  prendre  au  juste  vos  mesures  et  toutes 
les  connaissances  nécessaires,  par  rapport  à  la  situation  du  lieu  et  de 
ses  environs.  Je  suis  bien  fâché  de  vous  donner  tant  de  peine  et  de 
vous  embarrasser  si  souvent.  Mais  j'espère  que  par  un  efîet  de  votre 
honnêteté  ordinaire  vous  voudrez  bien  me  faire  encore  ce  plaisir  et  me 
croire  toujours  avec  la  plus  parfaite  estime,  M.,  véritablement  tout  à 
vous. 

Joseph-Clement. 


Bonn,  le  24  mai  1715. 

J'espère,  Monsieur,  que  vous  aurez  reçu  l'idée  que  je  vous  ay 
envoyée  pour  le  rétablissement  de  mon  château  de  Bruel  et  j'attends 
là-dessus  votre  sentiment.  En  échange  j'ay  receu  votre  projet  pour  ma 
maison  de  Popjoe/i^é/o?'/' qui  me  plait  infiniment  et  je  ne  sçache  rien  de 
plus  beau  et  de  mieux  imaginé. 

Mais  il  faut  y  faire  quelques  changements,  les  chanoines  d'ici  n'ayant 
jamais  voulu  me  vendre  quelques  pieds  de  terram  dont  j'avais  abso- 
lument besoin.  Cela  nous  a  mis  dans  la  nécessité  de  faire  deux  ailes  à 
mon  palais  du  côté  du  jardin  pour  gagner  l'alignement  du  canal...  Je 
vous  avoue  que  d'abord  je  me  suis  mis  dans  une  colère  épouvantable, 
non  seulement  contre  ces  chanoines  obstinés  et  peu  gracieux,  mais 
encore  à  cause  de  tous  ces  changemens  qui  nous  ont  donné  une  peine 
infinie.  Mais  à  présent  je  commence  à  n'être  plus  si  fâché  puisque  la 
manière  dont  nous  avons  projette  le  tout  ensemble,  j'espère  que  cela 
fera  un  très  bon  effet  et  que  vous  l'approuverez  vous  même  quand  mon 
architecte  Benoit  vous  l'aura  communiqué,  par  les  desseins  auxquels 
il  travaille  en  toute  diligence  et  que  je  vous  envoyeray  au  premier 
jour. 


l42  l'art  français   sur  le    RHIN 

En  attendant  je  n'ay  pas  voulu  différer  davantage  à  vous  remercier 
des  derniers  et  admirables  desseins  que  vous  m'avez  envoyés  depuis 
peu. 


Bonn,  le  25  may  1715. 

Pour  éviter  tout  embarras,  Monsieur,  j'ay  ordonné  à  tous  les  ouvriers 
qui  travaillent  à  mes  bâtimens  de  ne  se  servir  dorénavant  dans  tous 
leurs  ouvrages  que  du  pied^de  France  et  pour  cet  effet  j'ay  fait  attacher 
à  la  porte  de  mon  palais  une  verge  de  fer  longue  d'une  toise  pour  qu'ils 
se  règlent  la-dessus.  Tout  ce  que  mon  architecte  vous  envoyera, 
Monsieur,  à  l'avenir,  soit  plans  ou  élévations,  sera  sur  la  même  échelle  : 
ainsi  on  pourra  mieux  s'entendre  et  cela  vous  épargnera  la  peine  de 
réduire  les  pieds  de  France  en  pieds  de  ce  pays-cy. 

Mon  peintre  Vivien,  qui  vous  rendra  cette  lettre,  aura  l'honneur  de 
vous  expliquer  ma  pensée  sur  les  peintures  de  ma  gallerie  et  du  sallon 
qui  est  au  bout,  dont  vous  avez  toutes  les  mesures.  Je  vous  prie  de 
vouloir  bien  conférer  avec  lui  là-dessus  et  de  m'indiquer  un  homme 
qui  puisse  en  faire  une  belle  ordonnance  et  me  donner  les  éclaircis- 
semens  nécessaires  pour  la  faire  exécuter  ici. 


U Électeur  de   Cologne  à   Vivien 


Bonn,  16  may  4715. 

Mon  cher  Vivien,  il  se  présente  plusieurs  peintres  italiens  pour 
peindre  ma  gallerie  et  le  sallon  qui  est  au  bout  ;  mais  comme  dans  la 
plupart  de  leurs  ordonnances  il  y  a  plus  de  bizarrerie  que  de  bon  goût, 
vous  me  ferez  plaisir  de  conférer  là-dessus  avec  M.  de  Cotte  en  luy 
rendant  la  lettre  ci-jointe  et  de  voir  ensemble  si  l'on  ne  pourrait  point 
trouver  à  Paris  quelqu'un  qui  en  voulut  faire  une  idée  générale  sur  les 
plans  et  élévations  que  vous  et  luy  en  avez. 

Vous  vous  souviendrez  que  dans  la  gallerie  je  veux  faire  mettre 
l'Rmpereur  et  tous  les  Électeurs.  Il  est  vray  qu'à  présent  on  en  a  aug- 
menté le  nombre  et  qu'il  y  a  neuf  Électeurs  ;  mais  selon  la  Bulle  d'or 


DOCUMENTS  1^3 

et  les  Constitutions  de  l'Empire,  ils  ne  doivent  être  que  sept  et  l'on  est 
convenu  même  que  si  quelque  maison  séculière  Electorale  venait  à 
s'éteindre,  on  ne  la  remplacerait  pas  pour  revenir  au  premier  et  ancien 
nombre  de  sept. 

Ainsy  je  voudrais  qn'on  peignit  dans  le  plafond  de  cette  gallerie  les 
Sept  Planètes  pour  marquer  comme  elles  influent  sur  toutes  les  choses 
d'icy-bas,  les  Sept  Électeurs  avec  l'Empereur  à  leur  tête  gouvernant  de 
même  tout  l'Empire. 

Pensez  attentivement  là-dessus  et  mandez  moy  ce  que  l'on  peut  faire 
et  si  vous  approuvez  cette  idée.  En  attendant  votre  réponse  et  celle  de 
M.  de  Cotte  là-dessus,  je  prie  Dieu  qu'il  vous  ait,  mon  cher  Vivien,  en 
sa  sainte  garde. 

Joseph-Clément,  Électeur. 


L'Electeur  de  Cologne  à  B.  de  Coite 


Bonn,  le  23  août  r/1 5. 

Les  grandes  occupations  de  mon  architecte  Benoît  de  Portier  qui 
travaille  jour  et  nuit  m'ont  empêché,  Monsieur,  de  vous  envoyer  plutôt 
les  plans  que  je  joins  icy  afin  que  vous  preniez  la  peine  de  les  exa- 
miner. 


Bonn,  le  l'^'"  septembre  17415. 

Je  vous  envoyé  le  plan  de  la  maison  que  je  veux  faire  bâtira  Poppels' 
dorf.  Vous  trouverez  qu'on  a  suivi  à  peu  près  votre  idée,  selon  le  grand 
et  magnifique  dessein  que  vous  en  avez  fait.  Mais  j'ay  trouvé  qu'il  serait 
fort  inutile  de  faire  un  si  grand  bâtiment  dans  cet  endroit-là  qui  n'est 
qu'à  la  portée  du  canon  de  cette  ville  et  où  l'on  peut  aller  et  revenir  en 
fort  peu  de  temps  ;  de  sorte  que  la  plupart  de  mes  gens  reviennent  en 
ville  le  soir  et  que  je  ne  retiens  auprès  de  moi  que  ceux  qui  sont  abso- 
lument nécessaires  pour  me  servir.  C'est  par  cette  même  raison  que  je 


l44  l'art    français    sur    le    RHIN 

n'ay  voulu  des  écuries  que  pour  un  petit  nombre  de  chevaux  et  vous 
me  ferez  un  sensible  plaisir  d'examiner  avec  attention  ce  nouveau 
plan... 

Il  est  vray  que  l'on  a  déjà  posé  la  première  pierre  il  y  a  quelques 
jours  et  qu'on  a  commencé  à  en  jetter  les  fondements.  Pour  aller  plus 
vite,  j'ay  fait  un  accord  avec  des  gens  qui  ont  entrepris  cet  ouvrage^ 
sous  la  conduite  et  la  direction  de  mon  architecte  Benoit  de  Portier,  et 
ie  donne  pour  la  maçonnerie  seule  plus  de  soixante  mille  francs. 


Benoît  de  Fortier  à  R.  de  Cotte 


Bonn,  21  octobre  1715. 

J'attendais  toujours  une  occasion  de  vous  assurer  de  mes  très  hum- 
bles respects  en  vous  mandant  quelque  chose  de  précis  sur  les  bâti- 
ments de  Bonn  et  de  Poppelsdorf.  Mais  la  vivacité  de  l'esprit  du  Séré- 
nissime  Prince  que  j'ay  l'honneur  de  servir  ne  me  l'a  pas  permis, 
m'ayant  même  commandé  de  planter  et  faire  exécuter  plusieurs 
ouvrages  avant  que  les  desseins  en  ayent  été  finis. 


L'Électeur  de  Cologne  à  R.  de  Cotte 


Dinkelspill  (1),  le  30  novembre  1715. 

Avant  mon  départ  de  Bonn  pour  la  Bavière,  je  vous  avais  prié,  Mon- 
sieur, de  m'envoyer  les  élévations  et  les  profils  du  Buen  Retira  de  mon 
palais  de  Bonn  et  je  croyais  recevoir  là-dessus  de  vos  nouvelles  â 
Munique;  mais  comme  il  n'est  rien  venu  et  que,  les  fondemens  étant 
faits,  il  est  absolument  nécessaire  de  les  avoir  pour  poursuivre  l'ou- 
vrage, vous  me  ferez,  Monsieur,  un  sensible    plaisir    de   m'envoyer 

(1)  Dinkelsbiihl,  petite  ville  franconienne. 


DOCUMENTS  l45 

incessamment  à  Bonn,  où  je  retourne,   les   élévations  de   ce  Buen 
Retîro  et  de  l'Orangerie,  sans  quoi  l'on  ne  peut  plus  travailler. 


Bonn,  décembre  1715. 

En  réponse,  M.,  à  votre  lettre  du  16  de  l'autre  mois,  je  vous 
diray  que  j'approuve  entièrement  les  corrections  qu'à  ma  prière  vous 
avez  pris  la  peine  de  faire  au  plan  de  mon  bâtiment  de  Poppelsdorf, 
Le  tout  à  votre  ordinaire  est  très  bien  pensé  et  l'on  reconnaît  en  cela 
rétendue  de  votre  génie  qui  ne  laisse  rien  échapper  de  tout  ce  qui 
peut  contribuer  à  l'agrément  et  à  la  commodité. 

Mais  pour  la  chapelle....  au  lieu  du  renfoncement  circulaire  que  vous 
avez  fait  pour  y  placer  Tautel...,  mon  dessein  est  de  mettre  cet  autel 
dans  le  milieu.  Il  doit  être  isolé  et  à  quatre  faces,  dont  chaque  facefait 
un  autel  séparé,  afin  que  dans  le  même  temps  quatre  prêtres  y  puis- 
sent dire  la  messe  sans  se  voir  et  sans  s'incommoder  les  uns  les  autres. 
Le  tout  ne  doit  pourtant  former  qu'une  seule  et  unique  masse  qui  sera 
surmontée  par  une  espèce  de  berceau  ouvert  sous  lequel  sera  repré- 
senté en  ronde  bosse  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  en  forme  de  jardi- 
nier et  la  Magdelaine  à  ses  pieds.  Dans  ce  qui  servira  de  base  à  cette 
espèce  de  jardin,  on  représentera  en  bas-relief  pour  signifier  les  quatre 
saisons  de  l'année  le  saint  ou  la  sainte  sous  l'invocation  de  qui  chacun 
de  ces  quatre  autels  sera  dédié. 

Outre  cela  mon  dessein  est  que  la  chapelle  dont  il  s'agit  tant  par  ses 
ornemens  que  par  sa  disposition  forme  tout  ensemble  une  espèce  de 
jardin,  étant  placée  dans  un  endroit  où  est  la  Confrérie  des  Fleuristes 
qui  au  jour  des  quatre  fêtes  dont  j'ay  parlé  ci-dessus  y  doivent  apporter 
pour  offrande  les  tributs  de  leurs  jardins.  C'est  pourquoi  il  faut  qu'il  y 
ait  à  ces  autels  des  consoles  pratiquées  de  telles  manières  que  ces  fleu- 
ristes selon  chaque  saison  y  puissent  placer  leurs  offrandes,  sans 
embarrasser  le  Saint  Sacrifice  de  la  messe, 

Voilà  ma  pensée  sur  laquelle,  M.,  je  vous  prie  de  travailler. 


Bonn,  le  2b  février  1716. 

L'oratoire  de  ma  Confiserie  de  5*  Michel  doit  être  orné  et  décoré  non 
pas  magnifiquement,  mais  d'une  manière  simple  et  de  bon  goût,  et 
c'esten  quoi  je  me  rapporte  à  votre  beau  génie... 

If 


l46  l'art   français   sur  le  RHIN 

On  va  tenir  ici  rassemblée  de  mes  États  qui  doivent  me  fournir 
de  quoi  travailler  à  mes  bâtimens  ;  mais  comme  ce  sont  la  plupart 
des  gens  qui  n'examinent  point  les  ouvrages  qui  sont  en  terre, 
c'est-à-dire  les  fondemens  et  qui  n'accordent  pas  volontiers,  s'ils  ne 
voyent  paraître  quelque  chose  à  leurs  yeux,  je  vais  faire  diligenter  les 
ouvriers,  espérant  qu'avant  que  cette  assemblée  se  sépare,  les  murailles 
paraîtront  assez  pour  leur  faire  connaître  ce  que  le  bâtiment  devien- 
dra et  les  induire  à  m'accorder  ce  que  je  leur  demanderay  pour  cela. 

Les  États  de  l'Électorat  de  Cologne  consistent  en  quatre  corps  :  sça- 
voir  le  Chapitre  de  la  Métropolitaine,  les  Comtes,  la  Noblesse  et  les 
Villes.  Chaque  corps  doit  avoir  une  place  séparée  avec  une  plus  grande 
pour  s'assembler  tous  ensemble.  On  croit  même  qu'ils  auraient  besoin 
de  quelque  autre  commodité  puisqu'ils  passent  toute  la  journée  à  boire 
et  qu'ils  ont  besoin  de  rejetter  souvent  le  trop  qu'ils  ont  pris... 

J'ai  reçu  le  dessein  de  M.  de  Vernansal  (1)  pour  le  plafond  de  ma 
gallerie.  Je  le  trouve  magnifique  et  très  bien  pensé  et  il  ne  s'agit 
maintenant  que  de  l'exécution.  Comme  je  souhaiterais  fort  qu'elle 
répondit  parfaitement  à  son  idée,  qui  ne  sçauraitétre  plus  belle,  obligez- 
moi  de  lui  demander  s'il  serait  d'humeur  de  l'entreprendre  lui-même  et 
de  venir  l'exécuter  sur  le  lieu.  'V^ous  aurez  la  bonté,  en  ce  cas-là,  de 
sçavoir  de  lui  combien  il  demanderait,  et  quel  temps  il  faudrait  pour 
mettre  ce  plafond  dans  toute  sa  perfection,  ce  qu'il  souhaiterait  pour 
les  frais  de  son  voyage  tant  en  venant  qu'en  retournant,  et  ce  que  je 
devrais  lui  donner  par  jour,  par  semaine  ou  par  mois  pour  sa  nourri- 
ture. Lorsque  je  seray  informé  de  ses  prétentions  sur  chacun  de  ces 
articles,  je  vous  feray  sçavoir  d'abord  mes  résolutions  ;  et  si  nous  nous 
accommodons  ensemble,  je  prendrai  les  mesures  nécessaires  pour 
avoir  des  fonds  qui  ne  manquent  point  et  lui  donner  une  entière  satis- 
faction, en  vous  marquant  le  temps  qu'il  pourra  venir. 


Bonn,  le  5  may  1716. 

Plus  je  considère,  Monsieur,  le  projet  qu'a  fait  le  Sr  de  Vernansal 
pour  le  plafond  de  ma  gallerie,  plus  je  le  trouve  à  mon  goût,  très  bien 
imaginé  et  avec  beaucoup  d'esprit  et  d'entente  ;  mais  je  tombe  d'ac- 
cord avec  vous  que  ce  serait  gâter  un  si  bel  ouvrage  que  de  le  placer 
dans  un  lieu  où  il  ne  ferait  pas  son  effet,  cette  gallerie  n'étant  pas 
assez  haute  pour  qu'on  en  pût  découvrir  toute  la  beauté. 

(1)  Louis  Guy  de  Vernansal  (1648-1729)  était  élève  de  Le  Brun. 


DOCUMENTS  ^  l47 

J'aurais  donc  envie,  selon  votre  conseil,  Monsieur,  de  laisser  cet 
endroit  là  tout  blanc,  et  de  faire  exécuter  cet  admirable  dessein  dans 
le  grand  sallon  du  bout,  lequel  a  pour  cela  toute  la  hauteur  nécessaire. 
Il  est  vray  qu'il  y  a  moins  de  longueur  que  dans  la  gallerie,  mais  il  y  a 
en  récompense  beaucoup  plus  de  largeur,  et  je  crois  qu'il  ne  serait  pas 
fort  difficile  d'y  ajuster  ce  dessein.  Mais  comme  ce  sallon  doit  servir 
pour  les  fêles,  c'est-à-dire  pour  les  grands  repas,  les  concerts  et  les 
autres  divertissements  que  je  donne  à  ma  Cour  et  qu'il  doit  par  con- 
séquent être  souvent  fort  éclairé,  je  craindrais  que  la  vapeur  de  ce 
grand  nombre  de  bougies  ne  gâtât  cette  peinture  que  je  conserveray 
soigneusement,  si  jamais  elle  se  fait,  comme  un  morceau  digne  de  la 
curiosité  des  connaisseurs. 

C'est  sur  quoi  j'attends  votre  avis,  avant  que  de  me  déterminer;  et 
cependant  j'ordonne  aujourd'hui  au  Comte  de  S*  Maurice  de  vous 
remettre  entre  les  mains  l'argent  qu'il  faut  pour  satisfaire  le  S''  de  Ver- 
nansal  que  j'estime  infiniment  sans  le  connaître.  Je  crois  que  vous 
m'avez  marqué  qu'il  fallait  17001.  de  France  pour  son  dessein.  Si  cela  se 
monte  plus  haut. .vous  aurez  la  bonté  d'en  avertir  le  Comte  de  S*  Mau- 
rice et  il  ne  manquera  pas  selon  mes  ordres  de  donner  tout  ce  qu'il 
faudra  de  surplus,  voulant  absolument  que  cet  habile  homme  soit  aussi 
content  de  moi  que  je  le  suis  de  lui. 


Bonn,  le  27  juin  1716. 

J'attens  toujours  le  modèle  que  vous  avez  pris  la  peine,  Monsieur,  de 
faire  faire  en  cire  pour  l'autel  à  quatre  faces  que  je  dois  placer  dans  la 
chapelle  de  Poppelsdorf. 

Je  vous  remercie  du  choix  que  vous  avez  fait  pour  moy  d'un  nouvel 
architecte  (i)  et,  comme  il  a  toujours  travaillé  sous  ,vous,  je  ne  doute 


(1)  Ce  nouvel  arrhitecte,  proposé  par  Robert  de  Cotte  pour  remplacer 
Benoît  de  Fortier,  était  Guillaume  Hauberat. 

Son  congé,  que  nous  avons  retrouvé  aux  Archives  Nationales,  0*  1087,  porte 
la  date  du  20  juin  1716.  Il  est  ainsi  libellé  : 

Congé  accordé  au  S.  Guillaume  Aubrat  (sic),  Architecte  et  Dessinateur  du 
Roy  pour  aller  près  l'Électeur  de  Cologne. 

Louis  Antoine  de  Pardaillan,  duc  d'Antin...  Avons  donné  congé  au  S.  Guil- 
laume Aubrat,  architecte-dessinateur  du  Roy,  pour  s'en  aller  rendre  les  ser- 
vices de  son  art  à  l'Electeur  de  Cologne,  à  condition  de  revenir  en  France  au 
premier  ordre  de  Sa  Majesté  que  nous  lui  en  donnerons. 


l48  l'art    français  sur  le  RHIN 

pas  qu'il  ne  soit  un  très  habile  homme  et  qu'il  n'ait  toute  la  capacité 
nécessaire  pour  ordonner  et  conduire  à  mon  entière  satisfaction,  avec 
toutefois  vos  bons  avis,  les  bâtimens  que  j'ay  commencés  sur  votre 
approbation.  Je  l'estime  déjà  par  avance. 


Bonn,  le  18  juillet  1716. 

L'architecte  que  vous  m'avez  envoyé,  Monsieur,  est  arrivé  ici.  Nous 
avons  déjà  eu  plusieurs  conférences  ensemble  au  sujet  de  mes  bâti- 
mens; et  comme  il  me  paraît  fort  entendu,  j'espère  qu'il  répondra  par- 
faitement bien  à  mon  attente  et  à  la  vôtre. 


Liège,  le  7  septembre  1716. 

Je  vous  communique,  Monsieur,  les  nouveaux  plans  de  mon  palais  de 
Bonn  qui  ojit  été  faits  depuis  l'arrivée  de  mon  architecte  Hauberat,  où 
vous  trouverez  quelques  changemens,  tant  dans  celui  du  rez-de-chaus- 
sée que  dans  le  premier  étage;  et  je  vous  prie  très  instamment  de 
m'en  dire  au  plus  tôt  votre  pensée  afin  qu'ayant  votre  approbation  on 
puisse  continuer  en  sûreté  à  y  travailler  avec  toute  la  diligence  pos- 
sible. 


Bonn,  le  20  octobre  1716. 

J'ay  receu.  Monsieur,  les  plans  et  desseins  que  vous  m'avez  ren- 
voyés et  trouvé  fort  à  propos  les  petits  changemens  que  vous  y  avez 
faits.  Vous  pensez  si  juste  en  toutes  choses  que  je  suis  ravi  de  suivre 
vos  idées  et  je  m'y  conformeray  toujours  avec  plaisir.  Je  ne  doute  pas 
que  mon  architecte  Hauberat  ne  corresponde  avec  vous.  Monsieur, 
touchant  mes  bâtimens  et  qu'il  ne  vous  instruise  exactement  de  l'état 
où  ils  sont  et  des  remarques  que  je  fais  à  mesure  qu'ils  avancent. 
Ainsi  je  me  rapporte  à  ce  qu'il  vous  en  mande. 


Documents  1^9 

Le  modèle  en  cire  pour  la  chapelle  de  Poppelsdorf  est  enfin  retrouvé. 
Il  était  fort  dérangé  quand  il  est  arrivé  ;  mais  je  l'ay  fait  réparer  et  il 
est  tel  que  je  pouvais  le  souhaiter.  Je  le  feray  exécuter  en  stuc,  ne 
doutant  pas  qu'il  ne  fasse  un  très  bon  effet. 


Bonn,  le  27  novembre  4716. 

Suivant  votre  conseil,  Monsieur,  j'ay  changé  de  dessein  pour  la  gal- 
lerie  de  mon  palais  de  Bonn  puisque  effectivement  le  plancher  en  est 
trop  bas  pour  y  pouvoir  exécuter  avec  grâce  le  beau  plafond  dont  vous 
m'avez  envoyé  le  dessein.  Gomme  ce  serait  une  trop  grosse  affaire  de 
relever  ce  plancher,  j'ay  pris  la  résolution  d'y  faire  faire  seulement 
quelques  petits  ornemens  légers  de  stuc,  sans  y  mêler  aucune  pein- 
ture. 

Cela  étant,  les  portraits  des  Electeurs  que  je  voulais  mettre  dans  les 
trumeaux  entre  les  croisées  ne  conviennent  plus  dans  cette  gallerie  et 
ma  pensée  est  de  faire  ces  trumeaux  tout  de  glaces  et  de  garnir  le  côté 
opposé  de  peintures  et  de  certaines  tablettes  ou  espèces  d'armoires  de 
distance  en  distance  où  l'on  puisse  ranger  dans  un  bel  ordre  toutes 
sortes  de  vases,  de  statues,  de  porcelaines  et  autres  curiosités. 

Mais  pour  cela  j'ay  besoin  de  votre  assistance  et  vous  me  ferez  un 
sensible  plaisir  de  m'envoyer  dans  cette  idée  des  desseins  tant  pour  le 
plafond  que  pour  les  deux  côtés  de  cette  gallerie  dont  vous  avez  les 
mesures,  étant  persuadé  que  tout  le  monde  en  sera  content,  quand 
vous  aurez  pris  la  peine  d'en  ordonner  la  décoration. 


Hauberat  à  de  Cotte 


Bonn,  le  17  décembre  1716. 

Monsieur,  je  vous  envoyé  le  plan  et  les  faces  de  la  gallerie  du  palais 
Électoral  de  Bonn  que  vous  m'avés  fait  l'honneur  de  me  demander. 

Je  vous  envoyé  aussi  le  dessein  de  cinq  cheminées  dont  S.  A.  E, 
souhaite  que  les  chambranles  se  fassent  à  Paris,  n'ayant  icy  ny  les 
ouvriers  ny  la  matière  propre  à  cela.  Son  intention  est  de  faire  les 


lOO  L  ART    FRANÇAIS   SUR   LE   RHIN 

ornemens  du  chambranle  de  la  première  cheminée  qui  est  dans  la 
salle  d'audience  en  argent,  parce  que  c'est  la  coutume  en  Allemagne 
que  dans  les  palais  et  dans  les  maisons  considérables,  il  y  ait  une 
pièce  ornée  en  argent,  c'est-à-dire  les  bordures  de  miroirs  et  des 
tableaux  qui  s'appliquent  sur  la  tapisserie  et  autres  ornemens. 
Mais  comme  S.  A.  E.  craint  que  ces  ornemens  en  argent  coûtent  beau- 
coup à  Paris  (1),  elle  propose  de  les  faire  en  bois  pour  les  envoyer  à 
Mayence  ou  à  Francfort  y  servir  de  model  pour  les  fondre  en  argent,  où 
elle  croit  qu'ils  luy  coûteront  moins.  Il  faut  pour  cela  que  le  marbre 
soit  d'une  couleur  qui  puisse  convenir  avec  ce  métal. 

Il  faudra  outre  cela  des  tables  de  marbre  qui  assortissent  avec  cha- 
que cheminée  pour  mettre  dans  les  mêmes  pièces,  sçavoir  dans  les 
trumeaux  et  vis-à-vis  'des  cheminées  comme  vous  avés  fait  chez  Mon- 
sieur le  Comte  de  Toulouse  et  chez  Monsieur  le  Duc  d'Antin. 

II  n'y  aura  point  de  ces  sortes  de  tables  dans  la  Bibliothèque  parce 
que  le  vis-à-vis  de  la  cheminée  est  occupé  par  un  bureau  pour  écrire, 
lequel  est  fait,  et  dans  les  deux  trumeaux  de  cette  même  pièce  S.  A.  E. 
demande  que  vous  luy  fassiés  faire  deux  commodes  ornées  de  bronzes... 
Les  dites  commodes  peuvent  être  simplement  de  bois  de  noyer  parce 
que  S.  A.  E.  les  fera  vernir  icy  pareil  au  lambris  de  la  même  pièce,  au 
vernis  de  la  Chine  qui  sera  de  couleur  bleue  avec  des  filets  d'or .:  ce 
n'est  que  par  rapport  aux  bronzes  qui  doivent  orner  ces  commodes, 
sans  quoi  on  les  pourrait  faire  icy. 

Le  dessein  de  la  cheminée  du  Cabinet  de  glaces  est  de  M"*  Oppe- 
nort...  Il  propose  aussi  de  faire  les  dessus  de  porte  de  glaces  ;  mais  je 
crois  que  des  tableaux  y  feraient  mieux.  Je  suivray  ce  qu'il  vous  plaira 
de  régler  là-dessus. 


A  Bonn,  ce  21  janvier  1717. 

M.  Je  vous  envoyé  le  plan  du  grand  appartement  du  Palais  de  Bonn 
que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de  me  demander,  S.  A.  S.  E.  reçut  hier 
les  desseins  de  la  Gallerie  que  vous  luy  avez  envoyés  ;  Elle  me  fit 
appeler  d'abord  et  me  remit  les  d.  desseins  dont  Elle  a  été  très  con- 
tente. S.  A.  E.  a  balancé  fort  longtemps  sur  le  choix  qu'Elle  devait  faire 
des  deux  pensées  que  vous  proposez,  les  trouvant  l'une  et  l'autre  fort 
magnifiques  et  les  a  approuvées  toutes  deux,  c'est-à-dire  celle  avec  des 


(1)  R.  de  Cotte  avait  proposé  de  les  faire  exécuter  par  le  célèbre  orfèvre 
Ballin.  Cf.  la  lettre  du  16  octobre  1717. 


DOCUMENTS  l5l 

pilastres  d'ordre  composite  pour  la  Gallerie  du  Palais  et  l'autre  pour  la 
Gallerie  du  Buen-Retiro. 

L'intention  de  S.  A.  S.  E.  est  qu'il  y  ait  des  ornemens  de  bronze  sur 
les  chambranles  des  cheminées  que  vous  luy. faites  faire  à  Paris,  vou- 
lant toujours  cependant  que  ceux  de  la  cheminée  de  la  salle  d'audiance 
soyent  en  argent.  Le  dessus  de  la  cheminée  sera  aussi  en  argent  ;  mais 
je  le  feray  faire  icy  en  bois  argenté  en  attendant  que  l'on  le  puisse 
faire  exécuter  comme  S.  A.  E.  le  propose.  Pour  ce  qui  est  des  tables, 
celles  qui  seront  dans  la  salle  d'audiance  seront  aussi  tout  argent,  sça- 
voir  les  pieds  et  les  dessus. 


Bonn,  le  1"'''  mars  1717. 

Le  S""  Rousseau,  sculpteur,  est  arrivé  icy.  Je  lui  ferai  tous  les  plaisirs 
qui  dépendront  de  moi  ;  mais  la  sculpture  en  pierre  est  icy  fort  ingrate 
et  il  n'y  a  dans  ce  genre  rien  de  prêt  dans  les  ouvrages  de  S.  A.  E. 


Bonn,  18  mars  1717. 

M.  J'ay  reçu  le  dessein  de  la  décoration  du  Buen-Retiro  que  vous 
m'avez  envoyé.  Je  ne  manqueray  pas  de  le  faire  exécuter  selon  votre 
intention. 

S.  A.  S.  E.  approuve  fort  que  les  dessus  de  commodes  que  vous  faites 
faire  à  Paris  soyent  de  marbre  comme  vous  le  proposez... 

S.  A.  S.  E.  m'a  remis  un  grand  mémoire  pour  vous  envoyer,  lequel 
contient  les  sujets  que  S.  A.  E.  souhaite  être  exécutés  en  peinture  dans 
les  plafonds  de  son  appartement  de  Poppelsdorf.  Elle  demande  que 
vous  lui  fassiez  faire  à  présent  les  desseins  de  chaque  pièce  conformé- 
ment au  d.  mémoire. 

L'on  commence  les  ouvrages  à  Poppelsdorf.  L'on  travaille  présente- 
ment à  faire  les  voûtes  de  caves.  Je  fais  transporter  des  terres  tout 
autour  du  bâtiment  pour  résister  à  la  poussée  des  voûtes  et  pour  rem- 
plir les  fossés  qui  sont  autour  dudit  bâtiment, 

Les  ouvrages  du  Palais  vont  fort  doucement.  Les  parquetteurs  ont 
fini  de  poser  dans  le  Cabinet  de  Bavière  dont  on  pose  présentement  la 
menuiserie  ;  l'on  pose  le  parquet  dans  la  Salle  d'audiance  ;  les  stuca- 
teurs  achèvent  les  ornemens  du  plafond  de  la  Grande  Chambre  de 


iha  l'art  français  sur  le   RHlff 

Parade  et  ils  commencent  celui  de  la  Gallerie.  Je  ne  manqueray  pas 
d'y  faire  une  corniche  basse  et  saillante  dans  led.  plafond  comme  vous 
le  proposez  par  votre  dessein.  Les  massons  travaillent  au  mur  de  clô- 
ture du  jardin  de  l'Orangerie. 


Bonn,  le  23  mars  1747. 

S.  A.  E.  me  dit  il  v  a  quelques  jours  qu'elle  avait  à  Bruxelles  sept 
pièces  de  tapisserie  dont  elle  souhaiterait  être  défaite,  c'est-à-dire  en 
les  vendant  le  plus  que  faire  se  pourrait,  sans  que  cela  parut  en  aucune 
manière  venir  de  S.  A.  S.  E.,  qu'elle  croyait  que  l'on  s'en  pourrait 
défaire  à  Paris  plus  avantageusement  qu'ailleurs.  Elle  m'a  ordonné  de 
vous  en  écrire  pour  sçavoir  si  par  votre  moyen  cela  ne  se  pourrait  pas. 

La  raison  pour  quoy  S.  A.  S.  E.  s'en  veut  deffaire  est  que  ces  pièces 
sont  si  grandes  qu'il  n'y  a  pas  d'endroit  dans  le  palais  où  elles  puissent 
convenir  ;  avec  cela  elles  représentent  les  Sept  péchés  mortels  sous  des 
figures  de  monstres  fort  désagréables  à  voir  dans  un  appartement. 
M.  le  Comte  de  S*  Maurice  dit  qu'elles  sont  fort  belles,  c'est-à-dire 
d'une  bonne  manufacture  et  que  les  couleurs  en  sont  fort  belles  et  fort 
vives. 


Bonn,  le  20  avril  1717. 

J'ay  reçu  le  dessein  du  bout  de  la  gallerie  du  Palais  de  Bonn  que 
vous  m'avez  renvoyé  :  je  ne  manqueray  pas  de  suivre  exactement  ce 
que  vous  me  faites  l'honneur  de  me  mander. 

J'ay  remis  à  S.  A.  S.  E.  le  mémoire  de  dépense  des  ouvrages  que 
vous  faites  faire  à  Paris.  S.  A.  S.  E.  a  répondu  qu'EUe  ordonnerait  des 
fonds  pour  les  payer. 

Pour  ce  qui  est  du  transport  des  deux  commodes  et  des  deux  dessus, 
S.  A.  souhaite  que  vous  les  remettiez  à  M.  de  Valdor  pour  les  envoyer  à 
Metz  et  de  là  les  embarquer  sur  la  Moselle  pour  venir  par  eau  jusqu'icy 
pourvu  que  ce  soit  par  une  adresse  qui  ne  fasse  pas  attendre  si  long- 
temps que  l'on  a  fait  pour  le  model  de  la  chapelle  de  Poppelsdorf. 
S.  A.  m'a  remis  le  dessein  de  la  tribune  que  vous  lui  avez  envoyé  ; 
Elle  en  a  été  fort  contente  ;  Elle  a  seulement  souhaité  que  le  couronne- 
ment se  termine  par  un  bonnet  électoral. 


DOCUMENTS 


i53 


Quant  à  l'avancement  des  ouvrages  du  Palais,  l'on  travaille  présen- 
tement à  l'Orangerie  dont  on  fait  les  voûtes  ;  je  ferai  en  sorte  de 
finir  la  massonnerie  de  cet  endroit  et  le  mettre  à  couvert  cette 
année. 

L'appartement  de  S.  A.  E.  s'avance  fort  et  si  les  fonds  viennent  un 
peu,  je  compte  que  S.  A.  le  pourrait  occuper  l'hyver  prochain  en  se 
servant  de  l'escalier  qui  est[à  gauche  en  entrant.  L'on  travaille  actuel- 
lement à  la  dorure  du  plafond  du  Cabinet  de  Bavière;  la  petite  chambre 
à  coucher  est  entièrement  finie  de  dorer;  il  n'y  manque  que  des  glaces 
et  des  tableaux. 

L'on  travaille  à  Poppelsdorf  à  faire  les  voûtes  de  caves  et  je  compte 
qu'elles  seront  finies  ce  mois  ;  l'on  travaille  aussi  à  élever  le  mur  cir- 
culaire en  dedans  de  la  cour  ;  il  est  déjà  à  hauteur  d'imposte  dans 
quelques  endroits. 

Le  S'"  Rousseau,  sculpteur,  est  occupé  chez  M.  le  comte  de  S*  Maurice 
où  je  luy  ai  fait  avoir  quelques  ouvrages  :  sçavoir  un  fronton  qu'il  a 
fini  et  huit  consoles  sous  un  grand  balcon.  Il  achève  présentement  cet 
ouvrage  et  je  feray  en  sorte  de  luy  en  procurer  tant  que  je  pourrai 
pour  qu'il  ne  reste  pas  oisif. 


L'Électeur  de  Cologne  à  Robert  de  Cotte 

Bonn,  le  H  juin  1717. 

Je  sçay,  Monsieur,  que  mon  architecte  Hauberat  vous  informe  de 
tems  en  tems  de  l'état  de  mes  bâtimens  et  reçoit  vos  avis  sur  ce  qu'il 
a  l'honneur  de  vous  communiquer,  dont  je  vous  suis  infiniment  rede- 
vable. Les  dedans  de  mon  appartement  s'avancent  fort  et  l'homme  qui 
travaille  en  vernis  n'attend  pour  accomoder  ma  bibliothèque  autre 
chose  sinon  que  la  cheminée  de  marbre  soit  posée,  ne  pouvant  rien 
faire  sans  cela  à  cause  de  la  poussière  qui  gâterait  tout  son  ouvrage,  si 
on  ne  commençait  par  cette  cheminée.  C'est  pourquoi  je  vous  prie. 
Monsieur,  de  me  l'envoyer  tout  le  plutôt  qu'il  sera  possible  et  de  m'en 
marquer  le  prix  afin  que  cela  me  serve  de  règle  à  peu  près  pour 
toutes  les  autres,  à  proportion  de  leur  grandeur  et  de  leurs 
ornemens. 


l54  .  l'art   français   sur   le   RHIN 


Hauberai  à  B.  de  Cotte 


40  août  1717. 

M.,  J'ay  reçu  la  lettre  que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de  m'écrira. 
S.  A.  S.  E.  a  ordonné  deux  mil  écus  pour  vous  les  faire  tenir  pour  dis- 
tribuer aux  ouvriers  acompte  des  ouvrages  qu'ils  font;  mais  comme  le 
change  est  icy  fort  considérable,  l'on  a  cherché  jusqu'à  présent  et  il 
ne  s'est  point  trouvé  de  banquier  qui  ait  voulu  négocier  à  moins  de 
douze  pour  cent  en  sorte  qu'il  n'y  aura  à  recevoir  à  Paris  qu'environ 
cinq  mil  trois  cent  livres.  Je  crois  que  l'on  vous  envoyera  une  lettre  de 
change  pour  cette  somme. 

A  l'égard  de  l'avancement  des  ouvrages  du  Palais,  l'on  continue  de 
travailler  à  élever  les  murs  du  Buen-Retiro  :  c'est  le  seul  endroit  où 
l'on  travaille  en  maçonnerie  :  l'on  n'a  rien  fait  cette  année  dans  l'en- 
droit destiné  pour  le  grand  escalier  non  plus  qu'à  la  grande  salle. 
L'on  ne  peut  pas  travailler  dans  tant  d'endroits  avec  le  peu  d'ouvriers 
qui  sont  icy  ou  pour  mieux  dire  avec  le  peu  d'argent  qu'il  y  a.  L'on 
travaille  présentement  à  dorer  les  plafonds  et  corniches  de  la  Chambre 
d'audiance,  du  Cabinet  de  Bavière  et  de  la  Bibliothèque  ;  mais  il  n'y  a 
que  deux  ou  trois  doreurs  dans  chacune  de  ces  pièces  en  sorte  que  cela 
va  très  doucement.  11  y  a  un  de  ces  doreurs  qui  est  venu  icy  de  Paris 
de  la  part  de  M.  de  Valdor  :  c'est  celuy  qui  fait  le  mieux. 

J'ay  icy  seize  ou  dix-huit  compagnons  menuisiers  sous  un  maître 
qui  est  Français  et  qui  entend  fort  bien  son  affaire.  Ils  sont  occupés  à 
faire  des  portes,  des  placards,  des  croisées  et  du  parquet  et  quelques 
lambris. 

Il  y  a  un  serrurier  français  qui  à  six  ou  sept  compagnons.  Il  est 
occupé  à  faire  la  ferrure  des  portes  et  des  croisées  et  quelques  balcons 
pour  les  croisées  de  l'appartement  de  S.  A.  E. 

Il  y  a  icy  sept  ou  huit  sculpteurs  en  bois  dont  quelques-uns,  qui  ont 
travaillé  à  Paris,  font  assez  bien. 

Les  ouvrages  de  Poppelsdorf  se  continuent  fort  lentement.  L'étage 
sur  le  jardin  est  élevé  ;  il  n'y  a  plus  que  la  corniche  à  mettre.  L'on 
élève  présentement  les  pavillons  du  côté  de  Bonn  ;  je  ne  crois  pas  que 
ce  bâtiment  puisse  être  couvert  cette  année. 

Quant  au  S*"  Rousseau,  il  est  toujours  occupé  chez  le  comte  de  S*  Mau- 
rice ;  il  travaille  à  orner  de  sculpture  un  cabinet  au  bout  du  jardin.  Il 
y  a  encore  quelques  ouvrages  qui  se  présentent  ailleurs  et  auxquels  il 
sera  occupé  ;  il  fait  assez  bien  ses  petites  affaires  et  m'a  paru  fort 
rangé  jusqu'à  présent. 


DOCUMENTS 


l55 


Bonn,  26  août  I7I7. 

Pour  ce  qui  est  des  bâtiments,  l'on  y  travaille  toujours  fort  dou- 
cement. L'on  continue  d'élever  le  Buen  Retiro.  J'espère  qu'il  sera  cou- 
vert cette  année.  Les  doreurs  travaillent  toujours  dans  la  Chambre 
d'audience,  dans  la  Bibliothèque  ;  mais  il  y  a  tant  d'ouvrage  dans  cha- 
cune de  ces  pièces  qu'il  faudra  bien  toute  l'année  pour  les  finir  de 
dorer  ;  les  plafonds  sont  tous  ornés  de  sculptures  et  doivent  être  dorés. 

L'on  continue  de  travailler  au  bâtiment  de  Poppelsdorf.  La  face  sur 
le  jardin  avec  les  trois  pavillons  est  élevée  ;  il  n'y  a  plus  que  la  corniche 
de  pierre  de  taille  à  poser.  L'on  travaille  présentement  à  faire  les 
voûtes  de  la  gallerie  circulaire  au  pourtour  de  la  cour.  Je  ne  crois  pas 
que  ce  bâtiment  puisse  être  couvert  cette  année,  vu  le  peu  d'ouvriers 
qu'il  y  a  et  la  quantité  d'ouvrages  qui  restent  à  faire. 


L'Électeur  de  Cologne  à  R.  de  Cotte. 


Bonn,  le  28  août  1717. 

Il  envoie  une  lettre  de  change  pour  distribuer  des  acomptes  aux 
ouvriers  que  de  Cotte  emploie  à  son  service. 

«  Le  dérangement  où  sont  présentement  mes  affaires  n'a  pas  laissé 
de  m'embarasser  à  trouver  des  fonds  pour  cela  et  du  moins  il  m'a 
fallu  du  temps  pour  en  venir  à  bout.  Cependant  voici  une  lettre  de 
change  de  deux  mille  écus  que  vous  distribuerez  comme  vous  le 
jugerez  à  propos  à  ces  mêmes  ouvriers,  vous  priant  de  m'envoyer  le 
plutôt  qu'il  sera  possible,  par  la  route  de  Metz  (1),  ce  qui  se  trouvera  fait 
et  en  état  de  poser,  principalement  la  cheminée  que  je  vous  ay 
demandée.  » 


(1)  Les    pieubles    commandés    à   Paris   par    l'électeur   de  Cologne   étaient 
embarqués  à  Metz  sur  la  Moselle  et  de  là  acheminés  par  eau  jusqu'à  Bonn. 


1^6  l'art    français  sur    le     RHIN 


Bonn,  le  16  octobre  1717. 

Je  vois  avec  plaisir,  Monsieur,  par  votre  dernière  lettre  que  vous 
avez  pris  la  peine  de  faire  partir  de  Paris  les  deux  cheminées  de 
marbre  pour  ma  Bibliothèque  et  pour  le  Cabinet  des  glaces  avec  leurs 
ornemens  de  bronze  doré,  qui  viendront  ici  en  droiture,  suivant 
l'accord  fait  avec  le  maître  du  carrosse  de  Metz. 

Je  vous  remercie  infiniment,  Monsieur,  des  soins  que  vous  avez 
bien  voulu  vous  donner  pour  cela,  et  pour  distribuer  aux  ouvriers  que 
vous  avez  employés  pour  moi  les  six  mille  livres  que  je  vous  ay  fait 
toucher  par  lettre  de  change. 

Je  ne  vous  suis  pas  moins  redevable  d'avoir  parlé  au  S'  Ballin 
touchant  les  ornemens  en  argent  que  je  veux  mettre  à  la  cheminée  de 
ma  Salle  d'audiance.  11  n'y  a  pas  de  doute,  et  je  suis  persuadé,  qu'il 
ne  sort  de  ses  mains  que  des  ouvrages  accomplis.  Mais  permetlez-moi 
de  vous  dire  que  les  façons  chez  lui  montent  si  haut  qu'elles  excédent 
souvent  le  prix  de  la  matière.  Ainsi  je  suis  résolu  de  faire  exécuter  ces 
ornemens  en  Allemagne  où  l'on  travaille  fort  bien,  et  à  beaucoup 
meilleur  marché,  pourvu  que  l'on  fournisse  de  bons  modèles  aux 
ouvriers,  outre  que  je  les  auray  bien  plus  tôt  que  si  on  les  faisait  faire  à 
Paris  d'où  on  ne  les  pourrait  tirer  qu'avec  beaucoup  de  tems  et  de 
frais. 

Cela  étant,  je  vous  prie  de  m'envoyer  les  modèles  en  cire,  que  vous 
avez  fait  faire,  afin  que  je  les  fasse  exécuter  incessamment. 


Hauberal  à  R.  de  Cotte. 


Bonn,  ce  16  8^"  1717. 

M.  Les  cheminées  de  marbre  avec  les  bronzes  que  vous  avez  envoyées 
sont  arrivées  à  bon  port  et  sans  accidents  :  elles  sont  venues  par  eau 
depuis  Metz  jusqu'icy.  J'ay  fait  dépaqueter  celle  deverd  Gampan...  S.  A. 
S.  E.  les  a  vues  et  en  a  été  fort  contente.  Je  n'ay  point  encore  sorti  les 
bronzes  ;  mais  à  lasimple  ouverture  des  caisses  tout  m'a  paru  en  fort 
bon  état.  J'ay  ici  un  marbrier  qui  est  assez  entendu  et  qui,  j'espère 


DOCUMENTS  iSj 

pourra  poser  les  d.  cheminées.  Je  vais  commencer  par  la  Bibliothèque 
où  doit  être  celle  de  verd  Campan.  Pour  le  Cabinet  de  glaces,  c'est  la 
pièce  la  moins  avancée  et  Ton  n'y  travaille  pas  encore. 

Quant  à  l'avancement  des  ouvrages  du  Palais,  Ton  continue  de  poser 
la  corniche  de  pierre  de  taille  du  Buen  Betiro  et  je  compte  que  le  char- 
pentier commencera  à  poser  le  comble  la  semaine  prochaine. 

Pour  ce  qui  est  de  Poppelsdorf  la  voûte  de  la  gallerie  circulaire  au 
pourtour  de  la  cour  est  finie  et  les  cintres  ôtés  :  rien  n'a  branlé  depuis 
quej'ay  fait  mettre  des  fers.  L'on  travaille  à  élever  le  pavillon  des 
cuisines.  Il  ne  reste  plus  à  faire  que  les  deux  pavillons  :  sçavoir  celuy 
de  l'entrée  et  celuy  de  la  chapelle. 

L'on  a  posé  la  charpente  du  comble  sur  trois  des  pavillons  des  coins  ; 
la  corniche  de  pierre  n'est  cependant  point  encore  posée  ;  cela  n'em- 
pêchera pas  que  je  ne  fasse  couvrir  de  planches  les  d.  toits  pour 
garantir  pendant  l'hyver.  Les  couvreurs  se  servent  ici  de  planches  de 
sapin  au  lieu  de  lattes. 

S.  A.  a  fait  demander  des  glaces  pour  la  petite  chambre  à  coucher. 
Il  y  a  une  manufacture  du  côté  de  Francfort  :  c'est  de  là  qu'elles 
doivent  être  amenées.  Je  n'en  scay  pas  encore  le  prix  ni  la  qualité. 


L'Electeur  à  R.  de  Cotte 


Bonn,  le  30  octobre  1717. 

A  la  fin,  Monsieur,  la  massonnerie  du  Buen  Betiro  de  mon  palais  de 
Bonn  est  achevé  ;  il  est  à  la  hauteur  qu'il  doit  être  et  l'on  travaille 
actuellement  à  le  mettre  sous  toit. 

Il  s'agit  donc  présentement  de  songer  aux  décorations  du  dedans  et 
c'est  à  quoi  je  vous  prie  très  instamment  de  donner  attention  tout  le 
plutôt  que  vos  grandes  occupations  vous  le  pourront  permettre. 

Je  voudrais,  Monsieur,  que,  ce  nom  de  Buen  Betiro  dénotant  un  lieu 
de  retraite,  où  l'on  va  se  tranquilliser  et  se  délasser  l'esprit  des  affaires, 
sans  être  importuné  par  la  foule  des  courtisans,  je  voudrais,  dis-je,  que 
les  peintures  le  dénotassent  allégoriquement  par  tout  ce  que  l'imagina- 
tion d'un  peintre  habile  et  inventif  pourrait  trouver  à  ce  sujet,  sans 
pourtant  y  mêler  de  l'amour  ni  de  choses  saintes,  et  que  le  tout  fût  à 
peu  près  comme  étaient  les  appartemens  de  feu  M'"  le  Dauphin  è 
Meudon. 


i58  l'art   français  sur  le  rhin 

Je  crois  que  le  peintre  Audran  (1),  assisté  de  vos  bons  conseils,  me 
pourrait  donner  de  grandes  lumières  là-dessus  et,  comme  il  excelle  en 
grotesques  (2),  me  faire  des  desseins  tels  que  je  les  souhaite.  Vous 
aurez  donc  la  bonté  de  lui  en  parler  et  de  me  dire  ensuite  si  vous  trou- 
vez plus  convenable  de  les  faire  exécuter  à  Paris,  ce  qui  coûterait 
beaucoup  tant  pour  l'ouvrage  que  pour  le  port  ou  s'il  ne  serait  pas 
mieux  de  les  faire  peindre  sur  le  lieu  par  mon  peintre  La  Rocque,  qui 
est  entendu  et  fort  habile  garçon,  tant  pour  l'ornement  que  pour  la 
figure.  11  ne  s'agira  en  ce  cas-là  que  des  desseins,  lesquels  on  pourrait 
m'envoyer  facilement  et  à  peu  de  frais. 

On  pourrait  peindre  dans  le  plafond  de  la  gallerie  les  Arts  libéraux^ 
lesquels  ont  du  rapport  au  repos  et  à  la  tranquilité.  Le  Grand  Cabinet 
doit  être  tout  de  glaces,  tant  dans  les  côtés  que  dans  le  plafond  parce 
que,  faisant  le  coin  de  ce  bâtiment  et  ayant  par  conséquent  deux  faces, 
cela  fera  un  bien  plus  bel  effet  que  si  on  mettait  ces  glaces  dans  le 
cabinet  pour  lequel  elles  étaient  destinées.  A  la  place  de  cela  on  fera 
orner  ce  dernier  cabinet  de  porcelaines  sur  de  grandes  consoles  et 
tablettes  selon  l'un  des  deux  desseins  que  vous  avez  pris  la  peine  de 
faire  pour  ma  grande  gallerie. 

L'antichambre  doit  être  boisée  et  peinte  brun  et  or  avec  quelques 
glaces  et  quelques  portraits  de  même  que  la  chambre  du  lit,  à  peu  près 
dans  le  goût  des  petits  appartemens  de  iMeudon. 

Pour  le  petit  cabinet,  j'ay  l'envie  de  le  faire  peindre  tout  en  fleurs, 


(1)  Claude  III  Audran,  né  à  Lyon  en  1658,  mort  à  Paris  en  1734,  appartenait 
à  une  dynastie  d'artistes  célèbres.  Il  était  neveu  du  grand  graveur  Gérard 
Audran,  merveilleux  interprète  de  Poussin,  de  Lesueur,  de  Lebrun,  qu'on 
considère  à  juste  titre  comme  le  premier  graveur  d'histoire  de  l'école  fran- 
çaise. Cf.  G.  Duplessis.  Les  Audran,  Paris,  1892. 

Très  réputé  comme  «  peintre  de  grotesques  »  il  fut  après  Gillot  le  maître 
de  Watteau,  dont  les  œuvres  de  jeunesse  trahissent  nettement  son  influence 
On  cite  parmi  ses  principaux  ouvrages  la  décoration,  dans  le  goût  des  loges 
de  Raphaël,  des  châteaux  de  Meudon,  d'Anet,  de  la  Muette  et  la  Ménagerie 
de  Versailles.  Ce  sont  ses  décorations  de  Meudon  qui  donnèrent  à  l'électeur 
de  Cologne  l'idée  de  s'adresser  à  lui. 

Claude  Audran  comptait  également  parmi  ses  protecteurs  l'évéque  de  Metz, 
qui  lui  commanda  en  1717  des  modèles  de  vitraux  pour  la  chapelle  de  son  châ- 
teau de  Frescati. 

(2)  Les  grotesques  sont  ainsi  appelés  parce  que  les  premiers  examples  en 
avaient  été  trouvés  à  la  Renaissance  dans  des  grottes.  Raphaël  et  Jean  d'Udine 
imitèrent  ces  arabesques  pompéiennes  dans  les  loges  du  Vatican.  Au  début 
du  XVIII'  siècle  plusieurs  artistes  français  :  Gillot,  Audran,  AVatteau, 
Christophe  Huet,  l'auteur  des  Singeries  de  Chantilly,  remirent  en  honneur  ces 
légers  ornements  qui  se  détachaient  à  merveille  sur  les  fonds  blancs  des  boi- 
series de  style  rocaille. 


DOCUMENTS  iSq 

par  la  raison  qu'il  donne  contre  le  jardin  et  de  faire  orner  le  plafond  de 
lis  et  de  roses  avec  des  festons  de  feuilles  vertes  et  des  compartimens 
dorés  :  ce  qui  représenterait  à  peu  près  le  gris  de  lin,  le  verd  et  le 
blanc  qui  sont  mes  trois  couleurs  favorites. 

Pour  la  Chambre  des  Bains  avec  le  lit,  mon  dessein  est  de  la  faire 
boiser  avec  des  feuilles  de  vernis  de  la  Chine  de  distance  en  distance, 
comme  on  en  a  en  Hollande  et  en  forme  de  feuilles  de  paravent 
enchâssées  dans  la  boiserie  ;  et  la  chambre  du  Bain  même  doit  être 
boisée  aussi,  mais  toute  peinte  de  bleu  et  blanc  en  forme  de  porcelaine 
avec  un  vernis  par  dessus  qui  ne  s'écaille  ni  ne  s'efface  et  qui  puisse 
même  résistera  l'eau  chaude. 


Bonn,  le  4  décembre  1717. 

Pour  ce  qui  regarde  le  grand  escalier  de  mon  palais,  j'espère  le  ren- 
dre aussi  magnifique  qu'il  le  puisse  être  :  car  Mr  l'Électeur  de  Bavière, 
mon  très  cher  frère,  me  fait  présent  de  tout  le  marbre  nécessaire  pour 
cela,  en  ayant  de  très  belles  carrières  dans  ses  États  (1).  On  le  fera 
venir  par  eau  jusques  à  Donavert  (2)  et  de  là  on  le  transportera  par 
terre  pendant  lajgelée  jusques  au  Mein,  d'où  il  sera  très  facile  de  le 
faire  descendre  jusqu'ici  sans  beaucoup  de  frais. 

Vous  jugez  bien  que  de  la  sorte  cet  escalier  me  coûtera  fort  peu  de 
chose;  et  ce  serait  pour  moi  une  grosse  épargne  si  je  pouvais  avoir  au 
même  prix  les  cheminées  de  marbre  et  les  autres  choses  que  vous 
avez  pris  la  peine  de  comm.ander  à  Paris  pour  mes  appartemens  :  mes 
finances  étant  présentement  effroyablement  dérangées  par  l'opiniâtreté 
et  les  mauvaises  intentions  de  mes  États,  en  haine  de  mon  alliance 
avec  le  feu  Roi  Très  Chrétien,  de  très  glorieuse  mémoire,  qui  leur  tient 
toujours  si  fort  à  cœur  que  je  n'en  puis  tirer  aucun  secours. 

Si,  sans  me  commettre,  vous  trouviez  l'occasion  de  le  faire  connaître 
en  badinant  à  W  le  Duc  d'Antin  qui  nous  a  toujours  témoigné  tant 
d'amitié,  à  M' l'Électeur,  mon  très  cher  frère,  et  à  moi,  vous  me  feriez. 
Monsieur,  un  fort  grand  plaisir  de  lui  en  parler,  et  je  suis  presque  cer- 
tain que,  vu  sa  générosité  naturelle  dont  tout  le  monde  se  loue  et  son 


(1)  Ce  marbre  était  extrait  des  carrières  de  Hohenschwangau.  Les  archives 
de  Munich  conservent  les  pièces  comptables  relatives  à  cette  livraison  :  Die 
von  Kurhayern  zur  Kurkôlnischen  Residenz  nacher  Bonn  gelieferten  mar- 
morsteinischen  Stegen  und  deren  Abfuhrung  1718. 

(2)  Donauwôrth. 


l60  l'art  français   sur   le    RHIN 

grand  pouvoir,  il  trouverait  bien  les  moyens  de  me  tirer  cette  épine  du 
pied  en  faisant  mettre  au  compte  de  S.  M.  T.  C.  ces  petits  ouvrages  (1) 
qui  ne  seraient  que  des  bagatelles  pour  un  aussi  grand  Roi,  mais  qui 
ne  laissent  pas  d'être  considérables  pour  un  Prince  qui  se  tr©uve  dans 
la  triste  situation  où  je  suis  aujourd'hui. 

J'abandonne  le  tout  à  votre  prudence,  vous  priant  encore  une  fois  de 
ne  me  point  commettre  et  de  n'en  parler,  si  vous  trouvez  à  propos  de 
le  faire,  que  comme  d'une  idée  qui  vous  est  venue,  sans  que  j'en  aye 
la  moindre  connaissance. 


Bonn,  le  29  décembre  1747. 

Je  vous  suis  infiniment  obligé.  Monsieur,  de  la  promptitude  avec 
laquelle  vous  avez  bien  voulu  vous  mettre  à  travailler  aux  desseins  que 
je  vous  ay  demandés  pour  les  dix  pièces  de  mon  appartement  du  Buen 
Retira  et  je  ne  doute  pas  qu'ils  ne  soient  entièrement  conformes  à  mes 
intentions. 

Vous  avez  très  bien  fait.  Monsieur,  dans  la  situation  où  se  trouve  pré- 
sentement M.  le  Duc  d'Antin,  de  ne  lui  point  parler  de  ce  que  je  vous 
avais  confié  par  ma  précédente  et  j'approuve  extrêmement  le  ménage- 
ment que  vous  avez  gardé  dans  cette  rencontre.  Mais  avec  tout  cela  je 
ne  sçaurais  m'empêcher  de  vous  dire  que  je  suis  bien  malheureux  de 
n'avoir  pu  trouver  place  dans  son  arrangement. 

Quant  au  reste  des  cheminées,  tables  de  marbre,  ornemens  de  bronze 
doré  et  commodes  que  vous  avez  fait  mettre  dans  des  caisses,  mon 
architecte  Hauberat  doit  vous  avoir  écrit  là-dessus  pour  examiner  par 
quelle  route  on  peut  les  faire  venir  à  meilleur  marché  ;  et  vous  aurez 
la  bonté  de  leur  faire  prendre  celle  qui  coûtera  le  moins  et  qui  sera 
plus  diligente.  Je  feray  tout  ce  que  je  pourray  pour  vous  envoyer 
de  l'argent.  Mais  après  ce  que  je  vous  ay  dit  du  mauvais  état 
de  mes  finances,  vous  pouvez  bien  juger  que  cela  ira  un  peu  à  la 
longue. 


(1)  Ces  petits  ouvrage»  représentaient  la  bagatelle  de  24.000  livres,  dues  à 
différents  artistes  parisiens  :  BouUe,  Desjardins,  etc.,  pour  les  fournitures  de 
meubles  et  de  bronzes. 


DOCUMENTS  l6l 


Hauheral  à  R.  de  Colle 


2  mars  1718. 

Il  y  a  longtemps  que  je  n'ay  eu  l'honneur  de  vous  écrire  parce  que 
pendant  tout  l'hyver  il  ne  s'est  rien  fait  qui  méritât  votre  attention. 

J'ay  parlé  plusieurs  fois  à  S.  A.  S.  E.  et  même  encore  aujourd'huy 
pour  qu  Elle  voulût  bien  ordonner  quelques  sommes  pour  les  chemi- 
nées de  marbre  qui  sont  à  Paris.  Elle  m'a  répondu  qu'EUe  s'arrangeait 
pour  cela. 

S.  A.  S.  E.  se  dispose  à  partir  incessamment  pour  Liège.  Je  ne  serai 
pas  du  voyage  à  cause  des  ouvrages  du  Palais  de  Bonn. 


6  mars  1718. 

S.  A.  S.  E.  m'envoya  chercher  hier  au  soir  pour  me  dire  que  le 
Prince  Électoral  de  Bavière  devait  venir  icy  avec  un  de  ses  frères  et 
qu'il  fallait  faire  en  sorte  de  les  pouvoir  loger.  J'aurais  besoin  pour  cet 
effet  des  deux  cheminées  de  marbre,  sçavoir  la  Salle  d'audiance  et  le 
Cabinet  de  Bavière  qui  est  l'appartement  que  S.  A.  destine  au  Prince 
Électoral.  Si  vous  pouvez  enyoyer  les  d.  deux  cheminées,  cela  fera 
beaucoup  de  plaisir  à  S.  A.  S.  E.  qui  a  promis  d'envoyer  bientôt  encore 
un  acompte  aux  ouvriers. 


L'Élecleur  de  Cologne  à  B.  de  Colle 


Bonn,  16  mars  1718. 

La  Chambre  d'audiance  et  le  Cabinet  de  Bavière  dans  mon  nouvel 
appartement  sont  en  état  et  pour  les  mettre  dans  toute  leur  perfection, 
il  n'y  a  plus  que  les  cheminées  à  poser.  Comme  par  les  lettres  que  j'ay 
reçues  hier  au  soir  de  Munique,  j'apprens  que  le  Prince  Électoral  de 

a 


l62  l'art  français   sur  le   RHIN 

Bavière  et  le  duc  Ferdinand  mes  neveux  seront  ici  un  peu  après 
Pâques,  je  vous  prie  très  instamment,  Monsieur,  pour  que  je  les  puisse 
loger  un  peu  honorablement  et  commodément  de  faire  en  sorte  que  les 
marbres  et  autres  ornemens  qui  doivent  servir  à  ces  deux  cheminées 
puissent  être  rendus  ici  avant  leur  arrivée. 

Je  ne  manqueray  pas  de  vous  faire  tout  le  plutôt  qu'il  sera  possible 
quelque  remise  pour  le  payement  des  ouvriers  qui  y  ont  travaillé. 


Hauherai  à  R.  de  Cotle 

Bonn,  4  juillet  1718. 

M.  Je  ne  manque  aucunes  occasions  de  parler  à  S.  A.  S.  E.  pour  le 
payement  des  cheminées  de  marbre  que  je  ne  le  fasse.  Dernièrement 
je  luy  dis  que  vous  m'aviez  écrit  à  ce  sujet.  S.  A.  me  répondit  qu'Elle  y 
songeait,  mais  que  le  séjour  du  Prince  Electoral  avait  dérangé  les 
fonds,  que  cependant  Elle  ferait  en  sorte  de  donner  bientôt  quelque 
argent  pour  cela  :  c'est  à  quoi  je  veilleray  aussy  bien  que  pour  le  paye- 
ment du  voiturier  de  Metz.  Je  vous  prie  d'être  persuadé  que  je  fais  de 
mon  mieux. 

J'ay  fait  raccommoder  les  cires  de  la  cheminée  de  la  Chambre  d'au- 
diance  par  le  S'  Rousseau,  sculpteur;  elles  sont  présentement  en  bon 
état.  J'en  ay  fait  fondre  icy  un  morceau  d'ornement  en  argent  par  un 
orfèvre  qui  s'en  est  fort  bien  acquitté  ;  en  sorte  que  je  prendray  le 
parti  de  les  faire  fondre  par  cet  ouvrier  et  ne  seray  pas  obligé  de  les 
envoyer  à  Augsbourg. 

Pour  ce  qui  est  de  l'avancement  des  ouvrages  du  Palais,  l'on  conti- 
nue de  travailler  dans  l'endroit  destiné  pour  les  cuisines...  Les  doreurs 
finiront  ce  mois-cy,  comme  j'espère,  de  dorer  la  Chambre  d'audiance 
et  le  Cabinet  de  Bavière  :  ces  deux  pièces  deviennent  fort  belles  et 
magnifiques. 


Bonn,  29  août  1718. 

J'espérais  que  S.  A.  S.  E.  ordonnerait  quelque  argent,  comme  Elle 
l'avait  promis,  pour  le  payement  des  ouvrages  que  l'on  a  faits  pour  son 
service  à  Paris  ;  mais  comme  cet  argent  n'est  pas  venu,  je  pris  la 
liberté  de  luy  en  parler  hier.  S.  A.  me  dit  qu'Elle  attendait  trois  cen 


DOCUMENTS  l63 

louis  d'un  certain  endroit  lesquels  étaient  destinés  pour  cela  :  voilà 
tout  ce  que  j'ay  pu  faire  jusqu'à  présent. 

Si  dans  les  dernières  lettres  que  j'ay  eu  l'honneur  de  vous  écrire,  je 
n'ay  pas  parlé  du  principal  escalier  du  Palais  et  de  la  Grande  Salle, 
c'est  que  Ton  n'y  travaille  point  du  tout.  S.  A.  S.  E.  de  Bavière  a  promis 
d'envoyer  les  marches  de  cet  escalier,  lesquelles  seront  de  marbre.  J'ay 
envoyé  les  mesures  pour  cela  il  y  a  près  d'un  an. 

Il  y  a  quelque  temps  que  vous  me  fîtes  l'honneur  de  m'écrire  à 
l'occasion  du  S""  Rousseau  sculpteur.  Je  vous  prie  d'être  persuadé  que 
j'ay  fait  jusqu'à  présent  et  que  je  feray  dans  la  suite  tout  de  mon  mieux 
pour  ne  le  point  laisser  manquer  d'ouvrages  et  luy  procurer  tous  les 
avantages  qui  dépendront  de  moy  :  je  scay  assez  les  obligations  infinies 
que  je  vous  ay  pour  ne  pas  négliger  une  personne  pour  qui  vous  vous 
intéressez. 


Bonn,  M  novembre  1718. 

M.  Je  ne  doute  pas  que  vous  ne  m'accusiez  de  paresse  de  ce  que  j'ay 
été  si  longtemps  sans  avoir  l'honneur  de  vous  écrire;  mais  sans  cher- 
cher à  m'excuser  dans  mon  tort,  je  diray  seulement  qu'après  vous 
avoir  mandé  plusieurs  fois  que  S.  A.  S.  E.  devait  envoyer  quelque 
argent  à  Paris  pour  les  ouvrages  que  l'on  y  a  faits  pour  son  service  et 
voyant  que  cela  ne  venait  point,  j'étais  en  quelque  façon  honteux  de 
n'avoir  rien  de  positif  à  vous  mander  à  ce  sujet.  Cependant  à  force  de 
prêcher,  S.  A.  E.  a  promis  encore  aujourdhuy  de  donner  une  somme 
qui  doit  luy  venir  à  la  fin  de  ce  mois. 

L'on  a  posé  en  dernier  lieu  la  menuiserie  de  la  Chambre  de  parade 
qui  est  fort  riche  et  dont  S.  A.  a  paru  fort  contente. 

Les  ouvrages  de  Poppelsdorf  vont  fort  lentement  :  il  n'y  en  aura 
qu'une  fort  petite  partie  de  couvert  cette  année.  Cependant  les  plan- 
chers sont  posés  partout.  Il  y  en  a  tels  qui  vont  essuyer  un  troisième 
hyver  :  ce  qui  fait  fort  mal  ;  mais  je  [ne  puis  pas  faire  autrement  et  il  y 
a  lieu  de  craindre  que  pendant  que  Ton  finira  d'un  côté,  les  ouvrages 
ne  tombent  en  ruine  de  l'autre. 


Bonn,  20  février  1719. 
J'ai  reçu  la  lettre  que  vous  m'avez  fait  Thonneur  de  m'écrire  qui 
m'a  été  remise  par  M''  Vivien,  par  laquelle  je  vois  que  vous  êtes  impor- 
tuné par  les  ouvriers  qui  ont  fait  les  ouvrages  de  S.  A.  S.  E.  Je  puis 


l64  l'art  français   sur  le   RHIN 

VOUS  assurer,  M.,  que  je  fais  tout  démon  mieux  et  que  je  sollicite 
autant  que  je  le  puis  pour  faire  finir  cette  affaire  et  vous  débarrasser 
des  persécutions  de  ces  ouvriers. 

S.  A.  S.  E.  n'a  point  encore  recules  tableaux  que  M'"  Vivien  a  envoyés 
il  y  a  longtemps  par  la  voye  de  Metz. 

L'on  n'a  pas  fait  beaucoup  d'ouvrages  au  Palais  pendant  cet  hyver; 
l'on  a  travaillé  à  la  dorure  de  quelques  plafonds. 

J'ay  toujours  occupé  le  S""  Rousseau  et  j'ay  encore  de  quoy  l'employer 
cet  été  :  il  pourrait  faire  quelque  chose  s'il  voulait;  mais  il  aime  un 
peu  les  plaisirs  et  ne  s'attache  pas  fort  à  son  ouvrage. 


L'Electeur  de  Cologne  à  /?.  de  Cotte 


Bonn,  le  28  février  4719. 

J'ay  reçu.  Monsieur,  du  S'"  Vivien,  mon  premier  peintre  du  Cabinet, 
la  lettre  dont  vous  l'aviez  chargé  pour  moi  et  je  trouve  que  les  louan- 
ges que  vous  lui  donnez  ne  sauraient  être  mieux  placées,  le  maître  qui 
a  fait  les  beaux  ouvrages  qu'il  vient  de  fournir  les  méritant  véritable- 
ment, surtout  après  avoir  eu  l'approbation  d'une  personne  comme  vous 
dont  le  bon  goût  et  le  discernement  sont  également  reconnus  dans  une 
ville  qui  est  le  centre  des  Sciences  et  des  Beaux  Arts;  aussi  suis-je 
content  de  ces  tableaux  il  ne  se  peut  pas  davantage  :  à  quoi  je  dois 
ajouter  que  vous  me  ferez  un  sensible  plaisir  si  vous  voulez  bien  faire  en 
sorte  que  le  S»"  Vivien  puisse  avoir  avec  le  tems  un  appartement  aux 
Gobelins.  en  quoi  j'espère  qu'il  réussira  d'autant  plus  facilement  que 
je  scais  que  vous  êtes  sans  cela  porté  à  le  favoriser  dans  tout  ce  que 
vous  pourrez. 


Hauberat  à  B.  de  Cotte 


27  mars  1719. 
M.  je  vous  envoyé  trois  lettres  de  change,  faisant  ensemble  la  somme 
de  six  mil  livres  pour  le  payement  des  ouvrages  que  vous  avez  fait 
faire  à  Paris  pour  S.  A.  S.  E.  M.  le  Comte  de  S*-Maurice  m'a  promis  dp 


DOCUMENTS 


i65 


donner  incessamment  le  surplus  de  ce  qui  reste  à  payer  tant  pour 
les  ouvrages  que  pour  les  voitures  faites  et  à  faire  :  en  sorte,  M.,  que 
vous  pouvez  faire  partir  en  toute  assurance  ce  qui  reste  desd. 
ouvrages. 

L'on  continue  de  travailler  dans  les  dedans  des  appartements,  tant  à 
la  dorure  qu'à  la  menuiserie. 


27  avril  1719. 

J'ay  reçu  la  lettre  que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de  m'écrire 
par  laquelle  vous  me  mandez  qu'il  doit  partir  incessamment  de 
Paris  vingt-neuf  caisses  dans  lesquelles  sont  le  reste  des  ouvrages  de 
S.  A.  S.  E. 

S.  A.  S.  est  encore  à  Liège  d'où  Ton  ne  scait  pas  positivement  quand 
Elle  reviendra. 

Les  ouvrages  vont  icy  si  lentement  que  c'est  une  pitié  :  l'on  continue 
le  bâtiment  des  cuisines  et  l'on  travaille  un  peu  dans  les  dedans,  le  tout 
proportionnellement  aux  fonds  destinés  pour  cela. 


L'Électeur  de  Cologne  à  R.  de  Colle 


Bonn,  le  29  juin  1719. 

Vous  aurez  déjà  appris,  Monsieur,  par  mon  architecte  Hauberat  que 
le  reste  des  ouvrages  de  marbre  avec  les  bronzes  et  commandes  pour 
mon  palais  d'ici  est  arrivé  bien  conditionné  :  dont  je  suis  très  content, 
aussi  bien  que  de  l'envie  que  vous  me  témoignez  à  me  pouvoir  faire 
plaisir. 

Je  ne  manquerai  pas  de  donner  les  ordres  pour  que  le  peu  qui  reste 
encore  à  payer  vous  soit  remis  au  plutôt  et  me  flatte,  quand  j'aurai 
encore  besoin  de  vos  lumières  pour  la  conduite  de  vos  bâtimens,  que 
vous  voudrez  bien  continuer  à  m'en  faire  part. 


i66  l'art  français  sur  le  rhin 


Bonn,  le  4  janvier  i720. 

Comme  je  vous  ay  toujours  consulté,  Monsieur,  en  tout  ce  qui  regarde 
mes  bâtimens,  ne  soyez  pas  surpris  que  je  vous  charge  de  me  faire 
six  lustres  de  bronze  pour  placer  à  côté  des  glaces  dans  ma  chambre. 
Je  souhaite  qu'ils  soient  tous  six  à  deux  branches,  dont  quatre  repré- 
senteront chacune  des  quatre  Saisons  et  les  deux  autres  doivent 
représenter  l'un  le  Soleil  et  l'autre  la  Lune. 

Je  vous  envoyerai  bientôt  un  nouveau  plan  des  embellissements  que 
je  fais  à  mon  palais.  Ma  passion  pour  bâtir  est  toujours  égale  ;  mais  les 
moyens  me  manquent  pour  la  satisfaire. 


Bonn,  le  1"  février  4720. 

Je  suis  très  sensible  à  l'attention  que  vous  avez  eue,  Monsieur,  de 
vous  acquitter  de  la  commission  de  faire  faire  les  lustres  de  bronze  pour 
placer  aux  côtés  des  miroirs  de  ma  chambre.  J'ai  donné  ordre  à  mon 
architecte  Hauberatde  vous  envoyer  les  profils  que  vous  lui  demandez, 
pour  que  ces  lustres  répondent  à  l'architecture  qui  enferme  les  glaces 
et  je  ne  doute  point  de  la  justesse  de  Texécution. 


Bonn,  le  18  février  1720. 

L'Électeur  prend  de  Cotte  comme  arbitre  dans  une  «  dispute  terrible 
qui  s'est  élevée  parmi  ses  courtisans  au  sujet  de  l'emplacement  à  affecter 
à  VOrangerie.  » 

Cette  dispute  qui  commence  à  s'échauffer  partage  toute  ma  Cour.  Je 
ne  suis  pas  assez  entendu  pour  oser  décider  sur  cette  contestation.  C'est 
ce  qui  m'engage  à  vous  demander  votre  sentiment  là-dessus  que  je 
suivrai  aveuglément. 


DOCUMENTS  167 


H'auheral  à  R.  de  Coite. 


22  juillet  1720. 

J'ay  fort  peu  d'ouvriers,  massons  surtout;  encore  sont-ils  dispersés 
de  côtés  et  d'autres,  en  sorte  que  l'ouvrage  qu'ils  font  paraît  fort  peu  de 
chose.  L'on  travaille  actuellement  au  grand  escalier,  mais  si  lentement 
que  c'est  tout  au  plus  s'il  s'élève  cette  année  au  plain  pied  du  premier 
étage. 

S.  A.  S.  E.  mangea  hier  pour  la  première  fois  dans  la  grande  salle  à 
manger  ;  elle  n'est  cependant  pas  encore  entièrement  finie  ;  mais  l'im- 
patience de  S,  A.  n'a  pu  souffrir  un  plus  long  retardement.  Il  y  manque 
encore  les  embrasements  et  chambranles  de  menuiserie  autour  des 
croisées.  S.  A.  S.  E.  a  paru  fort  contente  aussi  bien  que  toute  la  Cour 
et  effectivement  cette  pièce  devient  fort  belle. 


21  octobre  1720. 

Il  y  a  quelque  temps  que  j'eus  l'honneur  de  vous  écrire  au  sujet  de 
VOrangerie  de  Bonn.  Depuis  ce  temps  S.  A.  S.  E.  est  absolument  déter- 
minée à  changer  lad.  Orangerie...  S.  A.  y  veut  avoir  plusieurs  bassins 
et  canaux  pour  des  carpes,  truites,  tortues  et  autres  divers  poissons 
curieux. 

S.  A.  a  été  fort  contente  à  son  retour  de  trouver  la  terrasse  sur  le 
jardin  finie  :  ce  qui  fait  effectivement  une  fort  belle  promenade. 

Pour  ce  qui  est  des  ouvrages,  ils  se  continuent  à  l'ordinaire  fort  len- 
tement. L'on  couvre  une  partie  de  la  grande  gallerie  qui  a  été  faite 
cette  année.  L'on  a  un  peu  travaillé  à  la  cage  du  'grand  escalier  :  cette 
partie  n'est  encore  élevée  qu'à  la  hauteur  du  premier  étage  ;  mais 
j'espère  que  l'année  prochaine  ce  sera  le  fort  de  l'ouvrage...  Je  fais 
toujours  travailler  dans  les  dedans  ;  ils  deviennent  fort  riches  et  même 
magnifiques.  S.  A.  E.  en  est  très  contente. 


U  avril  172L 

Je  vous  envoyé  le  plan  et  les  élévations  de   la  place  où  S.  A.  S.  E. 
souhaite  avoir  une  grotte. 


i68  l'art  français  sur  le  rhin 

J'attends  après  les  bras  de  bronze  dorés  que  le  S''  Vassé  (1)  m'a 
mandé  être  partis  de  Paris;  je  ne  manqueray  pas  de  vous  faire  scavoir 
ce  que  S.  A.  S.  E.,  en  aura  dit  et  je  ne  doute  nullement  qu'Ella  n'en 
soit  très  contente. 

L'on  a  recommencé  à  travailler  aux  ouvrages  du  Palais;  je  feray  en 
sorte  de  faire  avancer  l'endroit  où  doit  être  le  grand  escalier  afin  qu'on 
puisse  jouir  de  cette  partie  si  nécessaire  à  tout  le  reste  des  apparte- 
ments et  qui  fera  et  l'ornement  et  la  commodité  de  tout  le  Palais. 

S.  A.  S.  E.  doit  aller  demain  à  Brûhl  où  vraisemblablement  Elle 
fera  quelque  séjour  parce  qu'EUe  y  est  à  portée  d'y  voir  S.  AS.  le 
Prince  Clément  (i^),  son  nepveu,  qui  est  à  Cologne  où  il  fait  sa  résidence 
et  où  il  est  obligé  d'assister  à  tous  les  offices  de  l'église. 

Comme  je  sais  que  vous  avez  la  bonté  de  vous  intéresser  à  ce  qui 
me  regarde,  je  vous  diray  que  S.  A.  S.  E.  vient  de  m'honorer  du  titre 
de  Conseiller  de  la  Chambre  des  Finances  et  delà  dignité  d'Intendant 
de  ses  bâtiments.  Je  feray  en  sorte  qu'EUe  ne  soit  pas  trompée  dans 
son  attente  en  continuant  et  redoublant,  s'il  se  peut,  mes  soins  pour 
son  service  et  je  n'oublieray  jamais  que  c'est  à  vous,  M.,  à  qui  j'en  ay 
les  premières  obligations. 


8  décembre  1721 
J'ay  reçu  la  lettre  que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de  m'écrire  par 
laquelle  vous  vous  plaignez  de  ce  que  j'ai  été  si  longtemps  sans  vous 
donner  de  mes  nouvelles.  J'avoue  mon  tort,  mais  je  puis  vous 
assurer  en  même  temps  qu'il  ne  s'est  rien  fait  dans  les  travaux  de 
S.  A.  S.  E.  qui  ait  mérité  votre  attention  et  j'ay  craint  de  vous  impor- 
tuner par  le  récit  ennuyeux  du  peu  d'ouvrages  que  nous  faisons. 

J'ay  fait  travailler  pendant  tout  l'été  dans  les  dedans  de  l'appartement 
icy  à  Bonn  ;  l'on  n'a  rien  fait  au  grand  escalier,  ny  par  conséquent  à 
la  Salle  des  Gardes,  mais  l'année  prochaine  je  feray  en  sorte  que  cet 
endroit  soit  notre  objet  principal. 

Pour  ce  qui  estdu.'châteaude  Poppelsdorf,  il  n'est  pas  encore  entière- 
ment couvert;  il  n'y  a  point  d'aparence  que  ce  bâtiment  soit  si  tôtfiny. 

Quand  au  modèle  que  vous  avez  fait  faire  pour  la  grotte,  vous  pouvez 
le  faire  mettre  au  coche  de  Sedan  à  l'adresse  de  M.  Coussac,  Mayeur  à 
Liège,  pour  faire  tenir  à  S.  A.  S.  E.  de  Cologne  à  Bonn.  Le  d.  coche  est 
dans  la  rue  St  Martin  à  l'enseigne  du  Cardinal  Lemoyne. 

(1)  Antoine  Vassé,  père  du  sculpteur  Claude  Vassé. 

(2)  Le  prince  Clément-Auguste  de  Bavière,  neveu  et  successeur  de  l'électeur 
Joseph-Clément. 


DOCUMENTS 


169 


Extraits  de  ta  dépense  pour  tes  ouvrages  que  Son  A.  E.  de 
Cologne  a  ordonnés  à  M.  de  Cotte  de  faire  faire  à  Paris 
pour  son patais  de  Bonn. 


DISTRIBUTION 

OUVRAGES 

ACOMPTES 

RESTE  à  PAYER 

Tarle,  ouvrage  de  marbre  6  chemi- 

nées, 12  tables 

12.300  liv. 

6.800  liv. 

5  500  liv 

Desjardin,   pour  les  bronzes  dorés 

d'or  moulu  aux  cheminées.  .  .  . 

5.300 

2.100 

3  200 

Raou,  pour  les  modèles  de  la  che- 

minée de  la  Salie  d'audience  .  .  . 

300 

300 

» 

BouLLE,  pour  deux  commodes  ornées 

de  bronzes  dorés  d'or  moulu  .  .  . 

1.675 

1.000 

675 

Dbschamps,  pour  des  caisses.  .... 

580 

152 

428        • 

Doyen,  pour  les  voitures 

3.618 

900 

2.718 

Total  des  ouvrages. .  .  . 

23.878  liv. 

11.357  liv. 

12.521  liv. 

Mémoire  de  ce  qui  serait  à  exécuter  dans  les  bâtimens 
de  Son  Altesse  Sérénissime  Électorale  pendant  son 
absence  (i) 

Bonn,  le  7  septembre  1722. 
1.  On  doit  achever  le  corps  de  logis  du  grand  sallon  le  plus  tôt  que 
faire  se  pourra;  après  quoi  on  emploiera  les  maçons  autant  que  la  sai- 
son le  permettra  à  élever  et  finir  les  murailles  du  quartier  des  cui- 
sines jusqu'à  l'écurie. 


(1)  Nous  ne  donnons  ici    que    des   extraits   de    cette  pièce  retrouvée    par 
Renard  au  Staats-Archiv  de  Diisseldorf. 


170  l'art   français   sur   le    RHIN 

2.  On  achèvera  de  même  à  Poppelsdorf  à  paver  et  couvrir  la  platte 
forme  de  la  cour. 

3.  On  finira  dans  toute  sa  perfection  la  gallerie  du  palais  et  le  sallon 
des  Jeux,  comme  aussi  la  chambre  du  buffet  avec  son  poêle,  afin  que 
toutes  ces  trois  pièces  soient  en  état  au'retour  de  S.  A.  S.  E. 

7.  Le  doreur  Schmitz  dorera  encore  avant  l'hiver  la  fontaine  du 
Lever  du  Soleil  :  car  cela  ferait  un  trop  vilain  effet  qu'une  fontaine  fût 
dorée  et  l'autre  point. 

10.  L'on  fera  déloger  le  serrurier  et  le  menuisier  français  afin  que 
Maître  Max  se  puisse  mettre  en  ordre  pour  exécuter  la  grotte  projettée. 

13.  La  Vigne  du  Seigneur  (1)  doit  être  finie  sans  qu'il  y  manque  un 
clou. 

14.  Le  doreur  Moha  achèvera  la  chambre  de  parade  de  S.  A.  S.  E. 

15.  Le  jardin  de  la  Cour  sera  tracé  afin  qu'il  commence  une  fois  à 
prendre  forme  de  jardin  et  S.  A.  S.  E.  serait  agréablement  surprise  si 
leS"^  Hauberat  faisait  en  cela  le  même  miracle  qu'il  a  fait  au  parterre 
devant  la  cour,  lequel  S.  A.  S.  E.  trouva  fait  dans  un  tems  où  elle  le 
pensait  le  moins. 

16.  Tous  les  quinze  jours  le  S»"  Hauberat  fera  l'état  de  distribution  sur 
le  même  pied  que  S.  A.  S.  E.  i*a  fait  et  en  enverra  copie  à  Sa  dite 
A.  S.  E.  chaque  fois  que  cela  se  fera,  pour  son  information. 

17.  Il  fera  ses  relations  toutes  les  semaines  une  fois  de  l'état  et  du 
progrès  des  bâtimens  ;  et  lorsqu'on  fera  quelque  ouvrage  nouveau,  il  en 
enverra  le  dessein  auparavant  à  S.  A.  S.  E.  pour  approbation. 

19.  Le  S'  Hauberat  ne  fera  faire  aucun  ouvrage  extraordinaire  hors 
de  la  Cour  sans  un  ordre  et  permission  expresse  de  S.  A.  S.  E. 

20.  En  général.  S.  A.  S.  E.  s'attend  aux  soins  et  au  zèle  de  son  Com- 
missaire des  Bâtimens  le  S""  Hauberat  qui  ne  se  donnera  aucun  repos 
pour  que  le  temps  précieux  ne  soit  point  perdu,  en  faisant  avancer  les 
ouvrages  de  son  Palais  Électoral,  autant  que  la  saison  et  les  fonds  le 
permettront,  afin  que  S.  A.  S.  E.,  à  son  retour  que  Dieu  veuille  donner 
bientôt,  puisse  avoir  le  plaisir  de  jouir  des  ouvrages  commandés. 


(1)  Petit  pavillon  entouré  de  vignes,  sur  le  bord  du  Rhin,  que  l'Electeur  avait 
baptisé  Vinea  Domini. 


DOCUMENTS  IJI 


Devis  des  ouvrages  de  menuiserie^  serrurerie^  peinture^ 
impression  à  l'huile  et  dorure,  toille  écrue  et  toille  cirée 
qu'il  convient  faire  fournir  pour  le  Corps  de  logis  por- 
tatif rfe  S.  A.  S.  E.  de  Cologne,  suivant  les  plans,  éleva- 
lions  et  profils  qui  en  seront  fournis  par  le  S^  Oppenord 
et  signés  par  S.  A.  S.  E.  (^). 

Premièrement  sera  fait  lebâti  des  quatre  faces  qui  composent  la  cage 
du  logis  ;  les  poteaux  depuis  le  rez-de-chaussée  jusqu'à  l'égout  du  com- 
ble seront  d'une  seule  pièce  et  porteront  trois  pouces  d'épaisseur  ;  le 
remplage  portera  un  pouce  et  demi  d'épaisseur  :  le  tout  en  bois  de 
sapin  sans  défectuosités,  assemblé  à  tenons  et  mortaises,  rainures  et 
languettes.  Sera  fait  le  socle  ou  retraite  régnant  au  pourtour  du  logis 
d'ais  d'un  pouce  et  demi  d'épaisseur,  assemblés  à  rainures  et  lan- 
guettes, le  tout  bien  collé  et  de  bois  de  sapin. 

...  Sera  fait  tous  les  planchers,  compartis  régulièrement  et  assemblés 
à  rainures  et  languettes,  le  tout  de  bon  bois  de  chêne  de  meilleures 
qualités. 

Sera  fait  le  coffre  d'autel,  le  marchepied,  le  gradin;  la  bordure  du 
tableau,  le  tout  de  bois  de  chêne,  suivant  les  desseins  qui  en  seront 
fournis. 

Sera  fait  le  tableau  d'autel  par  un  de  Mess'»  les  Peintres  de  l'Acadé- 
mie, suivant  le  sujet  qui  en  sera  donné  par  S.  A,  S.  E. 

Sera  fait  la  table  du  buffet  dans  la  salle  à  manger  avec  un  gradin  et 
une  bordure  de  tableau  au  dessus  :  le  tout  de  bois  de  chêne. 

Sera  fait  le  tableau  du  buffet  dans  la  salle  à  manger,  composé  de 
fleurs,  fruits  et  animaux  par  M.  Desportes,  Peintre  du  Roy,  le  plus 
excellent  qui  soit  en  ce  genre  en  Europe. 

Sera  fait  l'estrade  du  lit  avec  son  balustre  et  ornemens  de  sculpture 
convenables  ;  le  tout  de  bois  de  chêne  doré  à  huille. 

Sera  fait  les  châssis  des  combles  de  bois  de  sapin  portant  un  pouce 
et  demi  d'épaisseur. 

Sera  posé  des  gouttières  aux  endroits  convenables,  lesquelles  seront 
de  bois  de  sapin. 

Sera  fait  trois  vases  de  bois  de  chêne  dorés  à  huille  pour  mettre  à  la 
cime  des  combles. 


(1)  Ce  devis,  dont  nous  reproduisons  les  articles  les  plus  importants,  est 
conservé  au  Staats-Archiv  de  Diisseldorf.  Renard,  qui  l'a  publié  in-ejctenso,  le 
date  de  1722. 


1^2  l'art    français   sur   le   RHIN 

Sera  fait  et  fourni  toutes  les  ferrures  convenables  pour  fermer  et 
entretenir  avec  toute  la  solidité  requise  tous  les  susdits  ouvrages  qui 
auront  besoin  de  quantité  de  crochets,  arrêtés  avec  des  vis,  des  clous 
rivés,  plus  des  équerres,  des  pistons,  des  douilles  pour  toutes  les  portes 
et  croisées,  etc.. 

Sera  imprimé  ou  peint  à  huille  de  blanc  de  céruse  de  Rouen  tout 
l'extérieur  et  l'intérieur  du  logis  à  l'exception  des  cloisons  de  refend;  le 
tout  de  deux  couches. 

Sera  doré  la  balustrade  et  réchampi  de  blanc  de  céruse,  comme  aussi 
les  bordures  des  tableaux  d'autel  et  du  buffet,  la  cheminée  de  tôle  et 
les  vases  du  comble. 

Sera  fourni  toutes  les  toilles  écrues  et  cirées  des  plus  belles  et  des 
mieux  conditionnées  pour  les  plafonds  et  pour  la  couverture  des  com- 
bles. 

Tous  lesquels  ouvrages  stipulés  au  présent  devis  seront  bien  dûment 
faits  et  parfaits  selon  Fart  de  chacun  en  particulier,  sous  la  conduite 
du  S'  Oppenord  dans  le  temps  et  espace  de  six  mois  à  compter  du  jour 
de  la  date  du  présent  devis,  à  peine  de  deux  mille  livres  de  déduction 
sur  le  total  du  marché  et  de  tous  dépens,  dommages  et  intérêts.  L'en- 
trepreneur fournira  tous  les  bois  de  chêne,  de  sapin,  toute  la  serrure- 
rie, vitrerie,  peinture  à  huille  et  dorure,  les  toilles  écrues  et  cirées, 
façons  et  peines  d'ouvriers  pour  livrer  iceux  ouvrages  dans  leur 
entière  perfection  au  dire  des  gens  experts  à  ce  connaissants,  moyen- 
nant le  prix  et  somme  de  seize  mille  huit  cent  livres  pour  tout  générale- 
ment quelconque. 


Description  du  château  de  Poppelsdorf  (i) 

A  environ  un  quart  de  lieue  de  Bonn  est  situé  le  beau  château  de 
Poppelsdorf,  bâti  par  Clément  Auguste.  Cet  Électeur  avait  coutume  d'y 
passer  presque  toutes  les  nuits.  Il  avait  eu  le  dessein  de  convertir  en 
un  canal  la  belle  terrasse  qui  borde  les  allées  (de  l'avenue  tracée  entre 
Bonn  et  Poppelsdorf)  afin  de  pouvoir  s'y  rendre  plus  commodément 
dans  les  soirées  d'été  en  traversant  dans  sa  nacelle  la  foule  de  ses 
sujets  qui  goûtaient  de  chaque  côté  les  plaisirs  de  la  promenade  ;  mais 
la  mort  le  surprit  avant  qu'il  pût  mettre  ce  projet  à  exécution. 

(l)  Voyage  sur  le  Rhin  depuis  Mayenoe  jusgu'd  Dusseldorf  {à^a,pTès  Lano), 
Mayence,  1803. 


DOCUMENTS  IjS 

Ce  joli  château  de  plaisance  est  d'une  construction  tout  à  fait  parti- 
culière ;  il  est  d'une  forme  quarrée,  à  deux  étages  seulement  ;  les  an- 
gles et  les  entrées  ont  chacune  un  pavillon.  Dans  l'intérieur  est  une 
cour  ronde  environnée  d'arcades  sur  lesquelles  s'élève  une  légère 
galerie. 

Une  chapelle  en  rotonde  occupe  une  grande  partie  du  château.  On 
voit  au  milieu  quatre  autels  réunis  ensemble  qui,  au  premier  aspect, 
causent  à  l'œil  une  agréable  surprise.  Quatre  prêtres  peuvent  y  dire 
la  messe  en  même  temps.  Au  dessus  de  ces  quatre  autels  est  une 
représentation  du  Christ  lorsqu'il  apparut  à  S^'^-Magdelaine. 

La  salle  de  coquillages  ou  la  grotte,  qui  était  autrefois  un  objet  d'ad- 
miration, commence  à  dépérir;  il  s'en  détache  journellement  des  par- 
ties que  l'on  ne  remplace  point.  Cette  grotte  est  Touvrage  d'un  Français 
nommé  La  Porterie  ;  il  y  travailla  sept  ans  ;  l'art  avec  lequel  il  sut 
entremêler  les  coquillages  et  par  leur  réunion  former  les  tableaux  les 
dIus  naturels  et  les  plus  variés  donne  une  grande  idée  des  talents  de 
et  artiste. 


Rœttiers.  —  Grand  surtout  d'argent  pour  l'Électeur  de 
Cologne  Clément-Auguste  0-) 

Le  roi  a  vu  ces  jours-ci  un  ouvrage  du  sieur  Rœttiers,  orfèvre 
fameux,  que  l'on  dit  digne  de  curiosité.  C'est  un  grand  surtout  d'argent 
pour  l'Électeur  de  Cologne.  L'Électeur  a  mandé  à  Rœttiers  qu'il  avait 
pris  un  cerf  sur  la  maison  d'un  paysan  et  il  ne  lui  a  pas  marqué  d'au- 
tre détail  ;  il  a  dit  qu'il  désirait  que  cette  chasse  fût  représentée  dans 
un  surtout.  Rœttiers  a  composé  un  dessin  admirable.  Le  milieu  du  sur- 
tout représente  la  chasse  du  cerf,  autant  dans  le  vrai  qu'elle  peut  être 
dans  un  ouvrage  d'orfèvrerie  ;  les  deux  côtés  représentent  deux  autres 
chasses. 

Le  même  ouvrier  a  fait,  pour  accompagner  ce  surtout,  quatre  flam- 
beaux qui  sont  quatre  chênes  parfaitement  exécutés.  Il  a  dit  au  roi  que 
le  surtout  et  les  flambeaux  étaient  du  prix  de  dix  mille  écus,  seule- 
ment pour  la  matière  et  le  contrôle,  et  qu'il  demandait  deux  mille 
louis  de  façon. 

(1)  Mémoires  du  duc  de  Luynes.  Juillet  1749,  ix,  p.  142. 


1^4  l'art  français  sur  le  RHIN 


Peyre.  —  Œuvres  d'architecture.  1818. 


Chapelle  du  château  de  l'Électeur  de  Cologne  à  Bonn 

Le  prince  Maximilien,  archiduc  d'Autriche  Électeur  de  Cologne,  me 
demanda  en  1786  les  projets  d'une  chapelle  qu'il  voulait  faire  construire 
dans  le  château  de  sa  résidence  à  Bonn.  On  exigeait  dans  le  programme 
qu'il  y  eût  des  tribunes  au  plain-pied  des  appartements  du  premier 
étage;  l'autel  devait  être  à  la  hauteur  de  ces  tribunes  et  les  musiciens 
placés  de  manière  à  n'être  pas  aperçus. 

En  entrant  dans  le  vestibule  un  escalier  de  dix-huit  marches  menait 
à  la  porte  de  la  chapelle  et  l'on  avait  encore  dix-huit  marches  à  monter 
dans  la  chapelle  même  pour  arriver  à  la  hauteur  du  sanctuaire. 

La  tribune  de  la  musique  est  pratiquée  au  dessus  de  la  voûte  percée 
d'une  grande  ouverture,  d'où  les  sons  arrivent  et  paraissent,  pour  ainsi 
dire,  descendre  du  ciel.  Le  plafond  au  dessus  de  cette  ouverture  offre 
un  concert  d'anges  :  ce  plafond  peint  bien  éclairé  et  ces  sons  s'échap- 
pant  du  sommet  de  la  voûte  eussent  produit  la  double  illusion  de  faire 
croire  que  les  anges  étaient  animés  et  que  les  sons  mélodieux  qui  se 
faisaient  entendre  étaient  ceux  de  leurs  voix  et  de  leurs  instruments. 


ANNEXES 


Bibliographie 


Au  lieu  d'énumérer  pêle-mêle  ou  dans  l'ordre  alphabétique  les  ouvrages  et  docu- 
ments à  consulter,  nous  croyons  préférable  pour  l'orientation  du  lecteur  de  les 
répartir  en  trois  sections  : 

I.  Sources,  manuscrites  et  imprimées  ; 

IL  Ouvrages  généraux; 

III.  Ouvrages  spéciaux. 


I.  —  Sources 


1.  —   SOURCES  MANUSCRITES 


A,  En  France  : 

Archives  Nationales.  —  Série  0*  (Papiers  de  la  Maison  du  Roi)  :  notamment  la  cor 

respondance  des  directeurs  des  Bâtiments  du  Roi. 
Bibliothèque  Nationale.  —  Cabinet  des  Estampes.  —  Séries    topographiques  de  la 

région  rhénane  et  surtout  Papiers  de  Cotte.  Ces  documents,  d'une  importance 

capitale,  sont  encore  inédits  ;  mais  ils  ont  été   soigneusement  inventoriés  par 

Pierre  Marcel  :  Inventaire  des  papiers  manuscrits  du  Cabinet  R.  de  Cotte. 

Paris.  Champion,  1906. 
Bibliothèque  de  l'Institut.  —  Procès-verbaux  de  l'Académie  Royale  d'architecture. 

M.  Henry  Lemonnier  a  entrepris  la  publication  de  ces  registres  :  six  volumes 

ont  déjà  paru. 
Archives  départementales  du  Bas-Rhin,  de  la  Ville  et  de  l'Œuvre  de  Notre-Dam* 

à  Strasbourg. 
Archives  régionales  du  Service  des  monuments  historiques  à  Strasbourg. 
Archives  du  Haut  Rhin. 

B.  En  Allemagne  : 

Archives  de  DUsseldorf.  — •  Staatsarchiv.  Amt  Bonn. 


176 


ANNEXES 


2.   SOUnCES  IMPRIMÉES. 

Salomon  de  Caus.  —  Hortus  Palatinus  a  Friderico  Rege  Boemise  Electore  Palatiuo 
Heidelbergae  exstructus.  Salomone  de  Caus  Architecto.  1620.  Francofurti  apud 
Joh.  Theod.  de  Bry. 

François  de  Cuvilliés.  —  Œuvre,  1770. 

J.-F.  Blondel.  —  Cours  d'architecture  (continué  par  Patte),  t.  IV.  Paris,  1773. 

d'Ixnard.  —  Recueil  d'architecture  représentant  en  34  planches  palais,  châteaux, 
hôtels,  maisons  de  plaisances  (sic),  maisons  bourgeoises,  églises  paroissioles  et 
conventuelles,  plusi<îurs  jardins  à  l'anglaise  et  un  nouvel  ordre  d'architecture, 
exécutés  tant  en  France  qu'en  Allemagne  sur  les  dessins  de  M.  d'Ixnard.  architecte 
de  S.  A.  Royale  Électorale  de  Trêves.  Strasbourg,  1791. 

L'exemplaire  relié  en  maroquin  rouge  du  Cabinet  des  Estampes  de  la  Biblio- 
thèque Nationale  est  celui  qui  fut  offert  par  l'auteur  au  roi  Louis  XVI. 

Kleiner.  —  Die  Kurfurstliche  Mayntzsche  Favorite,  1726. 

Lang.  —  Reise  auf  dem  Rhein,  1789. 

LiBKRT  (abbé).  —  Voyage  pittoresque  sur  le  Rhin  depuis  Mayence  jusqu'à 
Dûsseldorf.  Francfort,  1807. 

Lerouge.  —  Jardins  anglo-chinois  à  la  mode. 

Le  second  cahier  est  consacré  aux  jardins  de  Schwetzingen  ;  le  septième  à  la 
Favorite  de  Mayence. 

Peyre.  —  Œuvres  d'architecture.  Paris,  1818. 

Quatremère  db  Quincy.  —  Notice  historique  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de  M.  Peyre, 
architecte.  Paris,  1823. 

Përcier  et  Fontaine.  —  Résidences  de  souverains.  Paris,  1833. 


il.  —  Ouvrages  généraux 


1.  —  En  langue  française  : 

Victor  Hdgo.  —  Le  Rhin.  Paris,  1842. 

DussiEUX.  —  Les  artistes  français  à  l'étranger.  Paris,  1856,  3*  éd.  1876. 

Reynaud.  —  Histoire  générale  de  l'influence  française  en  Allemagne.  Paris,  1914. 

Barrés.  —  Le  génie  du  Rhin.  Paris,  1920. 

Schmidt.  —  Les  sources  de  l'histoire  des  territoires  rhénans  de  1792  à  1814.  Paris. 

1921. 
AuLNEAU.  —  Le  Rhin  et  la  France,  Paris,  1922. 
Fange  (Jean  de).  —  Les  libertés  rhénanes.  Paris,  1922. 

RovÊRE.  —  Les  survivances  françaises  dans  l'Allemagne  napoléonienne  depuis 
,       1815. 

2.  —  En  LANGUE   ALLEMANDE  : 

DoHME.  —  Barock  und  Rokokoarchitektur,  3  vol.  Berlin,  1884-1891. 

—  Geschichte  der  deutschen  Baukunst.  Berlin,  1886. 
GuRLiTT.  —  Geschichte  des  Barockstils  und  des  Rokoko  in  Deutschland.  Stuttgart, 
1889. 


ANNEXES  177 

Clemen.  —  Die  Kanstdenkmâler  der  Rheinprovinz. 

Le  tome  V  est  consacré  aux  moauments  de  la  ville  et  du  cercle  de  Bonn  ;  le 

tome  VII  à  Cologne.  Diisseldorf,  1899  et  sq. 
Dehio   —  Handbuch  der  deutschen  Kunstdenkmâler,  5  vol.  Berlin,  1905-1912. 
Lambert  et  STAHL.—  Architektur  von  1730-1850.  Berlin,  1903.-  Deutsche  Residen- 

zen  und  Gàrten  des  XVIllten  Jahrhunderts.  1909. 
Popp,  —  Die   Architektur  der  Barock-und  Rokokozeit  in  Deutschland  (album). 

Stuttgart,  1912. 


III.  —  Ouvrages  spéciaux 


1.  Alsace  : 

Kraus.  —  Kunst  und  Altertum  im  Elsass-Lothringen.  Strasbourg,  1884. 
Haus  ann.  —  Elsassische  Kunstdenkmâler  (album).  Strasbourg,  1896-1899. 
Hermann.  —  Notes  historiques   et  archéologiques   sur  Strasbourg,    publiées 

par  Rod.  Reuss.  Strasbourg,  1905. 
PoLACZEK.  — Denkmâier  der  Baukunst  im  Elsass.  Strasbourg,  1906. 
Hallays.  —  En  flânant.  A  travers  l'Alsace.  Paris,  1910. 

—  L'art  du  xviiie  siècle  en  Alsace.  Le  château  des  cardinaux  de  Rohan 
à  Strasbourg.  L'Alsace  française.  1921. 

Reuss.  —  Histoire  de  Strasbourg.  Paris,  1922. 

2.  Électorat  palatix  : 

Mathy.  —  Studien  zur  Geschichteder  bildenden  Kiinstein  Mannheim  im  XVIllten 

Jahrhundert.  Mannheim,  1894. 
Beringer.  —  Peter  von  Verschaffelt.  Strasbourg,  1902. 

—  Rurpfâlzische  Kunst  und  Kultur  im  XVIllten  Jahrhundert,  Fribourg- 
en-Brisgau,  1907. 

SiLLiB.  --  Schloss  und  Garten  in  Schwetzingen.  Heidelberg,  1907. 
P.  du  Colombier.  —  Une  œuvre  d'art  française  en  Allemagne.  Les  jardins  de 
Schwetzingen.  La  Renaissance,  1922. 

3.  Électorat  de  Mayence  : 

Schneider.  —  Der  Dom  zu  Mainz.  Berlin,  1886. 

ScHAAB.  —  Geschichte  der  Stadt  Mainz. 

Frankfurt  a.  m.  und  seine  Bauten.  Francfort,  1886. 

LuTHMER.  —  Dekorationen  aus  dem  Palais  Thurn  und  Taxis  zu  Frankfurt  a.  M., 

1890. 
DoRST.  —  Charles  Mangin  und  seine  Bauten  in  den  Trierer  und  Mainzer  Lan- 

den.  Mainzer  Zeitschrift,  1917. 
Réau.  —  Un  grand  architecte   français   en  Rhénanie  :  Jean-Charles  Mangin 

(1721-1807).  L'Architecture,  1922. 

12 


1^8  ANNEXES 

4.  Electorat  db  Trêves  : 

Becker.  —  Das  Kônigliche  Schloss  zu  Koblenz,  1886. 
LoHMEYER.  —  Johannes  Seiz.  Heidelberg,  1914. 

5.  Electorat  de  Cologne  : 

Merlng.  —  Gescliichte  dervier  letzten  Kurfûrstea  von  Kôln.  Cologne,  1841. 

—  Clemens  August,  Herzog  von  Bayern,  Kurfûrst  und  Erzbischof  zu  Kôln. 

Cologne,  1851. 
Ennkn.  —  Der  spanische  Erbfolgekrieg  und  Churfurst  Joseph  Clemens  von  Kôln. 

lena,  1851. 
—  Fraukreich  und  dcr  Niederrhein  oder  Geschichte  von  Stadt  und  Kur- 

staat  Kôln  seit  dem  30  jâhringen  Krieg  bis  zur  franzôsischen  Okkupation.  2  vol 

Cologne,  1855. 
DoHME-RiJcKWARDT.  —  Das  Kônigliche  Schloss  zu  Briihl.  Berlin,  1878. 
Merlc—  Kôlnischo  Kunstler,  2«  éd.  DUsseldorf,  1895. 
Renard.  —  Die  Bauten  der  Kurfurslen  Joseph  Clemens  und  Clemens  August  von 

Kôln  (Extrait  de  Bonner  Jahrbiicher).  Bonn,  1896. 
Hauptmann.  —  Der  Bau  des  Bonner  Ralhauses.  Bonner  Archiv.  III. 

—  Das  Innere  des  Bonner  Schlosses  zur  Zeit  Clemens  Augusts.  Bonn, 

1901. 
FoRTLAGE.  —  Anton  de  Peters.  Ein   Côlner  Maler  des  XVIIIten    Jahrhunderts. 

Strasbourg,  t910. 


ANNEXES  179 


Répertoire  des  artistes  français  ayant  travaillé 
dans  ou  pour  les  pays  rhénans  aux  XVII"  et  XVIIP  siècles 


i.  Architectes  : 

Antoine  (Jacques-Denis),  dessine  pour  le  prince  de  Salm-Kirburg  les  plans  du  châ- 
teau de  Rirburg  près  Kreuznach. 

Antoine  (Jean),  de  Metz,  construit  pour  l'électeur  de  Trêves  le  château  de 
Wittlich  (1761-1763). 

Benoit  dk  Portier,  envoyé  en  1713  à  Bonn  par  R.  de  Cotte  pour  y  surveiller  l'exé- 
cution de  ses  plans. 

Beuque,  architecte  de  Besançon,  chargé  en  1766  par  le  Chapitre  de  l'abbaye  de 
Murbach  de  construire  la  nouvelle  église  Notre-Dame  de  Guebwiller. 

Blondel  (Jacques-François),  élabore  en  1767  un  plan  d'ensemble  pour  l'embellisse- 
ment de  la  ville  de  Strasbourg. 

BoFFRAND  (Germain),  collabore  avec  l'architecte  allemand  Maximilian  von  Welsch 
à  la  décoration  du  château  de  la  Favorite,  construit  près  de  Mayence  sur  le 
modèle  de  Marly. 

Carbonnet,  élève  de  R.  de  Cotte,  qui  le  délègue  auprès  du  cardinal  de  Rohan  pour 
les  travaux  de  Saverne  et  de  Strasbourg. 

Gaus  (Salomon  de),  dessine  et  publie  en  1620  l'Hortus  Palatinus  du  château  de  Hei- 
delberg. 

Chevalier  (ou  Le  Chevalier),  protégé  de  R.  de  Cotte,  qui  le  recommande  au  cardi- 
nal de  Rohan  ;  travaille  à  Saverne  ;  fait  à  Strasbourg  les  plans  de  deux  hôtels 
particuliers  pour  le  prince  de  Birkenfeld  et  le  comte  de  Hanau. 

Cotte  (Robert  de),  premier  architecte  du  roi  ;  dirige  de  Paris  de  nombreux  et 
importants  travaux  en  Alsace  et  dans  l'Allemagne  rhénane.  Le  cardinal  de 
Rohan  lui  confie  la  décoration  de  son  château  de  Saverne  et  la  construction  de 
son'  palais  épiscopal  de  Strasbourg.  L'électeur  de  Cologne  Joseph-Clément  lui 
demande  les  plans  de  ses  châteaux  de  Bonn,  de  Poppelsdorf  et  de  Bruhl.  C'est 
encore  à  R.  de  Cotte  que  sont  dûs  les  plans  de  l'hôtel  des  princes  de  Tour  et 
Taxis  à  Francfort  (1727). 

CuviLLiÉs,  architecte  de  l'électeur  Charles-Albert  de  Bavière,  travaille  également 
pour  son  frère  l'électeur  de  Cologne  Clément-Auguste.  Il  décore  les  appartements 
du  château  de  Briihl  et  construit  dans  le  parc  le  pavillon  de  chasse  de  Falkenlust. 

Delamaire,  architecte  du  cardinal  de  Rohan  ;  construit  en  Alsace  le  château  de 
Saverne. 

Dupuis  (Etienne),  travaille  d'abord  à  Stuttgart  sous  la  direction  de  Ph.  de  la  Guê- 
pière,  puis  achève  en  qualité  de  premier  architecte  de  l'électeur  de  Cologne 
Clément-Auguste  la  construction  du  château  de  Brùhl. 

Fosse  (Jérémie  de  la),  auteur  de  plans  pour  la  reconstruction  du  château  de  Darm- 
stadt. 

Froimont  (Jean-Clément),  commence  la  construction  du  château  électoral  de 
Mannheim. 

Girarb,  jardinier,  élève  de  Lenôtre,  trace  le  parc  du  château  de  Briihl. 


l8o  ANNEXES 

GouRLADK,  architecte  du  cardinal  de  Rohan,  désigné  en  1727  pour  diriger  la 
construction  du  château  épiscopal  de  Strasbourg  sur  les  dessins  de 
R.  de  Cotte. 

GuÊPiÈRE  (Pierre-Louis-Philippe  de  la),  élève  de  J.-F.  Blondel,  architecte  du  duc 
Charles-Eugène  de  Wurtemberg,  offrit  ses  services  pour  la  réfection  de  la 
cathédrale  de  Strasbourg  après  l'incendie  de  1759. 

IIauberat  (Guillaume),  élève  de  R.  de  Cotte,  qui  l'envoie  à  Bonn  en  1716  pour 
remplacer  Benoit  de  Portier  et  diriger,  d'après  ses  dessins,  la  construction  des 
châteaux  de  Bonn  et  de  Poppelsdorf.  On  retrouve  Hauberat  à  Francfort,  où  il 
construit,  toujours  sur  les  plans  de  R.  de  Cotte,  l'hôtel  de  Tour  et  Taxis  et  plus 
tard  à  Mannheim,  où  il  travaille  au  château  électoral. 

IxNARD  (Michel  d'),  élève  de  J.-F.  Blondel  et  de  Servandoni,  patronné  par  la  famille 
des  Rohan  ;  reconstruit  après  un  incendie  l'abbaye  bénédictine  de  Saint-Blaiso 
dans  la  Foret-Noire  ;  fait  adopter  par  l'archevôque-élocteur  de  Trêves  un  projet 
grandiose  de  résidence  à  Coblence,  qui  dut  être  abandonné  en  1779  pour  des 
raisons  d'économie;  se  réfugie  après  sa  disgrâce  en  Alsace,  où  il  construit  la 
bibliothèque  du  collège  Royal  de  Colmar. 

Levkilly  (Michel),  émigré  en  1721  à  Bonn,  où  il  construit  la  Porte  Saint-Michel  et 
l'hôtel  de  ville  ;  dirige  les  travaux  du  château  de  Brùhl. 

Mangin  (Charles),  construit  le  château  de  Mon  aise,  près  Trêves  (1779),  et 
l'hôtel  de  la  Grande  Prévôté  à  Mayence. 

Makolles  (chevalier  de),  élève  de  J.-F.  Blondel  et  de  Servandoni,  travaille  en 
1764  aux  embellissements  de  Mannheim  et  de  Schwetzingen. 

Marot  (Daniel),  dessine  dans  le  goût  du  château  de  Vaux  un  projet  du  château  de 
Mannheim,  construit  plus  tard  par  Froimont  et  Nicolas  de  Pigage. 

Massol  (Joseph),  construit  sur  les  plans  de  R.  de  Cotte  le  château  épiscopal  de 
Strasbourg.  C'est  à  lui  qu'il  faut  faire  honneur  également  de  quelques-uns  des 
plus  beaux  hôtels  construits  pour  les  chanoines  du  Chapitre  de  la  Cathédrale 
entre  le  Broglie  et  la  rue  Brûlée.  Le  plan  du  château  de  Reichshoffen  porte 
sa  signature. 

Oppenord  (Gilles-Marie),  premier  architecte  du  duc  d'Orléans.  L'électeur  de  Colo- 
gne Joseph-Clément  lui  commanda  plusieurs  dessins  pour  la  décoration  des 
appartements  de  son  château  de  Bonn  et  l'exécution  d'un  corps  de  logis  por- 
tatif (1722). 

Patte  (Pierre),  architecte  du  duc  de  Deux-Ponts  ;  agrandit  le  château  ducal  et 
décore  l'hôtel  de  Deux-Ponts  à  Paris. 

Peyre  (Antoine-François),  dit  Peyre  le  jeune,  remplace  Michel  d'Ixnard  dans  la 
faveur  de  l'électeur  de  Trêves  Clément- Wenceslas  qui  lui  confie  la  construction 
de  son  palais  de  Coblence  (1779-1786).  Peyre  dessina  également  les  plans  d'un 
pavillon  à  Kàrlich,  d'une  chapelle  pour  le  château  de  Bonn. 

Pigage  (Nicolas  de),  architecte  de  l'électeur  Palatin  Charles-Théodore,  construit  une 
aile  de  la  résidence  de  Mannheim  et  le  petit  château  de  Benrath,  près  Diissel- 
dorf  ;  dessine  et  décore  les  jardins  de  Schwetzingen. 

Saint-Far  (Eustache  de),  auteur  des  plans  du  Nouveau  Théâtre  de  Mayence  et 

du  palais  du  Conseil  souverain  d'Alsace  à  Colmar. 
Salins  de  Montfort,  reconstruit  le  château  de  Saverne  après  l'incendie  de  1779, 
prend  part  au  concours  pour  le   palais  électoral  de  Coblence.  Plus  tard, 
vers  1800,  il  construit  à  Francfort  la  maison  Passavant-GontarJ. 


ANNEXES  l8l 

Verschaffelt  (Pierre-Antoine),  construit  sous  l'influence  de  Pigage  l'Arsenal  de 
Mannheira  (1777). 

IL  Sculpteurs  : 

Laporterie  (Pierre),  de  Bordeaux;  fixé  à  Bonn  à  partir  de  1735  ;  décore   la  grotte 

de  coquillages  (Muschelsaal)  du  château  de  Poppelsdorf,  la  chapelle  de  Falken- 

lust  près  Brlihl  et  la  grotte  de  Neuwied. 
Le  Clkrc,  décore  de  groupes  de  putli    le  pavillon  de   Falkenlust,  construit  par 

Cuvilliès  dans  le  parc  du  château  de  Brùhl. 
Lecomte,  expose  au  Salon  de  1789  un  projet  de  décoration  pour  la  chaire  de  la 

chapelle  du  château  électoral  de  Coblence. 
Le  Lorrain  (Robert),   sculpteur  du    cardinal  de    Rohan,    décore    le   château  de 

Saverne  et  le  palais  épiscopal  de  Strasbourg. 
MoNNOT,  expose  au  Salon  de  1781  deux  figures  en  marbre  commandées  parle  prince 

de  Deux-Ponts. 
Radoux,  exécute  de  nombreux  travaux  de  sculpture  au  château  de  Brûhl. 
Rousseau,  arrive  à  Bonn  en  1717  pour  collaborer  aux  bâtiments  de   l'électeur  de 

Cologne.  Hauberat  lui  fait  sculpter  le  fronton  et  les  consoles  de  balcon  de  l'hô- 
tel du  comte  de  Saint-Maurice  (hôtel  Boeselager) 
Verschaffelt  (Pierre-Antoine),  Flamand  francisé,  élève  de    Bouchardon,   décore 

l'église  des  Jésuites  et  le  palais  électoral  de  Mannheim,  le  parc  de  Schvetzingen, 

le  château  de  Benrath. 

IIL  Peintres  : 

AuDRAN  (Claude)  ;  l'électeur  de  Cologne  Joseph-Clément  lui  demande  en  1717  des 
dessins  de  grotesques,  pour  décorer  ses  appartements  intimes  du  château  de 
Bonn  dans  le  goût  des  appartements  du  dauphin  à  Meudon. 

Bertin  (Nicolas),  élève  de  Bon  BouUongne,  travailla  à  plusieurs  reprises 
pour  l'électeur  de  Mayence,  qui,  d'après  d'Argenville,  possédait  ses  meil- 
leurs ouvrages. 

Desportes  (François),  chargé  de  peindre  en  1722  pour  le  corps  de  logis  portatif  de 
l'électeur  de  Cologne  un  tableau  de  buffet.  Plusieurs  de  ses  tableaux  de 
chasse  ornaient  la  galerie  de  l'électeur  Clément-Auguste. 

Goudreaux  (Pierre),  portraitiste  français  émigré  en  Allemagne  ;  peintre  de  l'électeur 
Palatin  Charles-Philippe,  à  Mannheim,  où  il  mourut  en  1731. 

Lagrenée  jeune,  peint  pour  le  château  électoral  de  Coblence  l'esquisse  d'un 
plafond  représentant  La  Justice  terrassant  le  vice. 

Laroque,  peintre  au  service  de  l'électeur  de  Cologne  Joseph-Clément  qui  propose  de 
lui  faire  exécuter  sur  place  au  château  de  Bonn  les  dessins  d'Audran. 

RoussEAUx  (François),  peint  au  château  de  Brûhl  des  dessus  de  portes  et  des  pla- 
fonds dans  le  goût  des  fêtes  galantes  de  Watteau.  Son  fils  Jacques  grave  un  de 
ses  tableaux  représentant  l'incendie  de  la  Résidence  de  Bonn  en  1777. 

Tardieu  (J.),  s'intitule  graveur  de  S.  A.  S.  Électorale  de  Cologne. 

Vernansal  (Louis  Guy  de),  envoie  en  1716  à  l'électeur  de  Cologne  Joseph-Clément 
l'esquisse  d'un  plafond  peint  destiné  au  château  de  Bonn. 

Vernet  (Joseph),  reçoit  plusieurs  commandes  du  duc  Frédéric  de  Deux-Ponts  et  de 
l'électeur  palatin  pour  sa  galerie  de  Mannheim. 


l82  ANNEXES 

Vivien  (Joseph),  premier  peintre  de  l'électeur  de  Cologne,  qui  le  recommande  à  R.  de 
Cotte  pour  un  appartement  aux  Gobelins  (1719),  autorisé  à  aller  travailler  à 
Munster  en  1721,  meurt  au  château  de  Bonn  en  1735. 

IV  Artistes  décorateurs  :  ébénistes,  orfèvres,  médailleurs,  tapissiers. 

BouLLE,  exécute  pour  l'électeur  de  Cologne  Joseph-Clément  deux  commodes  ornées 
de  bronzes  dorés  d'or  moulu. 

DuGOURc,  aurait  dessiné  l'ameublement  du  duc  de  Deux-Ponts. 

Duvarlet,  tapissier  français  au  service  de  l'électeur  de  Cologne  Clément- Auguste. 

DuviviER  (Jean),  exécuta  à  Paris  une  médaille  de  Joseph-Clément,  archevêque-élec- 
teur de  Cologne  qui  était  en  même  temps  évêque  de  Liège,  sa  ville  natale,  et  plus 
tard  une  médaille  de  la  Confrérie  de  Saint-Michel,  fondée  par  l'électeur. 

FouRiÉ  (Jean),  maître  tapissier  d'Aubusson,  exécute  en  1767  une  suite  de  tapisse- 
ries représentant  l'histoire  de  Joseph  pour  le  chœur  de  l'église  Saint-Géréon 
de  Cologne. 

Germain  (Thomas),  célèbre  orfèvre,  cisèle  un  calice  en  or  pour  l'électeur  de  Cologne 
Joseph-Clément. 

RoETTiERs,  exécute  en  1749  pour  l'électeur  de  Cologne  Clément- Auguste  un  surtout 
en  argent  représentant  une  chasse  au  cerf. 

Vassé  (Antoine),  exécute  en  1721  pour  l'électeur  de  Cologne  Joseph -Clément  des 
bras  de  bronze  doré  destinés  au  palais  de  Bonn. 


ANNEXES  lS3 


Répertoire  des  artistes  rhénans  formés  en  France 


I.  Architectes. 

Gau  (Franz-Christian),  né  à  Cologne  en  1790;  se  fixe  à  Paris  et  se  fait  naturaliser 
Français, construit  en  style  gothique  l'église  Sainte-Clotilde  ;  meurt  à  Paris  en  1653. 

HiTTORF  (Jakob-Ignaz),  né  à  Cologne  en  1792;  émigré  en  1810  à  Paris  où  il  tra- 
vaille sous  la  direction  de  Percier  ;  adopté  par  l'architecte  Bélanger,  qui  lui  trans- 
met sa  charge  d'architecte  royal  des  fêtes  et  cérémonies  de  la  Cour  ;  chargé  de 
la  décoration  de  la  cathédrale  Notre-Dame  de  Paris  pour  le  baptême  du  duc  de 
Bordeaux,  de  la  cathédrale  de  Reims  pour  le  couronnement  de  Charles  X  ;  outre 
ces  décorations  éphémères,  on  lui  doit  l'arrangement  actuel  de  la  place  de  la 
Concorde,  la  construction  de  la  gare  du  Nord  et  l'église  Saint- Vincent  de  Paul. 
II  meurt  à  Paris  en  1867. 

Neumann  (Johann-Balthasar),  fait  un  voyage  d'études  à  Paris  en  1723  ;  soumet  à 
l'approbation  de  R.  de  Cotte  et  de  Boffrand  les  plans  de  la  résidence  épiscopale 
de  Wurzbourg.  On  lui  attribue  sans  preuves  la  conception  du  grand  escalier 
du  château  de  Briihl. 

Neumann  (Franz-Ignaz- Michel),  fils  du  précédent,  profite  de  son  voyage  en  France 
en  1757  pour  étudier  la  cathédrale  de  Rouen  ;  soumet  à  l'Académie  royale  d'ar- 
chitecture de  Paris  ses  plans  pour  la  reconstruction  de  la  tour  de  la  cathédrale 
de  Mayence  (1770). 

RoTH  (Johann-Heinrich),  fait  en  1751  un  voyage  d'études  à  Paris  aux  frais  de  l'é- 
lecteur de  Cologne  Clément-Auguste,  construit  sur  le  type  des  Maisons  de  plai- 
sance de  J.-F.  Bloniel  le  pavillon  de  chasse  d'Herzogsfreude  près  de  Bonn. 

Welsch  (Maximilian  von),  architecte  favori  de  l'électeur  de  Mayence  pour  lequel  il 
construit  dans  le  goût  français,  sur  le  modèle  de  Marly,  le  château  de  La  Favo- 
rite. 

II.  Sculpteurs  : 

J.  J.  Flattkrs,  né  à  Crefeld,  élève  de  Houdon. 

III.  Peintres  : 

Frey,  peintre  du  duc  de  Deux-Ponts. 

KoBEL,  peintre  de  paysages  de  l'électeur  Palatin. 

Kymli,  peintre  de  portraits,  pensionnaire  de  l'électeur  Palatin. 

Meyer,  peintre  d'histoire  du  duc  de  Deux-Ponts. 

Peters  (Anton  de),  né  en  1723  à  Cologne;  formé  à  Paris  sous  l'influence  de  Greuze. 

PiETZ,  protégé  du  duc  de  Deux-Ponts. 

IV.    DÉCORATEURS  : 

Roentgen  (David),  originaire  de  Neuwied  sur  le  Rhin  ;  ébéniste  de  la  reine  Marie- 
Antoinette. 


l84  ANNEXES 


Répertoire  des  principaux  monuments  de  l'art  français 
du  XVIIie  siècle  sur  le  Rhin 


Benrath.  château  de  l'électeur  Palatin,  près  de  Dusseldorf,  construit  par  Nicolas 

de  Pigage,  décoré  de  sculptures  par  Verschaffelt. 
Bonn,  palais  électoral  (actuellement  université)  construit  sur  les  plans  de  R.  de  Cotte 

par  Benoît  de  Fortier,  Hauberat  et  Leveilly. 

—  Château  de  Poppelsdorf  construit  sur  les  plans  de  R.  de  Cotte  par  Hauberat. 

—  Hôtel  de  ville  construit  par  Leveilly  (1737). 

Bruhl,  château  des  éle(j^urs  de  Cologne  construit  sur  les  plans  de  R.  de  Cotte  par 
Leveilly,  Cuvilliés,  Dupuis  (17251770).  Décoration  du  sculpteur  Radoux,  du 
peintre  Roussaux.  Parc  tracé  par  Girard. 

—  Pavillon  de  Falkenlust  construit  par  GuvilUès.  Sculptures  de  Le  Clerc. 
Coblence,  palais  électoral,  commencé  par  Michel  d'Ixnard  (1778),  remanié  et  bâti 

par  Peyre  le  jeune  (1779-1786). 
Deux-Ponts,  château  ducal,  agrandi  par  Pierre  Patte. 
Francfort,  hôtel  du  prince  de  Tour  et  Taxis,  construit  par  Hauberat  sur  les  plans 

de  R.  de  Cotte. 
Guebwiller,  église  Notre-Dame,  élevée  sur  les  plans  de  Beuque  de  Besançon. 
Mannheim,  palais  électoral,  construit  par  FroimontetN.  de  Pigage. 

—  Arsenal,  construit  par  Verschaffelt. 

—  Palais  Bretzenheim,  décoré  de  sculptures  par  Verschaffelt 

Mayence,  château  et  jardins  de  la  Favorite  :  œuvre  de  Boffrand  et  de  Maximilian 
von  Welsch. 

—  Tour  de  la  cathédrale  reconstruite  par  Neumann  le  jeune  après  consul- 
tation de  l'Académie  d'Architecture  de  Paris. 

—  Prévôté  (Probstei)  par  Mangin. 

Savbrne,  château  construit  par  Delamaire,  agrandi  et  transformé  par  Carbonnet  et 

Le  Chevalier  sur  les  plans  de  R.  de  Cotte,  reconstruit  par  Salins  de  Montfort 

après  Tinceidie  de  1779. 
Schwetzingen,  parc  tracé  et  pavillons  construits  par  N.  de  Pigage.  Sculptures  de 

Verschaffelt. 
Strasbourg,  palais  épiscopal  (château  Rohan),  construit  par  Massol  sur  les  plans  de 

R.  de  Cotte. Sculptures  de  R.  Le  Lorrain. 

—  Hôtels  du  doyen  et  des  chanoines  du  chapitre. 

—  Projet  d'embeUissement  de  J.  F.  Blondel. 

Trêves,  château  de  Mon  aise,  construit  par  Mangin  (1779). 

WiTTLicH,  château  de  l'élecleur  de  Trêves    construit  par  Jean  Antoine  (1761). 


TABLE  ALPHABÉTIQUE 


DES    NOMS    D  ARTISTES 


Anguier 

Antoine  (Jacques-Denis) 

Antoine  (Jean) 

AuDRAN  (Claude) 

Benoit  de   Fortier    49,    53 

Beuque 

Blondel   (Jacques-François)  16,    81,    96 

BoFFRAND  (Germain)  29 

BOULLE  169 

Garbonnet  U,  65,  66 

Gaus  (Salomon  de)  21 
Chevalier  (Le)        11,  13,  15,  16,  66,  71 

Clerc  (Le)  5T 

CONTOEN  35 

Cotte  (Robert  de)  10,  13,  15.   16,  30,  48, 

51.    52,    53,    65,  67,    68,    69,    70,   71, 

87,  89,  123 

COYPEL  67 

CoYZEVOX                          -  75 

cuvilliès                  •  57 

David  43 

Delamaire  12 

Desportes  i'François)  54,  59 

DuGOURC  26 

Duvarlet  58 

DuviviER  54 

Flatters  59 

Fosse  (Ch.  de  la)  67 

Fourié  59 

Froimont  23 

Gabriel  (Ange- Jacques)  18 

Gau  59 

Germain  (Thomas)  54 

Goudreaux  25 

Gourlade  13,  65 

GuÊpiÈRE  (Philippe  de  la)  16,  80 
Hauberat  (Guillaume)  23,  31,  49,  53,  148, 
149,  153,  160,  170 

HÉRÉ  18 

Hin  84 

HiTTORF  59 

Ixnard  (d')     18,  41,  96,  99,  103,  118 

Kléber  19 

Lagrenée  jeune  43,  122 

Laporterie  53,  58 


75 

Laroque 

26 

Lecomtk 

40 

Lerouqe 

52,  54,  158 

Leveilly  (Michel) 

137,    139, 

Lorrain  (Robert 

141,  143 

Mangin  (Charles) 

18 

Mares  (Pierre  des 

54,  158 

43 

30 

54,  58 

11,  14,  74,  75 

34,  36,  43,  44,  94 

4 


Marolles  (Chevalier  de) 
Mariony  (Marquis  de) 
Marot  (Daniel) 
Massol  (Joseph) 
Mechel  (Christian) 
ménageot 
Meyer 

MONNOT 

Neumann  (Balthazar) 

Neumann  le  jeune 

Nicéville  (Chevalier  de) 

Nicolas  de  Verdun 

Oppenord 

Patte  (Pierre) 

Perdigué 

Peters  (Antoine  de) 


83 

90,  96 

23 

13,  15,  18,  73 

24 

43 

84 

26,  85 

55 

32 

35 

4 

53,  150.  171 

15,  26 

72 

59 


Peyre  le  jeune  (Antoine- François)  42,  44 
59,    101,     102,    105,    107,    110,     112, 
113,  117,  121 
Pietz  85 

PiGAGE  (Nicolas  de)  23,  24,  83 

Rœntgen  (David)  45 

Rœttiers  58,  172 

RoTH  58 

Rousseau  26,  54,  151,  153 

Saint- Far  (Eustache  de)  37 

Salins  de  Montfort  12,  41 

Schlaun  55,  58 

Seiz  (Johannes)  40,  45 

Vassé  (Antoine)  168 

Vernansal  (Guy  de)  50,  146,  147 

Vernet  (Joseph)  25 

Verschaffelt  25 

Vincent  43 

Vivien  (Joseph)  ^       54,  57,  142,  163,  164 
Welsch  (Maxirailien  von)  29 

Werner  (Samuel)  16,  32 

ZicK  (Januarius)  95,  116 


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N  Riau,  Louis 

684.6  L'art  français  siir  le  Rhin  au 

BA  XVIIie  siècle 


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